LIVRE / L’HALLUCINANT RECIT CARCERAL DE MAURIZIO TORCHIO.

         La couverture de l’édition italienne est tout simplement superbe, celle de l’édition française nettement moins inspirée mais, qu’importe, le livre de Maurizio Torchio intitulé « Sur l’île, une prison » est magistrale par son écriture, ses descriptions et l’analyse psychologique finement décrite de l’univers carcéral.  Récit mené tambour battant par un détenu, kidnappeur et meurtrier de surcroît.  L’auteur, né à Turin en 1970, a étudié la philosophie et possède un doctorat en sociologie de la communication mais ceci n’explique pas tout car, à le lire, on se demande vraiment comment il a réussi la prouesse de se mettre dans la peau d’un prisonnier et de décrire, avec une précision d’horloger, le monde mystérieux de l’enfermement.

Cette prison-forteresse, située en pleine mer, se révèle être un univers en huis clos où « marinent » les détenus dont Toro, emprisonné après avoir enlevé la fille d’un magnat du café, puis condamné à une lourde peine pour avoir trucidé un gardien. La narration, sans temps mort, décrit cette vie carcérale journalière et la promiscuité avec les garde-chiourmes, un destin qui les unit dans cette communauté cloisonnée qui vacille entre compassion et haine. Quand quelqu’un s’évade, les gardiens deviennent fous de rage. C’est comme si on avait violé leurs femmes sous leur nez.  Ils se sentent stupides et cocus. Et puis, l’obsession constante des portes fermées et du verrouillage systématique  : parce que, plus les prisons vieillissent plus elles deviennent poreuses, pleine de trous, de bizarreries, de cachettes…

Quant au narrateur, qui sait qu’il a pris  pour« perpète », il analyse avec beaucoup de justesse sa condition : Personne n’a plus d’espoir que les gens qui sont enfermés depuis longtemps : s’ils ne se tuent pas, ils prennent confiance dans le temps…

Ce livre est surprenant par la pertinence de son analyse, comme cette phrase au détour d’une page : La seule différence entre une cagoule pour kidnappeur et une cagoule pour kidnappé est que la seconde n’a pas de trous pour les yeux.

On ne sort pas indemne d’un pareil ouvrage, le point final étant comme une porte, bruit d’écrous, qui se referme lourdement derrière vous.

                                                                                @ Laurent BAYART 

Sur une île, une prison de Maurizio Torchio, éditions Denoël, 2016.

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