Le discours demeure, depuis la nuit des temps, une joute oratoire et un exercice d’éloquence pour convaincre et marquer les esprits, l’ouvrage de Michaël Moreau démontre également qu’il s’apparente à un pensum littéraire et historique, parfois périlleux…où de grandes plumes ont ainsi joué les « nègres » ou plutôt les « prête plumes » et autres sous-traitants !
« Le discours, c’est le moment où tout se joue, où le Président s’engage » affirme, un orfèvre en la matière, Henri Guaino, plume de Nicolas Sarkozy. « Le discours, c’est la messe des hommes politiques » rajoute Emmanuelle Mignon, l’ancienne directrice du cabinet du même homme politique. Ainsi, les archives de l’Elysée nous offrent des chiffres intéressants sur la « prolixité » de certains ténors. Ainsi, on recense 677 discours de Charles de Gaulle, 298 de Georges Pompidou, 956 de Valéry Giscard d’Estaing, 2.313 de François Mitterrand, 778 de Nicolas Sarkozy et 1.126 de François Hollande…Revenant sur Charles de Gaulle, André Passeron nous apprend que l’homme de Colombey écrivait lui-même ses interventions et avait pris des cours de théâtre avec le comédien, sociétaire de la Comédie Française Jean Yonnel. On découvre également, qu’avant chaque déplacement à l’étranger, Charles de Gaulle apprenait par cœur quelques phrases dans la langue du pays visité. Quant à son fameux « Vive le Québec libre ! » qui fit scandale sur le balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967, on nous révèle que cette phrase, qui suscita de belles vagues au Canada, n’était pas du tout improvisée…
Giscard d’Estaing (alors, ministre) resta aussi dans la postérité, en octobre 1964, avec un discours de trois heures et demie, prononcé sans aucun papier…Un discours avec des centaines de chiffres !
L’écrivain Erik Orsenna, grande plume de l’ombre, se définissait ainsi comme le nègre principal des discours subalternes.
Proche des littérateurs et des poètes, Dominique de Villepin, inspiré par Arthur Rimbaud, trouve l’adjectif « abracadabrantesque », une prouesse linguistique ! On se rappelle aussi la grande diatribe verbale orchestrée le 8 novembre 2002, dans le cadre onusien, où cet artiste du verbe fustigea les Etats-Unis et Colin Powell qui exhibait de fausses preuves, en sortant de son chapeau une fiole censée détenir de l’anthrax fabriqué par le régime de Saddam Hussein.
Et pour conclure, l’auteur de déplorer : Regardez aussi l’évolution aux Etats-Unis, de Kennedy à Trump…Il y a une indiscutable régression de l’éloquence. Ah que reviennent les stradivarius du verbe !
© Laurent BAYART
- Les plumes du pouvoir, tous les discours ont une histoire, de Michaël Moreau, Editions Plon, 2020.