LIVRE/ L’HOMME QUI PARLAIT AU CHEVREUIL OU L’IMMERSION TOTALE EN FORET.

          C’est un ouvrage/récit surprenant, écrit et raconté par Geoffroy Delorme, qui s’en est allé vivre (et survivre !) dans la forêt de Louviers en Normandie.  Vivre seul en forêt sans tente, ni abri, ni même un sac de couchage ou une couverture… 

Il écrit avec justesse : Ainsi, je construis mon imaginaire, ma spiritualité, mon rapport à la nature… » Un ouvrage captivant et bluffant. Et un instinct retrouvé celui que l’homme moderne a complètement perdu, plus habitué au béton qu’aux fougères. L’adaptation en milieu naturel est un processus long qui demande de la patience. Le métabolisme change. L’esprit change. Les réflexes changent. Quant à la nourriture, elle sera puisée au supermarché de la nature, exubérante, généreuse et gratuite ! Une grande partie de la nourriture qui pousse en forêt, telles les ronces, les feuilles de chêne, d’acacia, de merisier ou de prunellier, est de goût amer, âcre ou totalement fade. Il y a cette incroyable connivence et fratrie avec les chevreuils, dont chacun porte un nom (même un sanglier qui s’appelle Jimmy !). Les chevreuils sont en quelque sorte les jardiniers de la forêt qui entretiennent la végétation. Cette échappée sylvestre est tout simplement magistrale et pleine de tendresse. Et, à force de côtoyer la nature, on s’aperçoit que tous les goûts sont exacerbés. Le sel, le sucre, le poivre, toutes ces saveurs éclatent en bouche comme un feu d’artifice. 

Et puis, parfois c’est la désolation avec la venue des tueurs tous azimuts que sont les chasseurs, l’un de ses compagnons sera ainsi trucidé sans vergogne par la barbarie aveugle. Tristesse de cet apocalypse et ces « pétarades » qui fusillent la vie naïve et tendre des cervidés. Comme une espère de tauromachie sylvestre…Les animaux jouant les faire-valoir à ces hommes en treillis, impitoyables…

Quel bel ouvrage, serti de magnifiques photos qui parlent d’elles-mêmes. Geoffroy Delorme est peut-être une manière de sauvage mais il est surtout poète et shaman qui sait parler le langage de l’essentiel que nous avons oublié.

                                                                   © Laurent BAYART

  • « L’homme-chevreuil, sept ans de vie sauvage » de Geoffroy Delorme, Éditions Les Arènes, 2021.

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