LIVRE / «MEKTOUB», LA VIE DE REINE OU PARTIR AU FRONT POUR…SAUVER DES VIES.

        Patricia Chabas est l’infatigable animatrice et fondatrice du salon du livre de Souffelweyersheim, mais aujourd’hui elle vient d’endosser la peau de littérateur et d’écrivain afin de rendre hommage à sa mère : Reine Brandizi (née à Casablanca). Un hommage émouvant à cette femme qui fut ambulancière de la 1èrearmée entre 1943 et 1945. 

Rares sont les témoignages de ces femmes courageuses qui montèrent au front, non pas pour en découdre, mais pour sauver des vies humaines. Elles firent preuve là d’un incroyable courage, d’une abnégation sans failles et d’une bravoure à soulever les montagnes. Pour rédiger ces mémoires, rondement menées dans la narration, elle s’est nourrie des souvenirs retrouvés sur des feuilles jaunies et des récits que lui faisait sa maman. Pas facile pour la fille d’écrire « à la première personne » faisant revivre d’une manière captivante cette femme qu’elle admire intensément et pour cause ! Et de rentrer dans ses pas d’une façon si discrète et sensible. Ce livre nous emmène de Casablanca, en Corse, puis en Tunisie. Nous vivons ensuite en « live » le débarquement des troupes françaises en Provence, commandées par le Général de Lattre de Tassigny. Puis elle remonte, dans son ambulance emblématique baptisée « Mektoub » (qui signifie «C’est écrit » en arabe), la vallée du Rhône jusqu’en Allemagne, en participant au rapatriement des Français déportés dans les camps.

Ce récit nous régale littéralement de somptueuses descriptions et de passages passionnants, voire cocasses : Les rues de Casablanca grouillaient d’uniformes américains. Les GI’s et les jeunes officiers se promenaient dans le centre-ville, investissaient les terrasses des cafés et des cinémas. Ils distribuaient à l’envi ce qu’ils avaient dans leurs rations. Ainsi les cigarettes et le chocolat étaient-ils une vraie manne, et l’on découvrait, pour la première fois, les chewing-gums (je n’aimais pas ça du tout !) et je trouvais vraiment peu élégante cette façon de mâchouiller ces boules de gomme.)…

Et faisant référence au débarquement en Provence, elle rajoute, sous la plume de sa maman : C’était le 17 août, en face de Saint-Tropez…/…Quand on voit aujourd’hui les plages de St-Trop’, on a beaucoup de mal à imaginer ce que fut ce rivage à l’été 44…Les pinèdes alentour flambaient, les villas du bord de mer étaient dévastées, la plage recouverte de débris de métal, de carcasses de véhicules…On était encore à mille lieues du Saint-Trop’ de Brigitte Bardot et du gendarme De Funès…

Cette narration se révèle tout à fait passionnante, l’exercice étant réussi avec brio (pas évident, en effet, de se mettre dans le treillis kaki de sa maman !). La biographe rajoutera –en guise de conclusion – : Il avait fallu attendre quarante-six ans après ces années de tourmente pour que l’on songe, enfin, à ces jeunes femmes qui avaient sacrifié une partie de leur jeunesse…Et plus loin : Mais si nous, les femmes d’aujourd’hui, avons notre place à l’égal des hommes, dans la France du XXIème siècle, nous le devons à celles qui nous ont précédées.

A travers ses lignes émouvantes, Patricia Chabas offre à sa maman la postérité qui lui est due en lui restituant l’honneur et la gratitude de la Nation. Une magnifique et magistrale leçon d’amour adressée à une femme qui restera dans l’Histoire avec une majuscule ! Médaille – ô combien essentielle – que l’on épingle à même les mots…comme une flamme qui ne s’éteint jamais sur le monument de toutes les mémoires.

                                                                     © Laurent BAYART

  • Mektoub, souvenirs d’une ambulancière de la 1èreArmée entre 1943 et 1945. (Editions amazon)
  • Contact : palauma54@gmail.com, @PatriciaChabas 

2 réflexions sur « LIVRE / «MEKTOUB», LA VIE DE REINE OU PARTIR AU FRONT POUR…SAUVER DES VIES. »

  1. Mon cher Laurent, une fois de plus ta plume extraordinaire cisèle en quelques phrases une description admirable !… j’en suis toute émue pour ne pas dire bouleversée et j’ai du mal à reconnaître mon ouvrage sous ces louanges… un immense merci, cher Ami, pour cette page sensible et dithyrambique où Maman est à l’honneur. Elle l’aurait trouvée, tout comme moi, magnifique.
    Merci, merci.
    Patricia

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