LIVRE / UN CYCLISTE AVEC UN COMPTEUR GEYSER OU MEMOIRE D’UNE APOCALYPSE.

Inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, le livre de l’auteur espagnol Javier Sebastiàn « Le cycliste de Tchernobyl » nous plonge dans ce passé proche où l’Europe découvrit avec stupeur que le nucléaire pouvait plonger le monde dans le chaos. Nous voilà à Pripiat, ville fantôme, qui se trouve à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, ville figée comme une espèce de Pompéi des temps modernes. Déambulent des personnages qui peuplent un paysage fossilisé entre salles de classes désaffectées et pistes d’auto-tamponneuses…Les temps ne sont plus à la liesse. L’ombre de l’invisible radioactivité affole les compteurs geyser. Dans ce décor de cimetière, Vassia, le scientifique, erre avec sa bicyclette tel un messager de l’apocalypse et des becquerels dévastateurs. Cycliste qui sera poursuivi par les hommes en noir du KGB. La vérité n’a pas bonne presse auprès des politiques et de l’Empire. L’homme travaillait sur le projet « Pamir » destiné à neutraliser à l’époque l’initiative de défense stratégique de Ronald Reagan. Cent dix usines et laboratoires étaient disséminés dans toutes les républiques de l ‘ancienne URSS, avec des projets de centrales nucléaires mobiles, lorsque Tchernobyl explosa le 26 avril 1986…Hallucinantes et ubuesques recommandations faites à la population : Il faut hydrater le corps pour que les particules radioactives s’évacuent par la sueur et l’urine… L’histoire s’inscrit sur un nuage radioactif devenu mythique qui fera fi des billevesées et des mensonges proclamés. Il y avait à Pripiat tellement de césium et de strontium en suspension que, selon l’intensité du soleil, on pouvait le voir. Dévastation et horreur d’un massacre muet. Et puis, quelques conseils entre bon sens et surréalisme afin d’éviter les produits irradiés : Les gens cherchaient des fruits avec des vers, ils savaient comme ça qu’ils n’étaient pas contaminés et qu’on pouvait les manger ».

Ce livre chante avec mélancolie et tristesse l’aubade des gens qui sont morts dans le silence des radiations, « hymne à la résistance dans un monde dévasté ».

On déclare souvent, après les catastrophes : « plus jamais ça », mais des pléthores de bombes à retardement menacent encore le ciel bleu et son soleil. Gageons que ce seront encore d’autres nuages bien innocents et inoffensifs…

                                                                                                                   Laurent BAYART

 

* Le cycliste de Tchernobyl de Javier Sebastiàn, Editions Métaillé, 2013.

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