LIVRE / LE VIRUS DE L’ATOME OU « 86, ANNEE BLANCHE », EN PANDEMIE DE NUAGES RADIOACTIFS.

          C’était la pandémie de l’époque, ce fameux nuage radioactif venu de la vétuste centrale de Tchernobyl (appelée Vladimir Ilitch Lénine), qui a traversé l’Europe au printemps 1986. L’écrivain Lucie Bordes raconte, par le biais de la narration de trois femmes, cette douleur invisible mais – ô combien dévastatrice – provoquée par le virus atomique. Lucie, dans le sud de la France, Ludmila, dans la ville ultramoderne de Prypiat qui jouxte le site de l’accident et Ioulia qui habite Kiev. Ludmila vit avec Vassyl, un des fameux « liquidateurs » de la centrale, hospitalisé à Moscou.  Peut-être que tout n’était parfait, mais les choses avaient un sens. Surtout à Prypiat, ville modèle pour citoyens modèles, îlots de roses dans la mer instable de la perestroïka. Nous vivions un conte de fées. Pouvait-on trouver, à d’autres endroits du monde, autant de lactaires délicieux, de bolets, de chanterelles, de cèpes et de russules ?

Et plus loin, les images idylliques tournent au cauchemar : le dosimètre craquait. Vassyl avait écouté fasciné le bruit de la catastrophe, l’avait trouvé presque rassurant. Le diable était bien là. Il stridulait dans le boitier et l’aiguille affolée se cognait au bord du cadran comme un papillon de nuit à une fenêtre éclairée…

Plus loin, en France,  la cueillette des champignons est interdite, les chantiers navals de la Seyne sur mer et de la Ciotat ferment en laissant des centaines d’emplois sur le carreau… (On revit l’épisode du coup de poing mythique de Bernard Hinault aux militants qui  bloquent la route, en 1984 sur Paris-Nice). Le père de Lucie est membre de la CGT : J’ai demandé à mon père si à son avis, le délégué syndical avait parlé de Tchernobyl. Il a dit qu’il y avait peu de chance. Que la CGT était trop proche du PC…

Trois voix pour évoquer l’indicible et cet hommage à ces hommes qui se sont sacrifiés : Un soldat de plomb. Puis un autre. Et bientôt les machines furent toutes humaines, et il fallut trouver un mot pour les désigner. On les appela liquidateurs et moi, Petro-tête-basse, j’en fus.

Plus loin, il était déconseillé de cueillir des champignons…

                                                      © Laurent BAYART

* 86, année blanche de Lucie Bordes, Editions Liana Levi, 2016.

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