SURPRENANTE DECOUVERTE D’UN ROMAN NORD COREEN

* Des amis de Baek Nam-Ryong, traduit par Patrick Maurus et Yang Jung-Hee, Actes Sud.

Les choses rares sont forcément précieuses, ainsi les infos – autres que celles tamisées (et parfois tronquées) par les feux de l’actualité – sur le quotidien et la vie sociale de la population nord coréenne ne se bousculent pas au portillon.

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Aussi, cette première traduction en France d’un roman venu de la République populaire démocratique de Corée du Nord a attisé ma curiosité. Ce livre : « Des amis » signé par l’écrivain –qui revendique son origine ouvrière- Baek Nam-Ryong (né en 1949) est à tout point de vue remarquable. Qualité d’écriture, excellent rythme narratif et une description de la vie sociétale contemporaine à travers des personnages bien croqués dont les silhouettes pourraient ne pas être inventées… Cet ouvrage traite la question du divorce entre un ouvrier tourneur (et inventeur de machine) dans une fonderie qui se dévoue –corps et âme – à son entreprise Ri Sok-Sun, et sa femme chanteuse Soon Hwi, qui fait partie d’un groupe artistique se produisant dans de nombreuses salles de spectacle. Le lecteur apprend ainsi que dans ce pays, le divorce n’est pas simplement une affaire de couple mais prend des dimensions politiques… En effet, l’ouvrière-artiste sort, peu à peu, de sa condition pour s’envoler dans les hautes sphères d’une certaine forme de vedettariat et d’élitisme au milieu d’un univers populaire et ouvrier…l’une s’élève et l’autre continue sa vie de tâcheron…Débat arbitré par un personnage sympathique et tendre, à l’humanité décalée, le juge Jong Jin-Woo. Une sorte de fin limier psychologue qui joue un rôle d’arbitre au milieu des bris de verre d’une séparation voulue par la femme. L’intrigue est passionnante et le dépaysement garanti.

Les traducteurs écrivant – fort justement – que l’information sur la Corée du Nord peut ne pas provenir uniquement des dénonciateurs qui n’y ont jamais mis les pieds. Bel exercice d’équilibriste car nous avons affaire à un écrivain publiant toujours aujourd’hui chez un éditeur bien connu sur la place, à Pyongyang. L’écrivain prône moins d’héroïsme et plus de réalisme dans les Lettres. Belle prouesse et grisante découverte d’un pays bunker où la littérature a –le temps d’un roman et d’une traduction– entrebâillé la lourde porte de fer…pour nous raconter une surprenante et finalement tendre histoire d’amour…

                                                                                                                    Laurent BAYART

 

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