Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE / LE FILS « PETER PAN » D’UN PRINTEMPS CHAHUTE.


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Cristovào Tezza, est un écrivain brésilien, né en 1953, qui vit à Curitiba. Auteur majeur, récompensé par plusieurs prix littéraires. Je découvre « Le fils du printemps » paru en 2009. L’histoire, bien écrite, d’un père, écrivain, tâcheron qui cumule les lettres négatives chez les éditeurs et qui s’adonne également au théâtre. Il devient père d’un petit Felipe, mais sa vie bascule car il s’avère que ce bébé est atteint du syndrome de Down, c’est-à-dire  de mongolisme…

Commence la lente acceptation de ce handicap : /…à part décrire scientifiquement le syndrome, c’est ce que tu peux faire pour l’enfant, mais n’en attends pas grand chose ; au mieux, tu pourrais rendre les choses supportables. Tu n’es ni le seul, ni le dernier. L’écriture est majuscule et nous emmène dans le cheminement d’un parcours étranglé mais enchanté : Il entend pour la première fois tourner les puissants engrenages du temps, et une légère poussière de rouille transparaît déjà sur les objets qu’il touche. C’est sublime dans le raffinement des mots et l’accompagnement d’un père qui devient complice de cet enfant qu’il souhaitait voir mourir à sa naissance, et dont l’absence, maintenant, semble le tuer. Ce petit deviendra – à l’instar de son géniteur – artiste puisque plasticien, l’art comme filiation et chemin de partage.

Son enfant ne vieillit pas. Et, outre sa tête, qui reste toujours la même, les méandres insondables de la génétique font aussi qu’il grandira peu, victime d’un nanisme discret. Comme Peter Pan, chaque jour sera pour lui exactement comme le précédent… Mais néanmoins, émerveillé par cette fée Clochette qui pose sa baguette magique sur l’usure des jours et l’épreuve de nos existences.

                                                                                                                     Laurent BAYART

* Le fils du printemps de Cristovào Tezza, Editions Métailié, 2009.

LIVRE / L’ETERNELLE ET FASCINANTE MARILYN MONROE.

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Lorsqu’on évoque Marilyn Monroe, on ressent de la fascination et de l’admiration pour cette femme, symbole « pin up » (punaisé sur les murs) de l’Amérique d’après guerre pour laquelle la légende a façonné un (trop gros) socle de béton.

Ce livre « Monroerama », pavé de 366 pages, édité sous la direction de Françoise-Marie Santucci et Elisabeth-Dumas, est une œuvre en soi par l’exhaustivité qu’elle propose, à la manière d’un dictionnaire amoureux, sur une femme attachante qui méritait mieux que son statut de blonde, symbole de « sex-appeal ». « Une femme dont la curiosité, l’esprit, l’humour, la gentillesse et la rectitude sont restés méconnus du grand public ».

Morte à l’âge de 36 ans, son décès serait dû «  à un lavement d’hydrate de chloral, administré par sa gouvernante à la demande de son psychanalyste qui la sevrait du Nembutal ».

Née en 1942, Norma Jeane Mortenson, de son vrai nom, (en fait, elle en connut neuf !) eut trois maris emblématiques : mariée à 16 ans au marin Jim Dougherty, puis au champion de base-ball Joe DiMaggio (le seul qui ne l’a jamais laissé tomber) et au célébrissime écrivain Arthur Miller. Elle ne connût jamais son père (qui ressemblait à Clark Gable). Sa mère Gladys termina folle ; la petite fille allant de familles d’accueil en orphelinats…Les grands destins prennent souvent de sacrés détours.

Ce livre passionnant retrace la vie et la carrière d’une femme qui n’était d’ailleurs pas blonde mais châtain tirant vers le roux, dont la carrière d’actrice fut régie par l’impitoyable Century Fox. Marylin côtoya d’innombrables personnalités dont le président des Etats-Unis John F. Kennedy pour lequel elle chanta un mémorable »Happy Birthdays » au Madison Square Garden de New York, le 19 mai 1962. Seront retracés aussi ses films emblématiques : « Certains l’aiment chaud » de Bill Wilder, « Sept ans de réflexion », du même réalisateur ou « Les Désaxés » de John Huston. Au total, Marylin aura joué dans une trentaine de films dont dix-sept, de 1948 à 1961.

On constatera que le mystère de sa mort, la fable de l’empoisonnement ou le supposé règlement de compte de la mafia ne sont finalement que légendes et thèses destinées à vendre les ouvrages de leurs auteurs…

Cette actrice, ambassadrice de « Chanel 5 » aura été d’une incroyable modernité et aura inventé les Madonna, Rihanna et autres Lady Gaga. Aujourd’hui, on dirait glamour…

                                                                                                                     Laurent BAYART

* Monroerama, éditions Stock, 2012, sous la direction de Françoise-Marie Santucci et Elisabeth Franck-Dumas.

 

LIVRE / LA FEMME COMME UNE MAGICIENNE DANS LES STEPPES DE MONGOLIE.

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Ici, nous voyageons – avec une femme – dans l’immensité et la rudesse des hommes et des paysages de Mongolie. Auteur d’une douzaine d’ouvrages, je découvre Galsan Tschinag, le « chantre des steppes de Mongolie ». « Immensités du bout du monde (qui) s’éclairent aujourd’hui d’un regard nouveau : celui d’une femme : Dojnaa, fille d’un lutteur de légende »,dont le caractère bien trempé en fait le personnage tutélaire de ces territoires aux reliefs tourmentés.

Cette femme, abandonnée, doit se forger un destin à la hauteur de ces territoires balayés par le vent des mille aléas et de ces hommes rustres et parfois bestiaux. Les récits qui racontent ces terres oubliées sont rares, l’histoire de Tschinag nous emporte dans un monde où la yourte devient un temple et une cathédrale où se brassent les mondes. On se méfiait de lui car, disait-on, les gens durs d’oreille sont aussi dangereux que les bêtes blessées…

On appréciera aussi cette lutte et traque avec la louve qui a tué sa jument…L’ordalie et une forme de mysticisme règnent sur ces êtres chahutés par une nature omniprésente qui garde encore sa place dans ce cosmos de terres infinies.

                                                                                                                    Laurent BAYART

* Dojnaa de Galsan Tschinag, Editions l’Esprit des Péninsules, 2001.

ARTS PLASTIQUES / MICHEL FRIZ OU LE REGARD ECLAIRé D’UN PHOTOGRAPHE CYCLISTE OU VICE VERSA.

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Incroyable et surprenant Michel Friz, cycliste des rencontres impromptues, qui pose son petit Lumix (appareil photo) emblématique sur les routes qu’il ne cesse d’arpenter. Rencontres poétiques, instants volés à la fuite du temps et du hasard, chorégraphie d’un paysage, personnages ou objets suspendus à l’horizon. Michel est un poète de l’instantané qui voyage en chambre à air. Il enchante ainsi ses pérégrinations de petits tableaux qui sortent de son imaginaire car c’est un peu lui –aussi – qui les compose grâce à la magie de son sens de l’observation. Il capte le moment qui restera sur le feuillet de l’éternité.

Petites poésies en forme d’images numériques qui chantent nos humanités retrouvées. Paysages en épis de maïs, luminosité du ciel et de ses nuages, scarabées de tracteurs sur le drapé d’un champ, silhouette d’un paysan ou robe de mariée qui joue au fanion au détour d’une sente…Michel est un déconcertant humaniste. Flegmatique, il pose un regard de bonté sur les traverses de nos chemins.

Quant à moi, je ne l’ai pas rencontré sur une route, mais à l’occasion de l’exposition « Happy’Cyclette » qui se tient en ce moment à l’Hôtel du Département. Croisements de poésie et d’image. Michel fait partie de ces artistes qui réenchantent un peu le monde et offre au quotidien des lettrines en or dans un monde en forme de livre de poche.

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE / LA CURIEUSE FORME LITTERAIRE DE VINCENT MESSAGE.

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Au titre surprenant, le livre de Vincent Message intitulé Défaite des maîtres et possesseurs fait figure de roman déguisé en ouvrage de science-fiction ou en conte philosophique et humaniste. Ainsi, nous nous trouvons plongés dans un univers si éloigné du nôtre et pourtant si proche…où des hommes exploitent des sous-hommes qu’ils traitent comme des bestiaux ou des esclaves. Le personnage de ce livre recueille Iris, une « sans-papier », clandestine, condamnée à mort. Le récit déstabilise et créé le malaise. On pense – par moments – au film culte Soleil vert. Il est ici question de pandémies, de virus et de maladies qui se transmettent aux êtres humains, via les animaux.

Combien de temps cela va-t-il durer ? Plus très longtemps sans doute. Il n’y a pas pour nous d’infini. Je me demande – car c’est la nuit maintenant – qu’est-ce qui cessera d’abord ? Les grands glaciers de montagne ? Les saltos arrière des baleines ? Et plus loin, cette conclusion en forme de testament-constat : Nous pourrons nous démener et repousser le terme, une fois, deux fois, de toute notre intelligence, mais la défaite nous rattrapera. Ce n’est pas la terre qu’on sauve – c’est la possibilité si précieuse et précaire que nous avons de nous y tenir, d’y être bien, de l’habiter…

Plutôt que romanesque, ce livre, paru récemment, est le récit programmé d’une défaite : celle de cette race que l’on imaginait dominante…

                                                                                                                     Laurent BAYART

* Défait des maîtres et possesseurs, roman de Vincent Message, Editions du Seuil, 2016.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 38 /THEATRE VIRTUEL DU POKEMON ET BARBARIE BIEN REELLE…

 

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Le monde est affligeant par la barbarie quotidienne qui ne cesse de surgir et ressurgir au gré de l’info et des médias. On n’arrête plus d’obscurcir et de réduire notre espace. Flot d’hémoglobine et de dépêches affolantes où l’homme – dans ce qu’il a de plus obscur et primaire – tient la tête d’affiche…rouge. Plus rien ne nous est épargné. Reste la liturgie des Jeux Olympiques pour quelques heures encore, et le nième gnangnan style de la rentrée des classes à filmer des mamans écumant les supermarchés à la recherche des affaires scolaires…liste en mains.

Et pendant ce temps-là, les jeunes – portables en goguette – sont à la quête des mythiques Pokémon qui envahissent les lieux publics. Jeu virtuel d’une certaine forme d’abandon du réel et de décadence alors que peut-être, jamais l’humanité n’avait à nouveau effleuré l’effroyable monstruosité du chaos.

Monde de l’absurde – un rien pathétique – dans lequel, d’un côté, l’on découvre cet enfant dénommé Omrane, petit syrien, rescapé miraculeux de bombardements et de l’autre – quelques milliers de kilomètres plus loin – des jeunes hypnotisés par leurs portables, partant à la chasse aux dinosaures virtuelles du multimédia.

Allez comprendre quelque chose à cet étrange algorithme où l’être humain perd, peu à peu, le sens du réel et son alphabet. Le glissement est conséquent. Revenir à la surface, après cette apnée, sera douloureux et compliqué. Car l’humanité, pendant ce temps-là – ne cesse de nous appeler au secours. Nous n’entendons plus ses cris.

Ah, vivement que l’homme redevienne tout simplement…humain !

Sinon, il est fort probable qu’un effroyable Pokémon nous engloutisse à jamais. Clash de fin. Game over.

                                                                                                                     Laurent BAYART

THEATRE / L’INCROYABLE EPOPEE DE PETIT PIERRE AU VAISSEAU A STRASBOURG.


imgres-2 Incroyable et fascinante histoire de Pierre Avezard, alias « Petit Pierre », lourdement handicapé : né avant terme, borgne, sourd et difforme, vivant dans une famille pauvre dans la campagne reculée du début du XXème siècle, racontée par la compagnie franco-allemande « Baal Novo ». Histoire vraie (texte de la dramaturge Suzanne Lebeau) d’un improbable inventeur, bricoleur génial, créateur d’objets et de manèges qui devint un artiste de renommée internationale. Narration ludique et dramaturgie réussies qui assemblent la finesse des décors (réalisés en partie par des handicapés) et l’excellence du jeu des deux complices comédiens que sont Jean-Michel Räber et Horst Kiss (étonnants !), servis par une mise en scène originale de Maxime Pacaud. Bref, la magie s’opère et le jeune public (qui participe aussi au jeu !) semble envoûté par ce spectacle cohérent et instructif qui nous fait voyager dans le temps, à travers un siècle et ses événements tragiques, mais aussi au gré des rencontres et facéties d’un petit garçon qui n’avaient pas « les yeux à la bonne place », mais un talent et une agilité manuelle surprenantes.

Bref, une magistrale leçon de vie et d’espérance, en ces temps d’économie de tendresse, de morosité neuroleptique et de rêve étranglé, c’est une belle manière de prendre le large, qui plus est, en août et au Vaisseau !

                                                                                                                      Laurent BAYART

  • Jusqu’au 28 août 2016 au Vaisseau à Strasbourg, (1bis, rue Philippe-Dollinger). Tel : 03.69.33.26.69. http://baalnovo.com/fr/ Spectacle lauréat de la bourse à la création de spectacle vivant bilingue du Conseil Départemental.

IARINA ANDREI OU L’ART EN VIN !

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Un petit focus sur notre filleule roumaine Iarina Andréi, jeune artiste de 16 ans dont nous avions déjà salué les surprenantes et talentueuses productions artistiques. Voici que ses peintures vont aujourd’hui décorer le ventre bombé des délicieuses bouteilles de vin roumain, sous forme d’étiquettes artistiques ! Bravo à Iarina Andréi qui pose ainsi sa palette sur les grappes de raisin d’un vignoble ! Une manière originale d’associer l’art au métier de la vigne. Le tire-bouchon devenant presque un artiste en liège et la dive bouteille, une toile…

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LIVRE/ LE BAL PERDU DES JEUX OLYMPIQUES.

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Tous les quatre ans, c’est la même liturgie, le bal des nations qui s’affrontent pacifiquement – à grands coups de stéroïdes et d’anabolisants – Les Jeux Olympiques de Rio démarrent dans une ambiance bien morose… Que manque-t-il aux Jeux Olympiques modernes pour retrouver le retentissement total qu’ils avaient dans l’Antiquité ? Eh bien ! Il leur manque la foi. Au mépris de sa réputation, Zeus est mort. (Beau comme l’Antique de Sébastien Lapaque) .Cette année, ce sont 10.500 athlètes qui se feront la « guerre » pour quelques breloques sur le théâtre de 28 sports et 44 disciplines…A signaler que le golf et le rugby à 7 rejoignent la (check)liste !

La revue/livre Desports (ancien mot français qui voulait dire « toute espèce de distraction un peu vive ») sort son numéro 9. Une publication qui allie sport et littérature. Elle rassemble chaque semestre les grandes signatures du genre et des articles passionnants sur cette thématique. Dans cette livraison estivale, on apprendra que de nombreux sports improbables figuraient au programme des Jeux dont un « 200 mètres nage libre avec obstacles » !

On y découvrira – entre autres – un entretien avec John Carlos qui leva le poing avec son compatriote américain Tommie Smith en 1968, lors des Jeux qui eurent lieu à Mexico…Leurs existences et leurs entourages furent ruinés par ce geste provocateur qui fit le tour de la planète…On appréciera un superbe texte signé par François-Henri Désérable sur Mohamed Ali « Une pêche d’enfer » qui nous rappellera que le jeune Cassius entra dans le monde de la boxe grâce à la…bicyclette.

On sera aussi amusé et horrifié par la douzaine de « perles » écrites ou dites par un baron de Coubertin qui était raciste et sexiste, ce dernier n’étant évidemment pas l’auteur de : « Plus vite, plus haut, plus fort », ni « L’important est de participer »…Tout cela tient de la légende et elle se révèle tenace !

Et comme le stipule un personnage du western de John Ford : «L’homme qui tua Liberty Valance : « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende »…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* revue DESPORTS 9, éditions du Sous-Sol, 25, bld Romain-Rolland, 75.015 Paris.

 

LIVRE / PETIT PRODIGE DE NOUVELLES COREENNES OU LE SURPRENANT KIM YOUNG-HA.


imgres-1Kim Young-Ha est un petit prodige d’écrivain sud-coréen. Né en 1968, sa notice biographique nous précise que ses trois premiers romans ont raflé les plus importants prix de littérature du pays, rajoutant « qu’il est le parfait reflet de la sensibilité urbaine d’aujourd’hui ».

Ainsi par curiosité (et intrigué par le délirant visuel de la couverture !), j’ai commencé la lecture de ce recueil de nouvelles où l’absurde et la qualité narrative de l’auteur nous épatent : « Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur ? ». L’ironie, l’humour, une manière de conte existentialiste régalent le lecteur. La première nouvelle donnant le ton et l’intonation d’une course et d’un enchaînement ; loi des séries, tout à fait rocambolesques, manière peut-être aussi, par ce tiraillement de cheveux, de dénoncer une certaine forme d’oppression d’une civilisation portée par la vitesse et la compétition managériale… En effet, le personnage doit animer une réunion sur la manière d’économiser le papier toilettes… « Vampires » nous décrit un surprenant (jeune) couple au sein duquel la femme découvre que son mari est tout simplement un vampire…Quitter la chambre conjugale pour aller dormir dans un cercueil, voilà qui n’est pas courant ! On pourrait aussi mettre un marque-page sur cette autre nouvelle dans laquelle l’homme épris de passion disparaît peu à peu et devient invisible aux yeux de son entourage…

Bref, voilà un auteur qui tient un peu du prodige et qui manie l’art du texte court avec une dextérité qui nous rappelle un certain Guy de Maupassant, en version coréenne. On a envie de découvrir très vite ses autres opus !

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur ? de Kim Young-Ha, Editions Philippe Picquier, 2011. Nouvelles traduites par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel.