IDISS, L’EMOUVANT HOMMAGE DE ROBERT BADINTER A SA GRAND-MERE.

I

Récit d’un singulier destin d’une femme et famille juives qui émigrèrent, de l’ancien empire russe de Bessarabie, dans la France des Lumières, fuyant la révolution russe et les pogroms de Kichinev. Née en 1863 dans ce qu’on appelait alors le Yiddishland, à la frontière occidentale de l’empire russe, devenu ensuite territoire roumain. Idiss vivait alors dans ce qu’on surnommait un shtetels, village peuplé de juifs dans la Russie tsariste. Epoque où l’on parlait le yiddish sur un territoire qui recouvrait la Lituanie, la Pologne, l’Ukraine, la Hongrie et la Roumanie,  rassemblant une diaspora de onze millions de juifs unis par cette même langue.

Emouvant ce livre avec en couverture la photo sépia en médaillon d’Idiss, la grand-mère maternelle de Robert Badinter, ancien ministre de la justice et ex-président du Conseil constitutionnel, qui rend ainsi un vibrant hommage à cette femme au destin singulier, mais aussi à un peuple inexorablement persécuté.

C’est ainsi qu’avec tendresse Robert Badinter dresse le portrait de cette femme qui – pour subvenir aux besoins de sa famille – fut contrebandière (de tabac !) bien malgré elle. Il raconte leur installation à Paris, puis à Fontenay-sous-Bois et Nantes, son père Simon devenant négociant de fourrure. Aléas de cette famille d’émigrés qui prend bien vite la mesure de la vie parisienne. La France est alors une terre d’accueil. Les anciens Russes s’intègrent parfaitement et sont reconnus « citoyens français de confession israélite », montrant par là qu’ils étaient des Français, « juifs seulement par leur religion ». Bonheur fugace de l’entre-deux guerres où les bruits de bottes commencent à nouveau à se faire entendre dans cette Europe qui concocte l’un de ses plus grands carnages. Brouhaha de l’histoire qui s’emballe avec l’Occupation allemande et les lois et décrets du gouvernement de Vichy à l’encontre des Juifs (dont la liste figurera en fin de volume). Son père et son oncle Naftoul seront déportés, comme tant d’autres, et ne reviendront jamais…

Ce récit poignant retrace une époque étranglée qui –hélas – ressemble un peu à celle qui se déroule aujourd’hui sous nos yeux, avec les montées de l’intolérance, des nationalismes et des actes de xénophobie. L’histoire serait-elle donc toujours un éternel recommencement ?

Le bonheur, une fine pellicule de papier que l’on froisse et déchire si vite…Les livres ne sont-ils fait que pour brûler ?

@ Laurent BAYART

* Idiss de Robert Badinter, éditions Fayard, 2018.

4 réflexions sur « IDISS, L’EMOUVANT HOMMAGE DE ROBERT BADINTER A SA GRAND-MERE. »

  1. Effectivement, il s’agit là d’un livre extraordinaire qu’il faudrait obliger à faire lire par tous nos élus, qui tous, autant qu’ils sont, sont si éloignés des prises de positions politiques qu’ils prennent, oubliant de prendre en considération les valeurs de chaque si importante de tout être humain…

    1. Merci Hubert. Oui, il s’agit d’un récit essentiel,
      émouvant et plein d’humanité. Une manière d’hommage
      à sa grand-mère mais aussi à tous ceux qui l’ont précédé
      dans une époque bien tourmentée.

  2. Merci Laurent,
    Je suis en train d’en finir la lecture. Livre plein d’émotions, tellement actuel. Avec la capacité des déracinés à se reconstruire dans la force et l’exigence de la dignité. Des rappels historiques nous remettent en phase avec cette époque que l’on n’a pas envie de revoir. Avec ses excès de racisme, de violence et d’antisémitisme. Badinter, grand homme.

    1. Merci Jean pour ton retour. Oui, ce livre est plein de tendresse
      et d’affection. Hymne à la mémoire des hommes et de leurs valeurs.
      Période tourmentée aussi qui ressemble -hélas-
      à ce qui se déroule en ce moment. Ce genre de récit est essentiel
      par les temps qui courent…

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