LIVRE / LE PHENOMENE RUPI KAUR OU LA POESIE AU SERVICE DU PLUS GRAND NOMBRE.

         Je ne connaissais pas cette poétesse indienne, vivant aujourd’hui au Canada, et remercie Brigitte T. de m’avoir offert son dernier livre intitulé « Le soleil et ses fleurs ». Une révélation ! Tout de suite, en feuilletant ce petit opus, bien consistant, agréablement présenté et illustré par de superbes dessins l’auteur(e), je me suis laissé littéralement séduire par cette écriture simple et épurée, qui parle à notre cœur, et encore mieux à notre âme ! La profondeur de son regard m’a halluciné. 

En lisant rapidement sa bio, je découvre que cette écrivaine, née en 1992, artiste et performeuse, s’est lancée lors d’une scène ouverte à l’âge de 17 ans. Un phénomène qui publie ensuite à compte d’auteur (s’il vous plaît !) son premier recueil au tirage monumental de 3 millions d’exemplaires et traduit en 35 langues ! Elle sera classée pendant plus de 100 semaines dans les meilleures ventes du New York Times. Ce sont les éditeurs potentiels qui peuvent se mordre les feuillets ou plutôt les doigts de ne pas l’avoir dans leur « écurie », du moins pour son premier volume ! Et rebelote pour ce livret que je tiens dans les mains, même tirage. Oups. Elle a été aussi sélectionnée parmi les 100 femmes les plus influentes dans le monde. N’en jetez plus, nous avons affaire à une (jeune) femme exceptionnelle qui gazouille de talent ! 

Même si Rupi Kaur s’est faite connaître aussi sur les réseaux sociaux, l’espace d’un livre reste le lieu privilégié pour faire s’épanouir la culture du mot et du verbe. Son écriture limpide nous parle, avec justesse et simplicité : ce n’est pas ce que nous avons laissé derrière/ qui me brise/ c’est ce que nous aurions pu construire/ si nous étions restés.

Cet ouvrage, comme il nous est spécifié, se veut être un recueil de poèmes sur le deuil, l’abandon de soi, l’importance d’honorer ses racines, l’amour, la volonté de s’aguerrir et de s’émanciper…

On nous précise aussi que toute son œuvre est écrite en caractères minuscules, et la seule ponctuation utilisée est le point. Elle déclare avoir décidé d’écrire de cette manière afin de rendre hommage à sa culture d’origine puisque, dans les textes écrits en gurmukhi, il n’y a pas de majuscule.

Je reviens encore aux textes avec cette miniature piochée au hasard: la dépression est une ombre qui vit à l’intérieur de moi. Et plus loin : à quoi bon l’obéissance alors/ quand il y avait des mains en moi/ qui n’étaient pas les miennes. Cette jeune femme, d’un lucidité déconcertante, rajoute : J’ai même essayé de m’enterrer vivante/ mais la terre a eu un mouvement de recul / tu t’es déjà décomposée dit-elle/ il ne me reste plus rien à faire.

C’est abasourdi que je referme ce livre si dense et fécond, avec cette croustille de citation qui vaut un résumé : à ma naissance/ ma mère a dit/ il y a dieu en toi / sens-tu sa danse.

Moi, je la sens comme une intense jubilation dans cet ouvrage remarquable.

                                                      Copyright : Laurent BAYART

Le soleil et ses fleurs, the sun and her flowers, de Rupi Kaur, Nil éditions, février 2020.

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