LIVRE/ SYLVAIN TESSON OU L’ART DE LA BOURLINGUE ERIGE COMME UNE RELIGION DE NOMADE.

Insatiable Sylvain Tesson qui ne cesse d’arpenter les terres d’Eurasie et plus particulièrement des anciennes républiques soviétiques dont il est friand. Cet écrivain-bourlingueur possède déjà une impressionnante bibliographie. Depuis quelque temps, il s’essaie – avec succès – à l’art de la nouvelle qui demande une certaine dextérité littéraire. Ainsi, a t-il obtenu en 2009 le Goncourt de la nouvelle avec son livre emblématique qui le résume bien : Une vie à coucher dehors.

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Paru l’an dernier, cet ouvrage joliment intitulé S’abandonner à vivre  s’articule autour d’une vingtaine de nouvelles qui nous emmènent sur les terres d’Asie et d’extrême Europe. On se régale car – sans conteste – Sylvain manie la langue avec justesse et la nouvelle avec un art consommé de la chute (il en a d’ailleurs fait plusieurs lors de ses « crapahutes » au gré des gouttières de Paris (lire La gouttière)).

Cet infatigable bourlingueur, disciple d’Ella Maillart, avoue un amour immodéré pour la Sainte Russie qu’il décrit avec justesse : Poutine avait remis la Russie sur les rails en orchestrant le pompage des gisements dans les confins de la Fédération. Depuis les années 2000, la Sibérie s’était hérissée de stations de forage. Les oléoducs avaient rampé sur les toundras….Il affectionne particulièrement les rites de cette orthodoxie encore bien vivace en ces terres de tous les contrastes, loin de l’Occident donneur de leçon : Le jogging était la névrose d’une société qui n’avançait plus ou L’Europe de Schengen est peuplée de hamsters affairés qui, dans leur cage de plastique tournant sur elle-même, ont oublié les vertus de l’acceptation du sort.

J’ai apprécié cette vision lucide du monde et cette manière de trinquer avec les éléments : Parfois, je levais mon verre et essayais d’aligner le niveau du liquide avec l’horizon. La vodka ou la bière Baltika sont les sismographes des humanités de l’Est.

                                                                                                                     Laurent BAYART

* S’abandonner à vivre, Gallimard, 2014.

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