LIVRE / KIM YOUNG-HA, DE MEMOIRE.

 Né en 1968, Kim Young-Ha est un petit prodige de la littérature coréenne. J’ai eu le bonheur de découvrir plusieurs de ses opus (dont Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur, Quiz Show ou Fleur noire) qui désopilent par sa manière de briser les règles et d’emmener le lecteur dans des paysages inédits.

Cette fois-ci, ce surdoué de l’écriture traite de la maladie d’Alzheimer avec une incroyable dextérité et intelligence d’esprit. Il fixe ses pas à ceux d’un ex-tueur en série Kim Byeong-su, 70 ans dans la musette et une flopée de crimes dont il n’a plus souvenance : Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d’Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite…Ce personnage déambule dans son existence, sans mémoire, il confond son auxiliaire de vie avec sa fille qu’il pense finalement avoir assassiné comme tant d’autres. L’horreur et la dérision jouxtent en des cloisons fines comme du papier cigarette. L’approche de cette maladie emblématique de nos sociétés est faite avec une grande pertinence. On sent qu’un travail de fond a été mené par Kim Young-Ha : Quand je perds la mémoire du passé, je ne sais plus qui je suis, tandis que si je perds la mémoire du futur (Se souvenir de quelque chose que l’on doit faire dans l’avenir), je suis coincé dans le présent pour toujours.

 Par son architecture, ce thriller psychologique haletant fait songer par moments à l’Etranger de Camus. La maladie jouant le rôle de ce soleil pressant et aveuglant. Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer…

 Malgré son carnet de note et son magnétophone qui pend à son cou, le narrateur, poète et philosophe, marche sur des nuages volatiles. L’auteur, comme il le dit lui-même, se plaît à nous entraîner dans des territoires inconnus de tous, à la manière de Marco Polo.

                                                                                                                   Laurent BAYART

 

* Ma mémoire assassine de Kim Young-Ha, Editions Philippe Picquier, 2015.

 

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