Tous les articles par Laurent Bayart

LIVRE / OLIVIER ADAM, UN ECRIVAIN CONTEMPORAIN MAJEUR OU LE VERTIGE DE LA GRANDE ROUE…

           On avait lu de lui, voici quelques années, « Les lisières », puis d’autres petits chefs d’œuvre ont suivi. Ecriture des marges, de cette ligne de partage des eaux où les êtres déambulent dans la déshérence d’un monde fracassé. Ecriture contemporaine où les héros sont parfois des zéros renversés. Olivier Adam dresse des portraits du quotidien désenchantés, là où la frontière entre sobriété et ivresse ne représente qu’une fine cloison, un mur de papier à la Japonaise, l’alcool étant comme un bulle placée au milieu d’un niveau du même nom. Est-ce bien droit tout ça ? Pas si sûr…

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Son nouveau livre « Peine perdue » est une espèce de roman noir où l’histoire de 22 personnages – à l’instar de deux équipes de foot – est racontée sur fond d’un même décor. D’ailleurs, l’une d’elle commence par un curieux règlement de compte, justement, après un match houleux. Les destins s’entremêlent et se rejoignent, tout est finalement lié. C’est un peu le coup de patte et de génie de ce surdoué de la littérature, probablement le meilleur écrivain dans le paysage hexagonal actuel. Outre, les fracas d’après vestiaire, il est question d’une tempête sur le littoral de la Côte d’Azur, de noyade, de camping à démanteler, d’édiles mafieux, de jeunes en chômage, de saisonniers, de bière et de drogue, et d’un étau qui se resserre avec Antoine, le footeux, qui terminera la boucle de ces histoires qui ne composent – en fait – qu’un seule…Puzzle dont on reconstitue les pièces, page après page.

Ca fait longtemps que nous n’avions pas eu affaire à un tel ouvrage, à la fois romanesque et thriller glauque. Olivier Adam est un observateur attentif et journalier du verbe, ce qu’il invente devient fait divers sur la page d’un quotidien local où les personnages ont des boîtes aux lettres dans des immeubles décrépis ou dans des mobiles home dévastés. La vie – à l’instar de la couverture du livre – est une grande roue où chacun prend un peu sa part de ciel avant de redescendre…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Peine perdue (roman,) d’Olivier Adam, Flammarion, 2014.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 17/ ANGOISSE DE LA FEUILLE BLANCHE / LA NEIGE ARRIVE…ET BING !

          

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« Mais où sont passées les neiges d’antan ? » chantait Georges Brassens. Depuis ce matin, l’automne aux feuilles dorées et un zeste de printemps primeur ont été chassés – manu militari – à grands coups de pied dans le cul…par un bonhomme de neige bien bourru. Des cotillons blancs, pastilles en étoiles de neige, ont déferlé dans le paysage. On n’y croyait plus…Le paysage et le trottoir tous blancs, voilà la saison des faits d’hiver qui revient !

Du coup, branle-bas-de-combat, faut aller chercher la pelle pour déblayer le trottoir ! Quant au gros sachet de sel, pas moyen de le retrouver dans le fatras du garage où le barbecue est encore –presque- brûlant. Souvenir d’un été qui ne veut décidément pas céder sa place…

Matin de neige comme une grande feuille blanche qui annonce l’écriture à venir. Les oiseaux sont des plumets qui s’envolent sur les squelettes des arbres. Le silence feutré du paysage immaculé et cette étrange luminosité annoncent la présence du blanc de blanc.

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Et puis, patatras : glissade et aubade d’une voiture en escapade de dérapage qui glisse et défonce le grillage de la clôture. Les automobiles ne sont pas des skieuses et les pneus trop fartés…Bing ! L’hiver est là. Et la page blanche déjà remplie d’un fatras de débris et d’un véhicule encastré dans mon jardin…Cette quatrième saison – impromptue –  a renvoyé aux calandres (grecques) désarticulées sur la route, ceux qui pensaient qu’elle ne viendrait pas poser sa hotte de Noël !

Le virage qui borde mon jardin était ce matin au régime sans sel !

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE/ L’OURAL DE RATTRAPAGE…

            L’amour de l’Oural et un coup de foudre pour un rockeur russe, (Micha) résidant dans une improbable ville (ancienne fabrique à tanks de l’URSS) du nom de Tcheliabinsk, entrainent Astrid Wendlandt dans les contrées reculées de la Sibérie, où l’Europe et l’Asie se frottent les côtes…Cette femme – qui n’a pas froid aux yeux – s’en va seule sur ces routes sauvages, entre taïga et lampées de vodka. Avec ses amis musiciens et les rencontres de passage, elle refait souvent le monde en voyant un peu trouble et double…

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Immense tendresse et passion pour la Russie, terre de mysticisme et de chamanisme, qui la fait chavirer dans la quête des ancestrales peuplades, dépositaires de croyances qui enchantent encore leurs existences, loin du matérialisme vide d’un occident sans idéaux. Elle résume parfaitement le choc émotionnel (et amoureux) qui s’est dégagé de ses escapades sibériennes : J’ai acquis un robuste instinct de survie, une mansuétude pour les déséquilibrés, un abandon à l’imprévu et une certaine placidité face à l’adversité. Cette sensuelle baroudeuse force le respect en s’engageant dans des contrées, où hommes et éléments vivent dans l’harmonie précaire des paysages abrupts.

On côtoie ainsi des tas de personnages rudes et singuliers qui racontent mieux leur pays que ne leur feraient les guides touristiques et autres tours opérateurs. On fait la connaissance des Nénets, tribu qui élève les rennes, se déplace en vezdekhod (blindés à chenille) qui permettent de traverser les zones humides, et jouxte l’irrationnel dans l’Arkaïm et le Taganaï. Astrid Wendlandt nous brosse ainsi une galerie de portraits, surprenants et attachants. Et puis, l’étrange prédiction annoncée se réalise : elle tombe amoureuse et enceinte de Dima, ramenant ainsi un condensé de l’Oural dans son ventre…

                                                                                                                      Laurent BAYART

* L’Oural en plein cœur – Des steppes de la Taïga sibérienne – d’Astrid Wendlandt, éditions Albin Michel, 2014.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 16 / LE RETOUR DE LA BARBARIE

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       On croyait à des temps nouveaux, des images apaisées, des sourires retrouvés, puis le spectacle du monde a tourné au vinaigre. Les murs et les palissades, les châteaux de cartes et les belles utopies d’alors se sont soudainement écroulés. On croyait les temps de l’obscurantisme révolus, passés aux oubliettes de l’histoire. Le XXème siècle et ses immondes génocides enfin terminés. Un homme nouveau enfin debout ? Le rêve d’un meilleur pour chacun à portée de mains ? Et puis, de nouvelles hordes barbares, portant des fanions et oriflammes noirs, sont venus ravager ce qui restait de nos idéaux. Des têtes coupées, des femmes violentées, des destins laminés…tout cela au nom d’une nouvelle barbarie. Ces pirates modernes ont mis des têtes de mort sur leurs drapeaux et ont semé derrière eux des charniers de cimetières improvisés. Un peu comme jadis, Attila, le prince noir des steppes, voulait que l’herbe ne repousse jamais sur son passage…

Qu’ont-ils fait de nos rêves de liberté, d’amour et de fraternité ? Souiller les tabernacles et mettre des échafauds sur les pistes de danse et les mâts de cocagne. Que reste-t-il de ce que nous pensions être le meilleur de l’être humain ? Une immonde bête qui massacre/ fracasse –femmes et enfants – pour satisfaire les pulsions de son insatiable plaisir ?

Vite, retrouver les chemins de l’humanité avant que tout ne glisse – à nouveau – dans l’horreur. L’histoire n’est donc toujours qu’un éternel recommencement ? Non, ce n’est pas possible. Il doit bien y avoir un soleil quelque part derrière la violence de l’orage et un printemps sous les éphémères débris de l’hiver.

                                                                                                                  Laurent BAYART

* photo de Némorin (Erik Vacquier)

« DROLE DE TRAM » ADAPTE AU THEATRE EN 2015 !

Le livre de Laurent BAYART « Drôle de tram », paru en 2009 aux éditions de La Maison de Papier, va faire l’objet d’une adaptation théâtrale en 2015 qui s’intitulera « Un tramway nommé délire ».

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C’est Michel Martine, metteur en scène et créateur de la compagnie strasbourgeoise Le Théâtre de la Petite France, qui existe depuis plus de 40 ans, qui va en faire l’adaptation. La création de la pièce aura lieu du 27 octobre au 5 novembre 2015 dans la salle de la Bourse à Strasbourg. A noter – dès à présent – dans votre (nouvel) agenda 2015!

LAURENT BAYART DANS LE NUMERO « UTOPIES » DE LA REVUE ALSACIENNE DE LITTERATURE

       Plusieurs textes de Laurent BAYART viennent d’être publiés dans le dernier opus – qui vient de paraître – de la très belle et esthétique Revue Alsacienne de Littérature  (seule publication littéraire trilingue en France) dont le thème est « Utopies ». Rêves partis, Fuite, Jardinier-Cosmonaute et Révolution révolue constituent les textes inédits.

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De plus, Laurent a rédigé plusieurs critiques littéraires sur les ouvrages de Carmen Andréï, Martin Adamiec, Bertrand Charpilloz et sur la revue d’art Saraswati. Enfin,  l’écrivain Olivier Larizza a consacré un large commentaire sur le livre Grande Boucle et petite reine paru cet été.

LIVRE / L’ESPRIT DES LOINTAINS OU L’HUMOUR DECALE D’UN VOYAGEUR OBSERVATEUR

        Aucun voyage ne se ressemble. Chacun perçoit son déplacement à l’aune de sa propre sensibilité et affect. Autre bourlingueur singulier, Claude Carré, auteur de fictions radiophoniques et scénariste de bande dessinée, nous raconte – sous forme de chroniques décalées et déjantées – ses pérégrinations en Thaïlande et en Afrique.

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Tombé par hasard sur son opus « L’Esprit des lointains », je me suis littéralement régalé à la lecture de ces textes rédigés comme des brèves de comptoir, qui racontent avec humour, ironie et un sens rare de l’observation, ses déambulations asiatiques et africaines. Cet anti-héros (lui aussi adepte de l’incontournable « Usage du monde » de Nicolas Bouvier) égaie le lecteur des zones d’ombre et des détails croustillants, face cachée d’un décor de palmeraies et de pagodes.

Périple hasardeux où notre touriste se chope une belle…tourista mais aussi un conséquent problème de santé. Pas évident de s’éloigner du magnétisme de son paillasson ! Description de Bangkok où il déguste un Pad Thaï (escalier de saveurs), de sa pollution, de sa fièvre et des hôtels locaux : J’entends militer désormais pour la création d’un mouvement de libération international qui viserait à éliminer les téléviseurs de toutes les chambres d’hôtel…et plus loin, il renchérit sur le pandémonium de l’électroménager : C’est pas marrant de dormir dans la chambre d’un frigo. Monde du bruit où les supérettes –ouvertes jour et nuit – sont dotées de carillon qui ding dong à chaque passage…Quant aux envies nocturnes pressantes, mieux vaut allumer la lumière, car on risquerait d’écraser la queue d’un varan délogé de son squat…

Et pour conclure, notre courageux et sarcastique explorateur vous offre un ultime conseil, afin d’aborder la Thaïlande dans les meilleures ( ou les moins pires !) conditions : On parle de cuisine thaïe, mais ne jamais oublier ces condiments prérequis pour les nuits d’Asie : somnifères et boules Quies. A bon entendeur salut !

                                                                                                                      Laurent BAYART

 * L’esprit des lointains de Claude Carré, éditions livres du monde, 2014.

IMPRESSIONS SOUFFEL EN SALON / QUEL VOYAGE !

IMG_8012Belle réussite que cette quatrième édition du Salon Livre de Souffelweyersheim –dont le thème était le voyage  – qui a eu lieu le week-end dernier. Près d’une cinquantaine d’auteurs ont répondu présent à l’appel de son organisatrice, passionnée de lettres et professeur de français, Patricia Chabas. Je ne suis pas un poète de salon, mais j’avoue avoir eu un grand plaisir à participer à ces deux journées, du reste bien remplies. Le public – malgré les nombreuses sollicitations de « l’avant fête » – est venu relativement nombreux.

Outre présenter ses livres et les vendre, les rencontres et retrouvailles que ce salon a suscitées furent des moments conviviaux et chaleureux. Connivences avec des confrères artistes ou écrivains, convergences de points de vue, connexions amicales et complices….Ainsi, ce fut gratifiant et bien « plaisant » (comme disent nos amis québécois) de converser, deviser et parfois s’insurger avec des personnes qui partagent les mêmes émotions et vibrations que vous. Dans ce registre, j’ai particulièrement apprécié Suzanne Braun, auteur historienne d’Art, chaleureuse aficionado des chats, Jacques Hampé, photographe et cinéaste, à la gouaille et l’humour attachants,   Frédéric Witté, sympathique voisin, auteur d’un récit poignant, John Boring et son épouse, romancier et scientifique aux propos toujours intéressants, Max Philippe Morel, vieille connaissance du temps de l’Encrier ( retour en arrière d’au moins vingt-cinq ans, sinon plus…), auteur de science-fiction et fantastique, en provenance de la Bahia et des terres brésiliennes, Philippe Lutz, svelte romancier, randonneur sur lequel le temps n’a pas de prise…Sympa aussi l’échange avec cet éditeur de Hoenheim, Armand Caspar, que je ne connaissais pas…

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Voyage donc avec la découverte de l’autre et vers cette chaleur de la rencontre. Les Salons servent aussi à cela. Loin parfois, des spartiates de la dédicace, des stressés du paraphe et du tiroir-caisse, de ces  bourlingueurs, finalement plus à l’aise probablement avec les peuplades sauvages qu’avec leurs contemporains occidentaux….de ceux aussi qui vous parlent et –soudain – vous abandonnent en plein milieu d’une phrase, à l’approche d’un touriste de salon (potentiel acheteur) en lui collant un livre dans la main…

Moi, j’aime les voyages où l’on cesse un instant la longue course vers l’avant pour prendre le temps de serrer la main de l’autre. Tampon sur un passeport des fraternités retrouvées. En cela, Souffelweyersheim fut une belle destination et un rendez-vous où les douaniers avaient tous un sourire à vous laisser passer au-delà des méridiens.

                                                                                                                      Laurent BAYART

MICHEL MARTINE OU LE THEATRE COMME ETERNELLE JEUNESSE

      Béarnais d’origine, Michel Martine est devenu Strasbourgeois de cœur et d’âme. Dramaturge, metteur en scène, féru d’astrologie, plasticien, écrivain,  il est curieux de tout, dans la lignée des grands érudits et humanistes des siècles passés. C’est un homme prolixe et pluridisciplinaire – la silhouette élancée – svelte jeune homme à l’âge déjà bien avancé (mais il court trop vite, les années n’ont pas de prise sur lui !) qui continue à arpenter les planches théâtrales avec sa troupe Le Théâtre Populaire de la Petite France, existant depuis plus de 40 ans dans le paysage culturel alsacien. Rarissime ! Cette longévité du créateur et de son enfant (sa compagnie) est une marque de sérieux, d’un enthousiasme toujours débordant et d’un profond respect du public. Du reste, les salles sont souvent pleines et l’assistance composée de jeune public. La troupe anime des ateliers d’art dramatique et présente de nombreuses créations au fil des saisons. Patrice Lobel, comédien et metteur en scène, poursuit l’œuvre féconde du fondateur avec la même passion et talent. L’an dernier, la troupe a présenté « Christophe Colomb » de Michel Ghelderode et, en 2012, « Athalie » de Racine.

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En 2015, du 28 octobre au 5 novembre, elle proposera une adaptation décapante de « Drôle de tram » de Laurent Bayart qui s’intitulera pour l’occasion « Un tramway nommé délire ». Décidément pas le temps de s’ennuyer, entre les stations, avec un gaillard comme Michel Martine !

                                                                                                                      Laurent BAYART