LIVRES/ MEMOIRES CROISEES DE BERNARD KOUCHNER ET ADAM MICHNIK/ LA DOUCE HUMANITE DE L’HUMANITAIRE OU LA DISSIDENCE DES HOMMES DEBOUT.

Encore une surprise de lecture avec ce livre paru en 2014 « Mémoires croisées », intéressant et instructif à de nombreux égards, qui permet de mieux connaître un personnage parfois agaçant mais toujours attachant qu’est Bernard Kouchner, toubib, qui fut plusieurs fois, ministre et bâtisseur emblématique de Médecins sans frontières, ainsi que de découvrir ce « combattant » atypique qu’est Adam Michnik, dissident politique et héros de Solidarnosc, fondateur du plus grand journal polonais Gazetta Wyborcza.

Ces entretiens (une cinquantaine d’heures), menés par Jolanta Kurska, constituent un retour sur une actualité proche et un ensemble de débats et de positions contradictoires, mais toujours respectueuses de l’autre. Actes de résistance qui grandissent indéniablement ces hommes parfois controversés parce que, inclassables et « n’habitant » pas l’esprit de chapelles et de castes. 

Ces entretiens passionnants évoquent mai 68, l’Europe, les relations entre la France et la Pologne, le monde après les attentats du 11 septembre et leurs façons de faire « bouger les lignes » dans leurs pays respectifs.  Mise en lumière de ces hommes d’action qui inspirent le respect. De son côté, Adam m’a fait partager ses découvertes et ses missions avec Vaclav Havel, et les conditions de son soutien – temporaire – à Jaruzelski qui évita l’invasion de la Pologne par l’Armée rouge. Ce qu’en Occident, on ignore. Mai 68, Pas une révolution mais une révolte qui amena de grands changements dans les mœurs selon Michnik et une libération de la parole selon Kouchner, mais une utopie avortée car où étaient les trublions révoltés ? Lorsque les chars soviétiques sont entrés en Tchécoslovaquie et ont écrasé, avec le soutien des forces du pacte de Varsovie, le Printemps de Prague sans provoquer de réactions chez les étudiants parisiens…

Plus loin, un peu amer, Kouchner, le disciple du « droit d’ingérence », de s’interroger : je n’ai pas vu beaucoup de gens de 68 engagés dans le reste du monde car ceux qui ont fait MSF n’étaient pas des gens de mai 68…car avant, rajoute t’il, il n’existait pas de médecine de catastrophe. C’est nous qui l’avons inventée. 

L’abbé Pierre parlant de notre médecin volant, pourtant athée, répétait à l’envi que j’étais chrétien, que « mon impatience était ma foi ». 

Et pour finir, cet ouvrage remarquable et passionnant, je citerais encore notre médecin humaniste, homme d’action : Oui, je sais combien il est plus facile de rester un dissident permanent : on écrit des livres, on signe des pétitions, on défile… /…mais il me semble que, parfois, il faut s’engager, se salir les mains, accepter les compromis, tout en gardant le sens de la révolte et de l’engagement. Dont acte.

                                                          Copyright : Laurent BAYART

* Mémoires croisées, Bernard Kouchner et Adam Michnik, Allary Editions, 2014.

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