Tous les articles par Laurent Bayart

LIVRE / EDGAR MORIN OU L’ESPRIT LIBRE ET Éclairé DES LUMIERES…

         Esprit indépendant et original, voire totalement atypique, le sociologue et philosophe Edgar Morin (de son vrai nom Edgar Nahoum) nous offre un ouvrage singulier et captivant Encore un moment…dans lequel il rassemble quelques textes, chroniques historiques et philosophiques d’une lucidité surprenante, pour un « jeune homme » de 103 ans, comme un regard pétri de sagesse sur le monde actuel.

Reprenant les mots de Rita Levi-Montalcini, prix Nobel de médecine qui disait : Donne de la vie à tes jours plutôt que des jours à ta vie… »L’écrivain, émerveillé et candide, avouant son étonnement de vivre : pas seulement d’être encore en vie à cent ans, mais tout simplement d’être un vivant au sein de la vie dont je jouis en même temps que l’oiseau…et de rajouter, plus loin : Et le plus étonnant est que l’on s’étonne si peu de vivre. Cet écrivain, à l’extrême longévité nous livrant quelques-uns de ses secrets de vie : J’ai privilégié une alimentation saine, si possible d’origine bio, j’ai suivi le régime méditerranéen…/…j’ai limité ma consommation d’alcool à un verre de vin rouge par jour…/…Mais je n’ai pas pratiqué de sport, si ce n’est une intense activité cycliste jusqu’à mes vingt-cinq ans…

Dans cet ouvrage de chroniques, il évoque une barbarie qui surgit -encore et toujours- des musées de l’horreur et parle des enjeux sociétaux : La nature humaine ne peut supporter d’être contrainte absolument et « vouloir tout régenter par des lois, c’est rendre les hommes mauvais ». Il fait aussi quelques apartés historiques, notamment, concernant la Seconde Guerre mondiale, en mettant en exergue quelques rappels de faits sous-estimés ou occultés, notamment lorsqu’il met l’accent que L’Union soviétique exigeait que, en cas d’attaque allemande de la Pologne, ses troupes puissent entrer en territoire polonais, ce que refusèrent les Occidentaux. Ce refus favorisa la conclusion en août 1939 du pacte germano-soviétique…Et de rappeler plus loin que Hitler n’a cependant jamais abandonné son espoir illusoire d’une entente avec le Royaume-Uni, souvent évoquée de part et d’autre.

Le penseur rend hommage aux courages des femmes iraniennes qui ne cessent de se battre pour leur liberté, déplore le « compartimentage » de la médecine occidentale en oubliant de traiter le tout et surtout l’esprit sans lequel, rien n’est possible ! La tragédie, c’est qu’il y a non-communication entre ces médecines. Principalement parce que la médecine occidentale exclut ce qui lui est étranger. L’auteur centenaire porte une vision éveillée sur les enjeux actuels : La planète est en détresse : la crise du progrès affecte l’humanité entière, entraîne partout des ruptures, fait craquer les articulations, détermine les replis particularistes : les guerres se rallument ; le monde perd la vision globale et le sens de l’intérêt général.

Là, où les plus jeunes semblent sourds, autistes et aveugles devant la situation actuelle, ce vieil homme qu’est Edgar Morin promène un regard sensé et plein d’espérance, mettant le baume d’une nouvelle luminosité dans nos pupilles…Et si le siècle des Lumières n’était pas – tout simplement – de retour ?

                                                 © Laurent BAYART

  • « Encore un moment… » d’Edgar Morin, Denoël, 2023.

LIVRE/ LA VIEILLESSE, UNE AVENTURE SELON MARIE DE HENNEZEL.

         Non, vieillir n’est pas forcément le naufrage hugolien annoncé, bien au contraire ! La psychologue et auteure Marie de Hennezel nous démontre bien le contraire dans son nouvel essai L’aventure de vieillir. Elle pose, en sous-titre la pertinente question : Et si avancer dans l’âge était un voyage ? 

Sa réflexion et conviction sont le fruit de nombreux ateliers, groupes de rencontres, séminaires et visites dans les maisons de retraites et hôpitaux. Reprenant les propos de Laure Adler qui confie : Vieillir, c’est accueillir ce qui vous arrive dans l’intensité d’un présent qui, autrefois, vous était dérobé par le vacarme du monde, le tourbillon des projets, le songe des désirs inavoués…Les chiffres sont imparables et nous annoncent qu’il faut se préparer au défi du grand âge, car l’horloge démographique de la France reste implacable : entre 2030 et 2050, le nombre des 85 ans et plus va croitre de 90%…Et Benoite Groult de rajouter : Je découvre la richesse des voyages immobiles. Et ce vieil homme de 80 ans, rencontré sur un chemin, de rajouter : Quand je regarde un arbre, je l’apprécie, je le savoure autrement qu’il y a dix ou vingt ans…/…Voyez-vous, madame, évoquant cette excursion, je la vis tellement différemment. Je marche lentement, je m’arrête souvent. Je contemple le paysage…

Je complèterais de disant que vieillir, c’est tout simplement savourer l’instant. 

Marie de Hennezel, à contre-courant des idées reçues, nous confie avec douceur que vieillir n’est pas une dégringolade, loin de là, mais le temps de la sagesse et du regard apaisé. 

Voici un livre ressourçant qui redonne foi en ces moments, parfois compliqués, grinçants et difficiles où les articulations jouent de l’épinette et de la cornemuse (le corps s’use !) mais si riches en intensité et en bonheurs partagés que l’on conjugue en mode présent.

                                                               © Laurent BAYART

  • L’aventure de vieillir, Et si avancer en âge était un voyage ? de Marie de Hennezel, Robert Laffont, 2023.

CHAQUE CAILLOU RACONTE UNE HISTOIRE…

                                                     Avec la complicité (photographique) de Gustave,

         Chaque caillou est comme une miette de parchemin qui raconte l’histoire du minéral en crissant sous nos pas. Le chemin se retrouve enchanté par ses escarbilles de poussières solides, jetées sur la sente tels des poèmes qu’il convient de lire et de scander à haute voix. Nos semelles lisent à travers la voûte plantaire, sismographe de l’écriture terrestre. C’est le chant du monde qui émerveille nos âmes. Et si nous ne formions qu’un tout ? Qu’un seul corps que nous retrouverons au jour ultime ? Et si l’univers n’était qu’un livre ? Une bible universelle et cosmogonique ? Rejoindre l’Un pour recouvrer son enveloppe originelle ?

Cheminer, c’est peut-être, à l’image d’un enfant, remplir ses poches de petits cailloux ou galets peints, étranges mandalas…et les remettre sur nos pas pour retrouver notre route.

Et puis, s’arrêter enfin de marcher, la destination s’étant posée sur le paillasson du départ.

Un caillou s’est métamorphosé en boite à lettres.

Quelqu’un a rédigé sur la pierre une missive en forme de lettre, le cachet de la poste faisant foi.

Dieu, en serait-il l’invisible expéditeur ?

                                                 © Laurent BAYART

                                                                           23 juillet 2024

LIVRE / TOUS EN SEINE OU LE ROMAN FLEUVE DE PHILIBERT HUMM.

          C’est un livre qui coule, presque comme un long fleuve tranquille, d’un auteur talentueux dont le nom fait penser à un onomatopée. Vaste équipée fluviale le long des sources de la Seine jusqu’au Havre où le suspense y est supportable et l’œuvre reste accessible au public poitrinaire. L’aventure sans forcément de majuscules, ni besoin d’aller au diable vauvert ni jusqu’aux confins des mondes. Philibert Humm, capitaine de frégate ou plutôt de kayac ajoutant malicieusement, parlant des aventuriers : Nous ne nous vantons pas. Nous enchantons le monde en l’honorant de notre visite…Petit rappel toponymique (toujours utile !) : Les manuels scolaires nous l’apprennent, la Seine prend sa source sur le plateau de Langres et se jette dans la Manche. Relativement rectiligne jusqu’à Paris, elle observe ensuite d’inexplicables détours et circonvolutions que les géographes appellent pompeusement des méandres. Et par les temps qui courent (ou plutôt qui s’écoulent) où l’on parle -Dieux de l’Olympe obligent – de baignade dans le fleuve : Evoluent également dans la Seine des bactéries de type E. coli. Ces bactéries ne se voient pas à l’œil nu mais elles n’en sont pas moins redoutables. Il est fortement déconseillé de boire la tasse. 

On y navigue ainsi paisiblement à vau-l’eau au fil des villages, villes et bourgades traversés qui sont tels des colliers de perles qui s’enroulent autour de l’onde où il y a vingt ans, on dénombrait plus de lamproies et d’aloses, poissons de l’Atlantique Nord. L’ablette et le goujon étaient revenus eux aussi, la brème et la carpe continuaient de pulluler…Aujourd’hui, on évoque plutôt la surpopulation de rats, raccourci ?

Et d’évoquer dans cet opus inspiré des personnages truculents : Depuis l’enfance, Bertrand urinait dans la Seine. Avec un sentiment d’éternité il disait : – Je suis un affluent à moi tout seul.

En lisant cette petite merveille de livre, on a envie de dire : Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Et ce bonheur s’appelle la poésie, la rencontre et la découverte constantes sur l’esquif enchanté de la belle écriture où le talent va jusqu’à se jeter à la mer.

                                                               © Laurent BAYART

  • Roman fleuve de Philibert Humm, Folio, 2024.

PETIT LUTIN MALIN QUI REGARDE UNE FEE…

                                             Pour Gustave à l’occasion de son anniversaire,

         Petit lutin de trois pommes, pose un peu de féerie dans les jours qui passent et dans ce quotidien qu’il t’appartient d’émerveiller et d’enchanter. Le temps file vite, Gustave ! Mais, tes yeux sont déjà de petits coffrets dans lesquels tu déposeras les belles images que tu capteras et captureras comme des papillons dans l’air…Peut-être tomberas-tu amoureux d’une elfe pour un voyage au cœur d’un carrosse magique qui t’emmènera sur des routes qu’il t’appartiendra aussi d’inventer ? 

Le monde est magie, il suffit de l’aimer très fort et tu le transformeras, comme on enfile des perles sur un bout de ficelle.

Et il deviendra tout simplement un magnifique collier aux confettis d’or et d’argent.

                                                                    © Laurent BAYART

                                                  17 juillet 2024

LES MOTS SONT MON JARDIN…

                                             Sur une photo de Claudia Windstein,

         Les mots constituent mon jardin secret qui déroule son kaléidoscope de couleurs en aquarelles de quadrichromie. Papillons de syntaxe s’envolant dans le ciel de mon inspiration. Ivresse de cette imaginaire dans lequel je puise la fortune des jours et qui m’émerveille à chaque instant. Les mots m’accompagnent depuis tant d’années tels des lutins d’encre, espiègles, taquins et cocasses, sertis de cette poésie devenue le fil d’or de ma vie. Je marche ainsi, fildefériste, en équilibre précaire, illuminé par l’extase de se découvrir et de s’inviter à la fête de la vie. 

Vivre, c’est jouer avec les mots jusqu’au point final. Mais où se trouve-t-il ? Dernier butoir et borne avant de plonger dans l’abécédaire des mondes inconnus, du cosmos et de ses étoiles.

Et là, continuer à planer comme sur un tapis de mots, à la recherche d’Aladin et de sa lampe magique…

Au début était le verbe, et à la fin le Z se transforme en A. Éternel recommencement et histoire sans fin.

L’écriture de l’âme dactylographie et raconte l’odyssée de celui qui a traversé le miroir.

Son existence devient romance. Et Dieu, un marque-page comme un repère dans l’absolu.

Le cachet du tic-tac de l’horloge faisant foi et indique la même heure pour l’éternité.

                                                               © Laurent BAYART

                                                13 juillet 2024

MON JARDIN SECRET…

                                              Sur une photo-montage de Jean-Marc Diebold,

                  Mon jardin m’accompagne à chaque moment, comme un voyage que l’on fait en pérégrinant sur les sentes des allées bordées de légumes. Ses ondes bienfaitrices portent, tels des candélabres, la lumière… Je l’aime pour la paix et la sérénité vertes qu’il m’offre à chaque seconde. Jardinier-potageur comme un élément qui fait chanter mes chromosomes de cette sainte jubilation d’exister et de vivre intensément. Un merle vient me chuchoter dans les oreilles…C’est le cantique du monde ou le bruit du ressac de l’océan qu’il m’apporte dans son bec. Les courgettes, les haricots, les salades, les tomates, poivrons, betteraves et tutti quanti sont les enfants de chœur de cette cathédrale à ciel ouvert. L’azur est composé d’une mosaïque de vitraux sur lesquels les nuages et le soleil glissent à la vitesse du dieu Éole. Les pommiers, pêchers et pruniers portent une kyrielle d’anges gardiens en plumes éparses. Le monde est si magique quand on l’aime…

Ici, tout respire la sérénité. Un passant s’arrête comme s’il s’en allait sur un chemin de Compostelle imaginaire pour faire un brin de causette en ma compagnie.

Me laissant le coquillage d’un sourire.

Puis, il repart à la conquête du vaste monde, laissant le jardinier, sédentaire et immobile, heureux d’habiter l’instant.

S’habiller de son jardin comme une âme, l’enveloppe d’un corps et s’en aller baguenauder dans le cosmos avec un brin d’herbe entre les dents. 

                                                               © Laurent BAYART

                                                9 juillet 2024

EN PARTANCE AVEC LE TALISMAN DU SOLEIL.  

                                    Sur une photo de Jean-Marc Diebold.

       Creuser le sillon des chemins sous nos semelles et partir à l’aventure des paysages, avec la boussole et le sextant du soleil qui nous guident tels des rois mages à la recherche de la divine crèche. Merveille de se glisser sur les sentes en quête de cette ivresse de vivre l’instant présent. Croiser l’autre, le pérégrin et celui qui nous offrira l’aubade d’un salut fraternel. Son sourire illuminera nos cartes et nos méridiens.

Partir et abandonner son paillasson et l’éden de son jardin.

Les arbres qui cerclent notre maison glissent une larme comme une perle que l’on gardera précieusement dans la poche de son pantalon, avec le mouchoir où sont soigneusement rangées d’autres gouttes de paupières.

Les yeux des hommes sont des cavernes d’Ali Baba.

                                               © Laurent BAYART

                                                       2 juillet 2024

SE POSER DANS L’INSTANT…

       Se poser dans l’instant et attendre l’improbable. Se pauser et observer le chant du monde et ses tendres béatitudes. Regarder frétiller les nuages au-dessus de notre tête. Où vont-ils donc ? Et cette mouette ou ce goéland en ivresse de ciel qui jongle en faisant des arabesques et autres circonvolutions dans les nuées. Sur ce banc, comme un radeau échoué au milieu d’une plage, j’entends chanter la liturgie d’un coquillage enfermé dans l’océan.

J’écoute la musique de l’infini.

Et Dieu vient me chuchoter dans les oreilles que vivre, c’est attendre le jour du dernier rendez-vous.

Lorsque l’horloge s’installe, elle-aussi, sur un banc-reposoir, l’éternité joue du piano sur notre corps.

                                                   © Laurent BAYART

                                                1er juillet 2024