LIVRE / LE PARFUM D’IRAK ET DE BAGDAD DE FEURAT ALANI.

          D’abord, esthétiquement parlant on pense à une espèce de zest romanesque en forme de bande dessinée, mais ce « roman graphique », signé par Feurat Alani et l’illustrateur Léonard Cohen, constitue une œuvre originale et totalement atypique. Cette édition soulève la curiosité et l’enthousiasme du lecteur par la manière d’évoquer l’Irak et la guerre du Golfe, vécue de « l’intérieur ». L’auteur est né à Paris en 1980 de parents irakiens. Journaliste, il a été correspondant pour une chaîne de télévision, ainsi que d’un certain nombre de journaux de la presse écrite. Ce Parfum d’Irak a obtenu le Prix Albert Londres en 2019, ce qui constitue déjà une (belle) référence…

C’est une approche singulière que cette forme « littéraire », pareille à des haikus, « Feurat a fait une chose à la fois simple et singulière. Il a exposé l’âme d’un peuple en 140 signes, qu’il a multiplié par mille. 140.000 signes… » L’ouvrage déroule ainsi une curieuse narration en phrases cursives qui raconte la vie chahutée et cette barbarie quotidienne, ponctuée par les voitures piégées et les bombes qui éclatent au hasard de l’horreur. Un pays fracassé où les glaces et les sorbets étaient interdits par Saddam Hussein en 1995…Etat où le roi Ubu se pare d’attributs religieux pour danser sur la tête de ses habitants. D’ailleurs, à ce propos, ne dit-on pas de quelqu’un qu’on apprécie « Je te mets sur ma tête » (A Khalik Ala Rassi). Magnifique description de Falloujah, « la cité des Mosquées » ou de cet Euphrate mythique transformé en réfrigérateur : « Le passe-temps des jeunes, dit mon père, était d’enfouir des pastèques au fond du fleuve. Pour les récupérer bien fraîches le soirs d’été ». L’Irak passé de la « libération à l’occupation américaine » où une certaine Madeleine Albright, ambassadrice à l’Onu, aurait dit « sans honte que la mort de 500.000 enfants irakiens valait le coup » ??? Plus loin « Sur le tarmac, on aperçoit leurs hélicoptères de combat. Apocalypse Now à Bagdad. L’auteur écrira à la ligne 370 de ses tweets : « Je me laisse envahir par la colère, par l’impuissance et l’injustice. Je ne connais pas de plus grande souffrance que l’injustice ». 

Ce livre est tout simplement sublime et superbe car il narre l’instant et l’histoire d’une manière particulière. « L’Irak n’est pas un chiffre, ni une morgue. Raconter la mort quand c’est nécessaire, oui. Mais il faut raconter la vie, avant tout ». Pari réussi.

                                                               © Laurent BAYART

  • Le parfum d’Irak de Feurat Alani, illustrations de Léonard Cohen, Arte Editions / éditions Nova, 2018.

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