Je ne suis guère un aficionado de la philosophie, mais, force est de constater que l’ouvrage d’André Comte-Sponville m’a enthousiasmé par son écriture et sa pensée fluides et limpides. Cet ouvrage, intitulé La clé des champs et autres impromptus, est composé d’une douzaine d’articles rassemblés et qui entrent dans la série que l’auteur définit, faisant référence à Schubert, comme des impromptus : textes brefs, résolument subjectifs, écrits sur le champ et sans préparation ».
Digression sur l’euthanasie qui signifie, étymologiquement, en grec une bonne mort. Plus loin, le philosophe nous assène que l’optimisme est un devoir, parce que si nous voulons changer le monde, il faut croire d’abord que c’est possible. André Comte-Sponville nous offre des textes passionnants qui captent l’attention du lecteur. Ainsi, nous confie-t-il aussi que : le désespoir, lorsqu’il est tonique, peut devenir un remède, parfois contre l’angoisse et la déception…/…Cela explique que les pessimistes ne se suicident que rarement… La mort de l’enfant reste la suprême injustice (il a « perdu » un bébé de six semaines…) : …Mais mourir sans avoir vécu, ou presque ? Cela semble aller contre la logique, contre la morale, contre la vie même. Il rajoute, magistral et lucide qu’être mère ou père, c’est la seule sainteté dont nous soyons ordinairement capables.
Il y a beaucoup d’empathie et d’humanité dans son écriture, notamment lorsqu’il affirme : …le handicap, même sévère, n’est qu’une forme de normalité. Encore faut-il l’habiter, du mieux qu’on peut…Plus légère et littéraire la digression sur Athos, l’un des trois mousquetaires. Pastichant aussi la célèbre affirmation de Jacque Séguéla : A 50 ans, si on n’a pas une Rolex, c’est qu’on a raté sa vie. Je dirais plutôt, en forme de boutade et pour mon propre usage : A 70 ans, si tu as encore peur de la mort, c’est que tu as raté ta vie.
Très belle affirmation et lucidité aussi : Heureuse ou malheureuse, on ne se remet jamais de son enfance, on fait avec, on la pousse devant soi, en effet, et c’est ce qu’on appelle grandir.
Magnifique et sublime dernier texte consacré à sa maman. Plein d’amour, de pudeur et de compassion pour cette femme, désespérée, malheureuse et alcoolique, qui se suicida… : l’alcoolisme, chez elle, n’est qu’un symptôme, pas du tout la cause…Et plus loin, cette magnifique confession en forme d’amour : J’aurais tout donné, les premiers jours, pour la revoir ne serait-ce que dix minutes, juste le temps de lui dire à quel point je l’avais aimée, à quel point je l’aimais encore.
Quelle belle conclusion et preuve de l’immensité de l’amour d’un enfant, devenu adulte et senior puis orfèvre philosophe, à sa mère fracassée : Va au bout de tes rêves, ma petite maman chérie : réveille-toi !
Un livre magique et magnifique dont on ne sort pas indemne !
© Laurent BAYART
- La clé des champs et autres impromptus d’André Comte-Sponville, PUF, 2023.