LIVRE / LES CHEMINS NOIRS DE REDEMPTION DE SYLVAIN TESSON.

 

Le personnage était parfois un rien agaçant ; cette constante bourlingue entre vodka, improbables périples aux confins des mondes et défis à saute-mouton avec la mort. Hélas, à force de jouer avec l’impossible, l’écrivain talentueux qu’est Sylvain Tesson s’est « crashé » d’un toit, chute de dix mètres, acte gratuit et jeux d’ados en beuverie qui tournent au drame. Cette tête brûlée (cassée pour la circonstance) s’en est sortie handicapée, après une dizaine de jours de coma…Un autre homme est né.

Chemins de rédemption, les « chemins noirs » de ce livre raconte la traversée d’une France « hyper rurale », zones d’ombres et bassins de vie où la modernité n’a pas encore jeté ses postillons sur la nature. Sylvain a emprunté les sentes de rédemption, à pied, du 26 août au 8 novembre 2015, traversée en diagonale de Provence jusqu’au Cotentin. L’aventure hexagonale : … j’avais passé vingt ans à courir le monde entre Oulan-Bator et Valparaiso et qu’il était absurde de connaître Samarcande alors qu’il y avait l’Indre-et-Loire…Le corps et les os cloutés et en bris de l’aventurier se refont, peu à peu, au gré des paysages et des rencontres. Fraternité de ces retrouvailles avec soi-même où l’homme redécouvre son essence même et le sens de sa vie. Se remet, dans le fond, « dans le sens de la marche ». L’écrivain nous régale avec son sens de l’observation, son indéniable qualité d’écriture, narration toujours élégamment conduite où il découvrira, en rase campagne, les panneaux d’une société de l’interdit qui vendange ses impératifs : Depuis le Mercantour, je notais la propension de l’homme à placarder ses injonctions. Chaque lisière portait ses « chasse gardée », « propriété privée », « accès interdit » et même « dernier avertissement ». L’homme avait su aménager la nature, la grillager, l’anthropiser….

 Le livre est somptueux, peut-être le plus beau et le plus fort de Sylvain Tesson car ses pas le mènent à cette rédemption/résurrection sur les chemins d’une aventure qui se glisse à l’intérieur de nos propres horizons.

Laurent BAYART

 

* « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson, éditions Gallimard, 2016.

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