BILLET D’HUMEUR / ACTE 146 /SILENCE HOPITAL OU LES YEUX, DESORMAIS, NOUS GUIDENT COMME DES BALISES DANS LA BRUME.

Silence hôpital, il faudrait désormais se rendre à l’évidence et s’y habituer : les visages sont cachés par le voile pudique d’un masque. Les infirmières, libellules en blouse blanche, aux poches bardées de petits ustensiles médicaux, papillonnent telles des elfes autour de leurs malades. Patients/impatients. Drôle de monde fixé et scotché dans l’anonymat protecteur. Seul, un prénom cousu sur leur sarrau leur donne un zest d’identité. Zoé, joli prénom pour l’une, Aline…pour l’autre, qui évoque comme à mon voisin, la chanson de Christophe…En ce qui concerne les médecins, idem. Le stéthoscope en collier, le diapason et le marteau à réflexes coincés dans leurs poches déformées et un portable qui clignote comme un sémaphore. S’imaginer des frimousses et les recomposer. Leurs paroles font vibrer le tissu du masque. Les bulles du dialogue sont étouffées dans ce pochoir anti-virus et postillons. Nous sommes réduits désormais à cette forme d’errance faciale. Je ne peux même plus lire leurs paroles sur le marque-page des lippes. Malentendu pour malentendant…

Qui redonnera une identité à ces verbes sans phrases, ni ponctuation ? Je est un autre aurait dit Rimbaud.

Silence hôpital. Je me laisse guider – désormais – par les balises des yeux.

Lunettes de l’âme.

Qui nous guérira du silence de tous ces visages ?

                                                                   © Laurent BAYART

                                                                       8 janvier 2021

Laisser un commentaire