BILLET D’HUMEUR / ACTE 115 / COMPLICITE SUR UN BANC REPOSOIR EN VERSION GARE.

Camille, petite princesse des rails

          Complicité de l’instant que l’on croque lentement comme une gourmandise de noisette. Attendre et prendre son temps demeurent tout un art. Avec vous, les petits-enfants, et toi Camille, nous apprenons patiemment l’attente sur ce quai de gare où les voies semblent être des partitions qui égrènent leurs notes glissantes sur les rails. Ecriture des trains qui nous enchantent de la grammaire des voyages et de l’alphabet d’une ligne droite qui s’en va, là-bas, vers l’infini d’un butoir, au bout de l’horizon pour émerveiller les yeux des bourlingueurs sédentaires.

Sur notre banc-reposoir du quai, les annonces martèlent les destinations et les arrivées. Grand brassage des mondes de la transhumance horizontale. Parfois, un train de marchandise balade langoureusement ses conteneurs venus d’Asie, et se déroule comme une interminable chenille ou les soufflets d’un accordéon sur des centaines de mètres…Et puis soudain, sans coup férir, une étoile filante de TGV fuse et passe, dans un grand brouhaha, tel un mur du son qui aurait fait exploser quelques feuilles mortes, faisant danser en bossa-nova endiablée la chevelure de Camille, princesse des voies ferrées. O jolie sauterelle effarouchée ! Et puis, le piano d’un train régional, avec ses voyageurs désormais masqués, qui déroule son arpège et joue les tortillards devant nous. 

Dans ce siècle de la vitesse de l’instantanéité et de l’Internet, la lenteur est une prière que l’on fait en courant…

Voyages immobiles, petite Camille si attentive, si avide de nos futiles mais si essentiels vagabondages dans le bonheur de l’instant. Comme si l’éternité avait décidé de mettre un peu de rouille dans les rouages de la grande horloge.

Nous vivons l’ivresse de composter le temps en connivence partagée. 

                                                           Copyright : Laurent BAYART 

                                                                       4 juillet 2020

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