LIVRE / LE POINT (PRESQUE) FINAL DE JEAN D’ORMESSON

 

      Pétillant d’élégance et d’érudition, Jean d’Ormesson, décédé en décembre 2017, laisse une œuvre conséquente et notamment un dernier livre paru juste après sa mort, comme un petit clin d’œil adressé à ses lecteurs. « Et moi, je vis toujours » nous entraine dans l’incroyable maelstrom de l’histoire de l’humanité et des hommes, par l’intermédiaire de ce juif errant dont il emprunte les mots : Oui, c’est moi, mes enfants / Qui suis le Juif errant…/Chacun meurt à son tour/ Et moi, je vis toujours.

Et nous voilà partis dans une folle équipée universelle, avec ce Juif errant qui joue le rôle de passeur et personnage interchangeable à travers les siècles, en passant par la Mésopotamie, berceau de l’écriture : C’était une invention nouvelle : l’écriture. Les paroles ne restaient plus comme suspendues en l’air dans le temps : elles se fixaient dans l’espace sur le bois ou la pierre, plus tard sur du cuir ou sur des papyrus. Et nous voici plongés dans le tourbillon de l’histoire humaine avec ses guerres, génocides et ruines fumantes, Tacite résumant bien cette perversité à détruire : Où ils ont fait un désert, ils disent qu’ils ont fait la paix. Et plus loin, Jean d’Ormesson d’évoquer les grandes plumes et autres esprits du siècle des Lumières qui ont fait briller l’esprit français sur le monde.

Ce livre est tout simplement magistral, comme un point final posé sur une œuvre qui ne cesse de nous parler, car cet écrivain vit toujours en nous. Il offre aux inconnus, qui ont traversé le temps, une sépulture car –dit-il – je suis ceux qui ne comptent pas dans les livres – et pas même dans celui-ci. Je suis ceux dont personne ne s’occupe dans leur vie et dont personne ne se souvient après leur mort…

Dont acte. Le distingué allumeur d’étoiles nous offre une dernière bulle de champagne avant de s’éclipser.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Et moi, je vis toujours, roman, de Jean d’Ormesson, éditions Gallimard, 2018.

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