C’est avec une infinie émotion que j’ai lu le dernier opus littéraire de l’ami et frère en littérature qu’était Albert Strickler. Son ultime journal de l’année 2023 est comme un dernier pinceau de lumière qu’il nous adresse d’une étoile si lointaine, désormais disparue et pourtant si proche, vivante et clarteuse.
Adieu à la splendeur constitue une échappée du verbe et de la poésie dans le quotidien qui illumine nos existences. Matutinaux, tous les deux, nous avions entamé une conversation épistolaire par mail, tel un rendez-vous informel dans lequel nous échangions quotidiennement sur l’essentiel et les banalités des jours qui éclairaient nos existences. Albert était un porteur de lumière qu’il reste encore aujourd’hui, malgré sa disparition. Il est ainsi des étoiles dont la clarté continue de parvenir jusqu’à nous, bien après leur disparition…
Dernier volume de cette grande aventure littéraire. Le 7 novembre 2023, Albert a quitté son navire. Pour le lecteur, pour l’ami, c’est une sensation étrange d’avancer à ses côtés au cours d’une année qu’il ne finira pas. Vision prémonitoire, lui qui avait intitulé l’un de ses opus justement Boîter jusqu’au ciel ! Réveillé très tôt, mais dans l’impossibilité de me lever, je contemple la marqueterie de mon plafond comme une constellation de bois, dont je déchiffre les nœuds. Lui qui souffrait le martyr avec une maladie de Lyme qui le…laminait et lui déchirait les articulations : Pauvre de moi ! Je secoue mon tapis de bain par la fenêtre et vois, arrachés par la douleur, s’envoler mes bras.
Merveille de cette écriture quotidienne qu’il sublime en orpailleur du verbe et des mots. Immensément touché aussi lorsque nous nous revîmes (la dernière fois) à Mundolsheim et qu’il voulut me prendre en photo dans mon jardin…Joie aussi de revoir Laurent Bayart, local de l’étape, et frère en « brinquebalance », qui pointe désormais l’horizon avec sa canne…Appendice devenu indispensable comme un trait d’union vertical qui m’aide à ouvrir ma sente tel Moïse la Mer rouge !
Que d’émotions en relisant cette feuille de route que constitue son journal. Nous nous connaissions depuis les années quatre-vingt en nous découvrant – sur le tard – d’incroyables connivences ! La vie est belle comme le répétait son petit père…
Prémonition ? Le 11 février, Albert écrivait comme un cri en une ultime confidence : Pas seulement au bout du rouleau, mais au bord du précipice. Un pas de plus, et je tombe dans l’abîme.
Non, Albert, tu n’es pas « tombé », mais tu planes désormais dans la plénitude de l’éternité. Ainsi, tu continues de m’adresser quelques missives, désormais en provenance de la boite mail du cosmos et de l’invisible…Mais qu’importe, nous continuons notre indicible et fécond dialogue !
© Laurent BAYART
- Adieu à la splendeur, journal 2023, d’Albert Strickler, Éditions du Tourneciel, Collection le Chant du merle.
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