FOCUS/ NORA LUGA, LA GRANDE DAME DE LA POESIE ROUMAINE

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Curieux ouvrage que ce livre intitulé « La sexagénaire et le jeune homme » publié par cette grande dame de la poésie roumaine qu’est Nora Luga, professeur, journaliste, éditrice et traductrice qui « commet » aujourd’hui un texte en prose. Annoncé comme autobiographique, ce livre de 158 pages –sans chapitres s’il vous plaît – nous entraine dans les confessions, souvenirs et autres anecdotes d’une femme Anna – soixante-cinq ans – qui a connu les grands chahuts de l’histoire. Passionnant récit où elle conte et raconte un parcours qui ne fut pas un long fleuve tranquille. Journalisme, édition, amours au pluriel toujours avec l’œil sombre de la Securitate, et plus avant les Gardes de fer veillant aux grains, la dissidence et l’engagement aussi, car écrire est toujours une forme d’engagement. Elle côtoie ainsi des personnages emblématiques de la dissidence comme Paul Goma et dresse le portrait de son amie Terry, une sorte d’alter-ego ? Elle déambule dans ce lieu emblématique qu’est Capsa à Bucarest (confiserie à l’origine puis restaurant) où venaient Ion Barbu et Artur Enasescu.

Le livre est plein de sensualité et d’humour, ainsi la poétesse lâche au passage une formule qui résume le trait de caractère des roumains : Je ne connais pas plus tolérants que les Roumains. C’est pour ça que nous avons aussi des cafards et des rats. C’est aussi pour ça que la plupart des Tziganes d’Europe se sont installés chez nous. Sans doute que le principe du Je-m’en-foutisme fonctionne ici aussi…Plus loin, la prosatrice devenue âgée revient avec nostalgie sur la vieillesse : Tu sais, quand on commence à vieillir, les deux renoncements les plus difficiles sont la perte de la vue et celle de la mémoire. Et plus loin, parlant de cet instinct de liberté que possède chaque être humain, elle se pose la question de savoir si ce n’est pas une réminiscence du paradis perdu ? Voilà un livre bien élégant qui passe à travers l’histoire en forme de récit. L’ouvrage se termine par un bref entretien avec sa traductrice Claude Murtaza. Une manière de faire connaissance de cette âme roumaine qui joue sa nostalgie sur nos âmes, tel l’archet d’un violon.

                                                                                                                      Laurent BAYART

  • La sexagénaire et le jeune homme, de Nora Luga, Le Square Editeur, 2014.

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