LIVRE / LES DANSEURS FOUS DE STRASBOURG

Après avoir été subjugué par le livre/sensation de Jean Teulé, Entrez dans la danse, je viens de dévorer ce livre essai et autre récit de John Waller Les danseurs fous de Strasbourg, une épidémie de transe collective en 1518, avec en couverture un détail de l’œuvre Bruegel le Jeune Pèlerinage des épileptiques de Moelenbeek, datant de 1592.

L’auteur, historien de la médecine et professeur à l’université du Michigan, revient sur cet incroyable « délire médiéval » que constitua cet épisode de transe spontanée, décrit à l’époque  par le médecin humaniste Paracelse. Cette frénésie de danse commença le 14 juillet 1518 avec cette femme, entrée dans la postérité (chorégraphique), Frau Troffea qui se mit à danser sans pouvoir s’arrêter et entraina dans sa « ronde » folle de nombreux strasbourgeois. Mais la chronique nous révèle que cette étrange chorémanies’étendit bien avant aussi en Rhénanie à sept reprises…On imputa ce phénomène à un parasite qui se développe sur les épis de seigle humide (l’ergot de seigle), hypothèse farfelue comme d’autres qui avaient été avancées. Imagination, misère, extrême pauvreté, état de délabrement physique et mysticisme religieux font entrer dans cette danse de mort, ode à Saint Guy dont une chapelle est dédiée aux malades sur les hauteurs de Saverne (la grotte de saint Vit) et que des charretées de pèlerins aux pieds fous se mirent à investir, à l’image d’un pèlerinage de Lourdes pour danseurs en déshérence…

L’auteur, avec une abondance documentaire, nous explique que tout cela n’est pas le fait du hasard mais n’est qu’une suite logique d’autres événements remarquables dont cette tarentelle que l’on dansait en Italie afin de guérir les morsures de la…tarentule, cette grosse araignée passée dans la postérité grâce à la danse !

Au final, l’auteur met cette chorémanie sur une situation de grave détresse psychologique, liée à la malnutrition et à des régimes faibles en minéraux susceptibles de perturber la production d’un neurotransmetteur comme la sérotonine. Et de conclure, d’une manière surprenante, que si ces ancestrales croyances sont devenues obsolètes, ces phénomènes se sont mués au XXI ième siècle,  dans une société contemporaine bien cartésienne où de jeunes danseurs – psychotropes aidant – se mettent à trépigner des pieds durant des nuits et des jours, lors de Rave party, Flashmob ou autre clubbing (boite de nuit)les sonos et les amplis ayant pris la place des peurs moyenâgeuses et du châtiment divin…

@ Laurent BAYART

Les danseurs fous de Strasbourg, une épidémie de transe collective en 1518 de John Waller,La Nuée Bleue, 2016.

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