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LIVRE A METTRE ABSOLUMENT AU PANTHEON DE LA LITTERATURE VELOCIPEDISTE : LA BURLESQUE EQUIPEE DU CYCLISTE DE H.G. WELLS.

Paru en 1906, ce livre du génial écrivain Herbert George Wells (La guerre des mondes, L’homme invisible…) est un petit bijou de littérature cycliste, mais pas que…

Je viens de lire avec ravissement et enchantement La burlesque équipée du cycliste qui nous emmène dans une entame de siècle où l’on découvrait alors les vertus de cette petite reine, devenue moyen de communication et de rencontres (amoureuses), permettant aussi aux classes ouvrières de s’émanciper et de prendre l’air sur les routes anglaises. On se souvient du livre référence Voici des ailes de Maurice Leblanc dont on a tant vanté les mérites, mais cet ouvrage-là, à mon sens, est une véritable pépite, un braquet bien supérieur pour employer un terme cycliste.

 Cette comédie guillerette raconte les aventures rocambolesques et picaresques de Hoopdriver,  jeune employé de tissu londonien  qui va prendre quelques jours de congés afin d’aller goûter à la grande aventure d’une randonnée cycliste sur la Southern Coast.

Et voilà notre Don Quichotte en chambre à air, gauche et maladroit, (roi de la gamelle !) partant à l’aventure malgré un nombre incalculable de blessures aux genoux et de « chromes » sur l’épiderme. Son tube d’arnica sera une manière de faire foi du cachet de la poste ! Coup de foudre, à défaut d’un coup de pompe, à la vue de cette « jeune dame en gris », la susnommée Jessie, mineure enlevée par un chevalier à la triste figure de son aristocrate famille. Notre petit employé se transforme en justicier, chevalier et limier à la manière d’un Sherlock Holmes en chambre à air. La bicyclette lui permettra d’aller au-delà de sa petite condition et de se métamorphoser !

Incroyable fantaisie et drôlerie dans cette écriture pleine d’allant et de bonne humeur.

Belle histoire d’amour aussi sur fond de paysages pittoresques et rencontre impromptue d’une jeune bourgeoise avec un petit ouvrier. Révélation de deux mondes qui se percutent. Et, comme toute (belle) histoire à une fin, chacun  regagnera son monde, mais la jeune fille glissera ce sage conseil à son preux bicycliste : Travaillez. Cessez de baguenauder avec la vie. Vous avez prouvé que vous êtes doué de courage, de volonté. Mettez-vous à l’œuvre.

Il y a des rencontres (en bicyclette) qui changent les destins…

                                                                                       @ Laurent Bayart

* La burlesque équipée du cycliste de H.G. Wells, Folio, 1984.

IDISS, L’EMOUVANT HOMMAGE DE ROBERT BADINTER A SA GRAND-MERE.

I

Récit d’un singulier destin d’une femme et famille juives qui émigrèrent, de l’ancien empire russe de Bessarabie, dans la France des Lumières, fuyant la révolution russe et les pogroms de Kichinev. Née en 1863 dans ce qu’on appelait alors le Yiddishland, à la frontière occidentale de l’empire russe, devenu ensuite territoire roumain. Idiss vivait alors dans ce qu’on surnommait un shtetels, village peuplé de juifs dans la Russie tsariste. Epoque où l’on parlait le yiddish sur un territoire qui recouvrait la Lituanie, la Pologne, l’Ukraine, la Hongrie et la Roumanie,  rassemblant une diaspora de onze millions de juifs unis par cette même langue.

Emouvant ce livre avec en couverture la photo sépia en médaillon d’Idiss, la grand-mère maternelle de Robert Badinter, ancien ministre de la justice et ex-président du Conseil constitutionnel, qui rend ainsi un vibrant hommage à cette femme au destin singulier, mais aussi à un peuple inexorablement persécuté.

C’est ainsi qu’avec tendresse Robert Badinter dresse le portrait de cette femme qui – pour subvenir aux besoins de sa famille – fut contrebandière (de tabac !) bien malgré elle. Il raconte leur installation à Paris, puis à Fontenay-sous-Bois et Nantes, son père Simon devenant négociant de fourrure. Aléas de cette famille d’émigrés qui prend bien vite la mesure de la vie parisienne. La France est alors une terre d’accueil. Les anciens Russes s’intègrent parfaitement et sont reconnus « citoyens français de confession israélite », montrant par là qu’ils étaient des Français, « juifs seulement par leur religion ». Bonheur fugace de l’entre-deux guerres où les bruits de bottes commencent à nouveau à se faire entendre dans cette Europe qui concocte l’un de ses plus grands carnages. Brouhaha de l’histoire qui s’emballe avec l’Occupation allemande et les lois et décrets du gouvernement de Vichy à l’encontre des Juifs (dont la liste figurera en fin de volume). Son père et son oncle Naftoul seront déportés, comme tant d’autres, et ne reviendront jamais…

Ce récit poignant retrace une époque étranglée qui –hélas – ressemble un peu à celle qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux, avec les montées de l’intolérance, des nationalismes et des actes de xénophobie. L’histoire serait-elle donc toujours un éternel recommencement ?

Le bonheur, une fine pellicule de papier que l’on froisse et déchire si vite…Les livres ne sont-ils fait que pour brûler ?

@ Laurent BAYART

* Idiss de Robert Badinter, éditions Fayard, 2018.

HORS SERIE SPORT & VIE/ LA DANSE COMME ON N’EN PARLE JAMAIS.

 

Le dernier hors série du magazine Sport & Vie est tout simplement passionnant, dédié entièrement à la pratique de la danse, il sort totalement des sentiers battus pour nous emmener faire du « hors piste » !

On sait que depuis des temps immémoriaux, les êtres humains dansent comme si cette activité était indispensable à leur survie, et plus loin d’affirmer : Les êtres humains sont nés pour courir, disions-nous plus haut. Et s’ils étaient aussi nés pour danser ?  En effet, la danse se révèle être un langage de communication qui ne trompe pas, à l’inverse de la parole : La musique et le chant visent moins à transmettre des idées ou des messages que des affects et des émotions qu’on peut lire sur le visage des gens. De plus, elle permettrait de maintenir une cohésion de groupe, une osmose entre les individus. Bref, une  véritable communion sociale.

 Ce numéro traite de nombreux aspects de la danse, des thèmes passés souvent sous silence. Si le grand public est bien au courant des dérives liées à l’anorexie, il connaît moins les confondantes pratiques du dopage à faire pâlir cyclistes ou rugbymen ! Et là, on tombe littéralement sur les fesses ! (Loupée la réception !) Car ceux qu’on surnomme les athlètes de Dieu sont gavés aux stimulants, diurétiques, amphétamines, stéroïdes et drogues récréatives. Bref, c’est plutôt le pandémonium !  Cocaïne et cortisone permettent aussi de palier aux innombrables blessures engendrées par la pratique de la danse. Les compagnies de ballet professionnel rapportent un  taux de blessures annuel de 67 à 95% !La danse s’affirme donc comme une pratique sportive qui nécessite un entraînement de spartiate. En danse, on doit savoir quelle image on propulse dans l’espace, à chaque instant,ce qui différencie avec la pratique sportive du compétiteur dont seul le résultat du tableau d’affichage compte.

On y apprend que Cuba est l’endroit au monde où l’on danse le plus, que la Russie est une terre de danse grâce à Pierre le Grand, fondateur de Saint-Pétersbourg, puis de l’impératrice Catherine II qui lança la construction du Bolchoï (qui signifie grand théâtre) et Strasbourg, la ville où une épidémie de danse a rendu fou (lire Jean Teulé Entrez dans la danse).

Cette revue nous fait entrer de plain-pied dans la chorégraphie, sous la gouverne de son saint patron,  Saint Guy…On achève bien les chevaux !

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Sport & Vie, hors-série numéro 49 « La danse comme on n’en parle jamais ». 7,50 Euros.

 

BILLET D’HUMEUR / ACTE 66 / STRASBOURG OU DES FEUX QUI RONGENT LES CŒURS ET LES CORPS.

(photo Némorin, Erik Vacquier)

           Il y a des feux, il y a le feu en nous. Ce soir, les gobelets de vin chaud, ses odeurs d’épices et les lampions de la fête ont été chahutés par les urubus de la destruction aveugle. Obsession de toujours tuer. De répandre l’horreur dans les rues illuminées par la liesse. Rendez-vous des humanités joyeuses dans les ruelles de la ville. Les santons de la crèche ont été fracassés. Ce soir, le père Noël est accablé. Affligé par les enfants fous de l’apocalypse, habillés de noir. Le vieillard, tout en bonhommie, a déposé sa hotte et son manteau rouge. Bien trop lourds à (sup) porter. Feux comme des coups de pétard qui hachent les corps qui étaient – jusque là – en goguette. Coups de poignards lacérant le drapeau blanc où flottait la paisible colombe de toutes les paix. Les mots et les paroles sont impuissants,voire inaudibles face à l’abject. La cathédrale semble pleurer des larmes de grès. Sa flèche majuscule se veut être une ode à la tolérance, elle ne comprend pas ce qui se passe plus bas. Ses archanges en pierre, dans les voussures et les tympans du portail, prient dans la lumière/ tabernacle du crépuscule. Ce soir, une immonde gargouille a joué les oiseaux destructeurs et s’est pris de folie. Jusqu’où iront ces ombres ? Démons humains à toujours vouloir semer le désastre ?

Ce soir, les bougies et les cierges se sont allumés. Il faut l’ivresse du soleil pour redonner de l’âme à ces rues balayées par les cyclones de la mort. Notre Dame de Strasbourg prie dans sa robe rose de dentelles des Vosges.

Ami, écoute le doux chuchotement de cette prière qui vient apaiser nos âmes meurtries et éteindre les incendies allumés par les enfants aveugles du néant.

Ce soir, notre prière est plus puissante que leurs cris de haine.

                                                                                                               @ Laurent Bayart                                                                                            

                                                                                 Strasbourg / 11 décembre 2018

 

LIVRE / PASSEPORT POUR SEOUL

 

Patrick Maurus est (ou était) conseiller culturel à Séoul et maître de conférence, il a fait paraître, en 2002, un livre intéressant sinon passionnant sur Séoul. Occasion pour nous d’aller arpenter la capitale de la Corée du Sud par le biais de ce livre comme un sauf-conduit : la littérature. La deuxième partie est justement jalonnée d’extraits de textes d’auteurs qui « racontent » cette ville où coule le fleuve Han : Ah, vous ! Encore cette vieille rengaine du fleuve Han ! Et depuis quand les poèmes et les rivières ont-ils une nationalité ?… /…les poèmes sont écrits pour ceux qui ont des larmes et les fleuves coulent aussi pour eux…

L’auteur de citer en liminaire Walter Benjamin : le vrai problème dans une ville n’est pas de s’y retrouver, mais de s’égarer…et Maurus de rajouter, s’agissant de Séoul, que le touriste, qui sera perturbé par tous les noms illisibles que lui offre le manuscrit de la ville, le sera au point de ne pas s’apercevoir qu’il n’y a même pas de noms de rues…en rajoutant – à toute fin utile – un tableau de l’alphabet coréen ! Plus loin, il écrira comme une manière de description : Ville moderne, tentaculaire, kilomètres de barres d’immeubles, quelques beaux palais et musées…et de nous révéler l’origine du nom de Corée : De celui de l’avant-dernière dynastie, Koryo…./…Au nord, Choson (matin clair), au sud Han’guk (pays des Han). Et de compléter avec Sorabol, parlant de Séoul, signifiant plaine. Voici pour une petite leçon d’histoire et de linguistique. Toujours instructif l’origine des noms !

Voilà pour cette petite déambulation onomastique et littéraire dans les larges avenues de cette mégapole,  avec  l’aide d’une petite carte du centre, extraite de l’édition du Petit Futé de l’époque. Entre temps,  la ville a dû encore bien changer. Les métropoles étant comme des adolescents dont la croissance n’arrête jamais…

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Passeport pour Séoul, visite et aperçu littéraire proposés par Patrick Maurus, Actes Sud, 2002.

LIVRE / LE POINT (PRESQUE) FINAL DE JEAN D’ORMESSON

 

      Pétillant d’élégance et d’érudition, Jean d’Ormesson, décédé en décembre 2017, laisse une œuvre conséquente et notamment un dernier livre paru juste après sa mort, comme un petit clin d’œil adressé à ses lecteurs. « Et moi, je vis toujours » nous entraine dans l’incroyable maelstrom de l’histoire de l’humanité et des hommes, par l’intermédiaire de ce juif errant dont il emprunte les mots : Oui, c’est moi, mes enfants / Qui suis le Juif errant…/Chacun meurt à son tour/ Et moi, je vis toujours.

Et nous voilà partis dans une folle équipée universelle, avec ce Juif errant qui joue le rôle de passeur et personnage interchangeable à travers les siècles, en passant par la Mésopotamie, berceau de l’écriture : C’était une invention nouvelle : l’écriture. Les paroles ne restaient plus comme suspendues en l’air dans le temps : elles se fixaient dans l’espace sur le bois ou la pierre, plus tard sur du cuir ou sur des papyrus. Et nous voici plongés dans le tourbillon de l’histoire humaine avec ses guerres, génocides et ruines fumantes, Tacite résumant bien cette perversité à détruire : Où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont fait la paix. Et plus loin, Jean d’Ormesson d’évoquer les grandes plumes et autres esprits du siècle des Lumières qui ont fait briller l’esprit français sur le monde.

Ce livre est tout simplement magistral, comme un point final posé sur une œuvre qui ne cesse de nous parler, car cet écrivain vit toujours en nous. Il offre aux inconnus, qui ont traversé le temps, une sépulture car –dit-il – je suis ceux qui ne comptent pas dans les livres – et pas même dans celui-ci. Je suis ceux dont personne ne s’occupe dans leur vie et dont personne ne se souvient après leur mort…

Dont acte. Le distingué allumeur d’étoiles nous offre une dernière bulle de champagne avant de s’éclipser.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Et moi, je vis toujours, roman, de Jean d’Ormesson, éditions Gallimard, 2018.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 65/ RESTER DEBOUT

 

 

 

                                 (photo Némorin, Erik Vacquier)

        Sommes-nous encore capable de savourer la grâce de l’instant ? Nos pas s’en vont toujours plus vite vers demain. Nous ne percevons plus le paysage qui défile, tel un rouleau de décor de théâtre de marionnettes. Nous sommes devenus des trains/lucioles filant à grande vitesse,  traversant les mondes et les civilisations que nous ignorons avec superbe. Fourmis coureuses qui n’ont plus conscience de cette humanité qui constituait notre placenta protecteur. Nous l’avons percé. L’eau s’est échappée et la terre est devenue un territoire inconnu. Nous voyageons dans la vélocité de l’éphémère. Pris par l’ivresse des raccourcis qui désenchantent la planète et ne mènent  finalement qu’aux confins des impasses.

Nous sommes devenus étrangement absents. A envoyer sans cesse des mails à nos chats et des sms à nos chiens. Tandis que sur nos boîtes vocales, nos voix semblent être des apparences de lumières, à l’image de celles des étoiles qui arrivent jusqu’à nous par les sentes noires du cosmos, mais qui n’existent désormais plus…

Où sommes-nous donc passés ? Dieu nous cherche désespérément. Prenons le temps de nous asseoir sur ce banc avant qu’une tronçonneuse ne le découpe et qu’un bûcheron ne l’achève. Il devient urgent de se mettre en mode pause et de songer à notre sauvegarde.

Sinon, il nous faudra encore et encore marcher. Dans l’obligation de rester toujours debout jusqu’au bout. Les cimetières seront nos porte-manteaux. Nos âmes accrochées à la grande penderie du ciel.

                                                                                                                 @ Laurent Bayart

 

BILLET D’HUMEUR / ACTE 64/ IL NE TIENT QU’A NOUS…

(photo de Némorin, Erik Vacquier)

          Ah, que reviennent les temps du vagabondage, de la fuite de l’instant et des mots qui inventaient des rencontres fortuites. Retrouver le goût de l’essentiel, écrire sur l’aiguillon d’une plume, un peu comme une ballerine se hisserait sur la pointe de ses pieds pour accomplir le ballet d’une danse magique. Ecrire avec l’encre de ses lèvres et offrir la grammaire d’un sourire adressé au passant que l’on croise. Fraternité des hommes qui se mettent de nouveau à chanter et à espérer en des jours meilleurs. Ne pas abandonner le martèlement sourd du bruit des bottes aux militaires et le grondement infernal des chenilles aux tanks. Ne pas les laisser menacer ceux qui restent debout et portent encore des rêves dans leurs pupilles.

Ah, que reviennent les temps de l’espérance, de la beauté des regards échangés et de l’amour prodigué à l’enfant, pris comme une chance et non pas un fardeau ou une charge. Respecter cet arbre- planète – qui nous porte (et supporte) depuis si longtemps car sans lui, que serions-nous ? Son écorce raconte notre ancestrale histoire et la généalogie de nos existences. Elle constitue notre plasma dans lequel sont gravées nos silhouettes. Sans ses branches, nous serions manchots de toute vie.

Ah, que reviennent ces envies de changer le monde et de chahuter l’ordre devenu une façon de dictature en nougat mou. Chloroforme de l’endormissement. Les moniteurs et autres écrans constituent notre anesthésie quotidienne.

Demain peut encore être un rendez-vous et non pas un jour biffé sur l’éphéméride.

Il ne tient qu’à nous de changer le monde. Un seul rêve peut bousculer la litanie des nuages qui promettent le déluge. Un peu d’amour ? A l’instar d’un soleil qu’un météorologue prévisionniste n’aurait pas vu venir…Ses lumineux rayons l’ayant rendu aveugle.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

                                                                            

 

LIVRE / PHILIPPE BRUNEL OU LA BELLE MECANIQUE DU DOPAGE.

 

               Ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas d’une fiction, le terme roman ne figure d’ailleurs pas en couverture. Philippe Brunel, grand reporter et spécialiste du Tour de France au journal l’Equipe, nous offre un témoignage/récit accablant, rédigé comme un polar, sur le dopage mécanique dont il est souvent question ces derniers temps.  Le journaliste raconte sa rencontre avec ce physicien et ancien coureur cycliste hongrois Istvan Varjas, inventeur du vélo à moteur qui lui livre la sombre mécanique…de ses confidences. On parle de ces « bidouillages » de cadres depuis 1998 et même avant, puisque les ingénieux mécaniciens réussirent à miniaturiser ce petit moteur qui mettait de la potion magique dans la pédalée des coureurs…Ce dopage, tour de passe-passe, est quasiment indétectable et indécelable : Les hormones laissent des traces dans le sang, dans l’urine surtout, depuis qu’on peut congeler les éprouvettes. Un dopé reste à la merci d’un contrôle rétroactif, avec le moteur rien de tout cela, si l’on ne vous prend pas sur le fait, personne ne pourra vous accuser d’avoir triché…

Véritable polar cycliste, rédigé à la mode journalistique, cet ouvrage livre ses pièces à conviction à charge surtout contre l’extraterrestre du cyclisme : Lance Armstrong qui – outre l’EPO – était déjà doté de ce petit moteur révolutionnaire. Il en avait les moyens et les complicités…

Philippe Brunel nous offre un tableau hallucinant de ce dopage que l’on pensait anecdotique et marginal. Voyage aussi dans le monde interlope d’un cyclisme dominé par l’argent, les conflits et les intérêts, phagocyté par les hommes en blouse blanche,  Mabuse comme le docteur Ferrari qui touchait un pourcentage sur les coureurs…./…Il était plus riche que tout le peloton réuni !…

On apprendra aussi l’origine de la haine du coureur texan vis à vis de Greg LeMond qui lui aurait confié, à ses débuts : avec ce corps massif, ces épaules de déménageur, je lui avais dit qu’il avait plutôt un gabarit de footballeur…Ces mots allaient lui pourrir sa carrière et sa vie pendant bien longtemps…

Pour Armstrong, le Tour était un moyen d’engranger des  paquets de dollars. A ses yeux, ce n’était qu’une immense farce pour un public débraillé dont il souffrait l’haleine quand il le frôlait un peu trop près dans la montée des cols.Alors que le Tour (est) un Tour métaphysique, sentimental et poétique …affirme avec passion Philippe Brunel. Ah, que revienne le temps des héros qui nous faisaient tant rêver !

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Rouler plus vite que la mort,  de Philippe Brunel, Grasset, 2018.

LIVRE/ LES INCROYABLES FACETIES DU DOCTEUR IRABU  DE L’ECRIVAIN JAPONAIS HIDEO OKUDA.

 

   Petite merveille de la littérature japonaise, croustillante et facétieuse, drôle et finement absurde avec les incroyables aventures de ce psy, le docteur Irabu, inventé d’une plume de maître par l’écrivain Hidéo Okuda. J’avais adoré le premier opus Les remèdes du docteur Irabu, voilà la suite qui n’est pas piquée des vers avec Un yakuza chez le psy. Ce disciple d’Esculape, bon enfant et naïf à souhait, à l’embonpoint impressionnant et qui roule en Porsche, se révèle être quasiment un personnage de manga, bande-dessinée ou de cinéma.  Pour ma part, je me régale de cette littérature atypique, pleine d’humour. On apprend que les ouvrages d’Okuda ont fait un véritable tabac dans le pays du soleil levant, et ça ne m’étonne pas ! Grand patron de la clinique Irabu, héritée de son papa pédiatre, ce psy détonnant officie en attendant le client au rez de chaussée de l’immeuble, lui administrant par l’intermédiaire de sa pulpeuse et sexy secrétaire/assistante, Mayumi, une piqûre, en guise de carte de visite et autre présentation ! Et quelques potaches collègues se souviennent encore de lui : Irabu était une source intarissable d’anecdotes. Le moindre de ses faits et gestes se distinguait de la normale. Ainsi, il avait enduit de peinture fluorescente le squelette de l’amphi.

On se délecte de ces cinq textes rédigés comme des nouvelles où l’on évoque les mésaventures d’un Yakuza allergique aux armes blanches, les névroses obsessionnelles d’un écrivain qui ne se souvient plus du job de ses personnages ou d’un grand joueur de base-ball victime de yips…

Epatantes, ces petites histoires distillées avec la magie d’un verbe surprenant et amusant. On en redemande. Vivement d’autres traductions !

                                                                                                              @ Laurent BAYART

 

* Un yakuza chez le psy d’Hideo Okuda, éditions Wombat, 2014.