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LIVRE/ VOYAGE ENCHANTE EN « BICYCLETTRES ».

 Petit chef d’œuvre littéraire et cycliste que cet ouvrage signé par un jeune écrivain de vingt ans ! Oui, vous avez bien lu. Vingt printemps et il enchaîne…le grand braquet en se mettant à faire une forme de tour de France des écrivains et des lieux emblématiques de l’écriture. Du cimetière marin de Paul Valéry, à Sète, à la villa su Mont-Noir de Marguerite Yourcenar dans les Flandres (Gare aux « murs », terreurs des vélocipédistes !), d’Illiers-Combray, au cœur de la Beauce et cetera et cetera.

Déjà son prénom a de quoi se poser des questions : Jean-Acier, comme un clin d’œil à cette expression de jadis pour signifier la petite reine : la fée d’acier…Pour célébrer mes dix-huit ans et l’été qu’ils annonçaient, j’ai conduit ma bicyclette vers des lectures que j’affectionne. Hallucinante, rafraîchissante et vivifiante littérature qu’il emprunte parfois à Paul Morand : A douze ans, j’eus ma première bicyclette ; depuis, on ne m’a jamais revu. Jean-Acier Danès se plaît à explorer un pays qui contient plus que sa mémoire…Détour et retour enchantés dans des paysages qui prennent leur temps, loin des autoroutes qui font filer les êtres humains vers les terminaux de leur existence. On ne voyage nulle part grâce à l’autoroute. On passe, on va quelque part, mais on ne voyage pas. Tout au mieux, on reproduit les conditions essentielles à une sensation de voyage : le panneau historique indique un patrimoine que nous n’irons pas voir mais que nous aurons le sentiment d’avoir fréquenté…

Magnificence de cette littérature qu’un jeune homme apprivoise déjà à merveille avec un porte-plume singulier : une bicyclette. Loin de la recherche de la performance à tout prix, j’ai voulu faire cela : être heureux quelques semaines avec la candeur de cet enfant, les rêves d’un littéraire et d’un vagabond qui grandit.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Bicyclettres de Jean-Acier Danès, Editions Seuil, 2018.                      

BILLET D’HUMEUR / ACTE 56 /GCO / GRAND CON-TOURNEMENT COMPLETEMENT A L’OUEST ?


Cycliste, amoureux du Kochersberg,  lorsque je suis en chambre à air, je me régale et savoure les paysages vallonnés de ces terres colorées par les champs de céréales et les piliers des houblonnières dressés comme de vertes partitions musicales sur les petites collines enchantées de ce patchwork de couleurs. En roulant sur le tapis noir du goudron, truffé de cotillons-bolides automobiles se déplaçant souvent à toute berzingue, mes neurones n’arrêtent plus de tintinnabuler sous le couvercle de mon crâne, posant la lancinante question :Pourquoi couler encore et encore du goudron sur ces terres si fertiles et dans ce paysage si bucolique ? Pourquoi toujours et encore mettre la bagnole au centre de nos existences ? N’est-il pas (grand) temps de changer de braquet ? N’avait-on pas affirmé ici et là l’importance de placer cette fameuse « transition écologique » au cœur de nos vies ? De mettre en « pédale douce » les carrosseries motorisées. L’autoroute à hauteur de Strasbourg serait encombrée – nous dit-on – de plus 160.000 véhicules aux heures de pointe ! Ca fait une belle procession funeste pour nos poumons ! Tous ces petits popotins en pots d’échappement qui nous gazent à feu doux… Ras la chaîne de vélo aussi de ces fusées à carrosserie qui frôlent les bicyclistes sur les routes du Kochersberg, avec l’envie de les éliminer du paysage. Mortel tango en gymkhana. Qu’est-ce qu’ils foutent donc dans mes jantes ces vélocipédistes qui n’ont pas besoin de stations essences pour recharger leur batterie !Nom d’une pompe…à vélo. Plutôt que cette pollution en puanteur de d’exhalaisons carboniques, ces embouteillages quotidiens, des bidons et encore des bidons cyclistes à la queue leu leu…Je me dis en pédalant, guilleret et allègre, qu’il est vraiment temps de peindre en vert le noir de nos routes. Et la meilleure peinture, n’est-ce pas le vélo, non ? L’ambassadeur du bien vivre, de la santé, de la forme, des rencontres, de l’humanisme et de la bonne humeur.

Vous arrive-t-il de siffler le matin dans l’habitacle de votre voiture pour vous rendre au boulot ? Moi oui ! Sur ma monture, c’est comme si je glissais une piécette de joie dans le cadre de ma petite reine qui se transforme –pour la circonstance – en juke-box ambulant ! La musique du pédalier faisant foi du bonheur de l’instant.

Nul besoin de contournement et d’un nouveau rouleau d’asphalte épais pour comprimer le paysage. La voie est toujours libre et chantante quand on roule en chambre à air !

Et si la vraie modernité venait finalement de cette vieille invention qu’est la bicyclette ?

                                                                                                           @Laurent BAYART

                                                                               

 

 

                                                              

 

LIVRE / LA BELLE ET TENDRE HISTOIRE D’UNE AMITIE « CHATOYANTE ».

Les belles et tendres histoires sont suffisamment rares  pour ne pas bouder notre plaisir. Découverte ces jours-ci du livre de l’auteure japonaise Hiro Arikawa « Les mémoires d’un chat ». Outre le superbe visuel de la couverture et le titre bien…alléchant, ce roman paru courant 2017 raconte une indéfectible amitié entre un jeune homme Satoru et un chat de gouttière qu’il baptise du nom de « Nana », après l’avoir recueilli et soigné, suite à un accident.

On part ainsi dans une série de voyages et de rencontres vers le passé du jeune homme qui – pour une raison que l’on découvrira à la fin – doit se séparer de son ami à coussinets. Pérégrinations en quête d’une vieille amitié ou parenté qui veuille bien s’occuper de son chat. Déchirements et retour vers le passé de Satoru que le lecteur découvre au fil des pages et du dénouement. Une magnifique et magistrale histoire d’amour et de fidélité qui remplit l’âme de bonnes ondes : C’est en énumérant les souvenirs de voyage qu’on se dirige vers le voyage suivant. Et plus loin, parlant de la mort et la séparation : Et on se retrouve tous ensemble avec les amis, un jour, au-delà de l’horizon.

Une belle littérature d’une auteure asiatique née en 1972 qui publie-là son premier roman, rendant hommage aux sentiments les plus nobles de l’être humain et de l’animal que réunissent fidélité et amour. Une belle leçon de vie !

 

                                                                                     @ Laurent Bayart

 

* Les mémoires d’un chat, roman, d’Hiro Arikawa, roman traduit du japonais par Jean-Louis de la Couronne, Actes Sud, 2017.

LIVRE/ LA GRISANTE DANSE DE MORT DE JEAN TEULE


Avec une hallucinante dextérité et une narration effrénée, ludique et rondement menée, l’écrivain Jean Teulé (que je découvre) nous conte un incroyable épisode de l’histoire de la ville de Strasbourg. Nous sommes en juillet 1518, une étrange épidémie de danse (crise d’épilepsie ?) surgie comme une grotesque malédiction, laissant dépités les édiles de la ville : l’ammeister Andreas Drachenfels et le prince évêque Guillaume de Honstein, personnages dramaturgiques, voire ubuesques, qui ne savent plus à quels saints se vouer afin de catalyser les gestes de leurs administrés et de leurs ouailles. cité devenue nef des fous. La danse strasbourgeoise est comme une eau qui s’infiltre partout parmi les témoins. Ceux que les danseurs atteignent en perdent l’entendement, et entrent tout aussitôt dans la ronde à leur propre étonnement.

 En Saint-Guy et chorée, les membres inférieurs et supérieurs des habitants de cette cité sont pris d’une agitation frénétique et se mettent à danser jusqu’à ce que mort s’ensuive, sur les planches de l’estrade de la place du marché aux chevaux. La verve littéraire de Jean Teulé nous entraîne dans une grisante chorégraphie qui nous tient en haleine. Les tableaux et décors sont magnifiquement brossés et l’humour, la dérision et l’absurde se propagent comme la peste dans les rues. Pendant ce temps-là, le guetteur de la cathédrale attend l’attaque imminente de l’armée turque, comme d’autres attendront Godot quelques siècles plus tard. Le clergé potentat et richissime vend son paradis à prix d’or mais l’ombre menaçante de Martin Luther se profile…On tremble pour les privilèges des éclésiastiques.

C’est drôle à souhait, merveilleusement bien écrit et décrit, Même la musique de la messe à la cathédrale déclenche un gigantesque flash mob et autre techno parade…A l’arrivée, le lecteur entre lui aussi dans la transe/danse, Jean Teulé provocant un tollé grinçant qui nous met en émoi. Bravo pour cette fête déjantée de l’imagination, où les chroniques de l’histoire se mettent à faire danser aussi… les mots !

                                                                                                              @ Laurent BAYART

 * Entrez dans la danse de Jean Teulé, roman, Julliard, 2018.

BILLET DE (MAUVAISE) HUMEUR / ACTE 55   / LE TANGO MORNE DES NIOUZES DE L’ACTUALITE.

Bon, ok, les feuillets de l’actualité n’ont jamais été parfumés à la lavande ni aux pétales de rose, mais depuis quelque temps ça sent toujours plus le rance, le vomi et l’étron. Les lecteurs/téléspectateurs, voire auditeurs, sont soumis à des pilonnements incessants de niouzes (terme anglaise qui signifie nouvelles) à faire pleurer de tristesse le plus récalcitrant des oignons. Le énième épisode du testament de Johnny avec ses règlements de compte (C’est le cas cas de la dire !), les frasques (désormais en béquilles) du millionnaire en crampons qu’est Neymar, les cartons du Paris Saint Pognon face aux équipes de la ligue canapé (Conforama pour la une et Domino’s pour la deux). Et pourtant les princes du foot font la nouba la veille dans les boîtes de nuit ! (Ah, il faudrait un Guy Roux pour chercher les joueurs à la sortie et leur « en coller une » et envoyer un pénalty dans la lucarne des fesses…), les indécents et incessants épisodes judiciaires des chourineurs d’enfants, les embrouilles nauséabondes des hommes politiques et j’en passe et des meilleures. Non des pires ! Bref, n’en jetez plus, l’homme contemporain est rempli à ras bord comme une benne à ordure ! A force de nous abreuver d’informations glauques et absurdes, on va avoir les burnes out comme dirait ma sœur…

Certains scientifiques avaient d’ailleurs déjà tiré la sonnette d’alarme et prévenu (encore un terme judiciaire) : le quotient intellectuel de l’homme moderne est en chute libre. Quant à son spermatozoïde, il se tortille comme un zombi en déconfiture. L’homme de Cro-Magnon était un intellectuel et l’homo erectus un philosophe érudit, comparé à ce que nous sommes devenus. Les journaliers du verbe nourrissant le contemporain au gel fortifiant de l’immense bêtise et connerie.

On rêverait presque d’infos enchantées. Mais ça intéresserait qui ? A part, les fous qui sont restés des éternels optimistes. Et, la presse/stress finirait en faillite, dans l’impossibilité de vendre ses feuilles de choux/papiers toilette. Ce qui –par les temps qui courent- serait dans le fond une bien bonne nouvelle…On y verrait un peu plus de lueur bleutée dans le ciel. Et puis, les météorologues nous annonceraient enfin le printemps ! Ca c’est de l’info.

                                                                                                                  @ Laurent Bayart

LIVRE/ LEVEAUX FAIT BŒUF AVEC « SEXE, DROGUE ET NATATION »

Ah, le titre est on ne peut plus « accrocheur », voulu par l’éditeur (communication oblige !), Amaury Leveaux ayant préféré celui (un peu niais) de « Plouf »…En tout cas, ce « Sexe, drogue et natation » a fait des vagues « tsunamidales » entre les lignes et les odeurs de chlore des bassins ! Ce n’est pas celui de Gainsbourg avec son célèbre « Sea, sex and sun » ! Même si ça y ressemble… phonétiquement parlant. Ce récit/témoignage d’un champion de natation au palmarès impressionnant : 4 médailles olympiques, 4 médailles au championnat du monde et plus de 40 aux différentes compétitions européennes, a donné la chair de poule aux édiles et autres athlètes des plans d’eau ! Et pour cause…

Le champion de natation, natif de Delle, près de Belfort, se livre sans tabou sur une jeunesse laborieuse avec une maman qui s’est retrouvée, seule, abandonnée par son mari et qui doit faire face à de grosses difficultés financières. Il est très vite repéré par un entraineur qui a du flair : Vincent Léchine. Et là, tout s’enchaîne en crawl et papillon. Le nageur-compétiteur est en mode combat : Moi, quand je ne gagnais pas, je faisais la gueule. Il est gentil, Pierre de Coubertin, mais je n’ai jamais pensé que l’essentiel était de participer. L’essentiel est de gagner. Celui qui avoue ne plus arriver à se débarrasser de l’odeur du chlore calcule qu’il a dû –durant sa carrière de compétiteur – « parcourir » près de 70.000 kilomètres dans les piscines !

Il parlera sans ambages du dopage (injections de testostérone pour certains !), de ses virées nocturnes hyper arrosées et de ses entrainements délicats le lendemain…de la drogue, des abus en tout genre et de ses noubas entre nymphettes et alcools en passant par la cocaïne, lui qui avoue qu’il grillait un paquet de cigarettes par jour…. !!!

Bref, on tombe sur les fesses en lisant cet ouvrage qui dépareille avec les images gnangnan des champions. Ce n’est – certes pas – de la littérature mais c’est intéressant, l’inverse n’étant pas toujours vrai !

                                                                                                               @Laurent BAYART

* Sexe, drogue et natation, un nageur brise l’ormeta de Amaury Leveaux, Fayard, 2015.

 

FOCUS/ A CAMILLE, PETITE FEE QUI VIENT D’ARRIVER…

 

Camille,

Te voilà enfin arrivée

Ballerine de l’espace

Petite fée si frêle

Au visage fluet

Que nous couvrons

De nos tendres baisers

 

Camille,

Des mois à t ‘attendre

T’imaginer

Te deviner par la lucarne magique

Des échographies

 

Soudain

Tu surgis

Comme un enchantement

Nouvelle étoile

Au firmament de notre ciel

Et de notre famille

 

Plus belle et gracieuse que rêvée !

 

Camille,

Je dépose quelques mots

Au-dessus de ton berceau

Comme on prendrait

Un bouquet de photos fugaces

Camille,

Peut-être que demain

Tu suivras le chemin

De ceux qui t’ont précédée

Danseuse, génie du bricolage,

Tricoteuse du multimédia,

Ingénieuse, animatrice,

Musicienne, guitariste,

Passionnée de cinéma,

Poétesse ou écrivain(e)

Et que sais-je encore !

 

L’avenir t’appartient

Et tu l’imagineras à ta façon

 

Camille,

Jour après jour

Tu t’affines

Et apprivoises la lumière du soleil

Ainsi que tous ces visages qui

Sont comme des anges gardiens

Bougies qui brillent autour de toi

 

Jules, ton grand-frère, te couve avec affectionEt Alphonse, ton cousin, qui t’a précédée de quelques semaines, t’observe avec les billes émerveillées de ses yeux

 

Camille,

Voilà que notre monde s’enrichit

D’une nouvelle lumière

Qui nous habite déjà

De Mundolsheim à Vesoul

Les distances ne sont plus

Que d’anecdotiques raccourcis

Les mondes se rejoignent

Aux confins des couffins…

 

Tu es notre passerelle/tourterelle

Notre petit pont vers l’avenir

Notre envie de poursuivre le chemin

A tes côtés

De ne jamais s’arrêter

Te voir grandir/mûrir, sourire…

 

Avoir un enfant, c’est mettre

Des fleurs de magnolias sur nos prochains calendriers.

 

Camille,

La vie est un généreux rendez-vous

Pour lequel nous sommes heureux d’être à l’heure

En ta compagnie

Merci de nous y avoir conviés !

Un jour de février…

 

Camille,

Sûr que les deux ailes de ton prénom

T’aideront à prendre ton envol…

 

Camille…

Merci, jolie petite fée,

De nous rendre la vie toujours plus belle

Avec deux L !

 

@ Laurent BAYART

20 février 2018

10h34

 

 

BILLET D’HUMEUR / ACTE 54 / GLA GLA CIALE OU LA METEO COMPLETEMENT GIVREE !

On l’avait presque oublié sur le calendrier : l’hiver – qui ne fait désormais plus peur à personne – se met à faire grincer les dents, pincer les oreilles et frigorifier les orteils. On pensait (à tort) que la quatrième saison n’était presque qu’une aimable prolongation de l’automne ou la cinquième colonne du printemps… Les saisons ne sont plus ce qu’elles étaient mon bon monsieur ! Mais où sont donc passées les neiges d’antan ? Moufle de saperlipopette, voilà que le train « Moscou-Paris » (drôle d’image ferroviaire !) déferle sur les quais en provenance de Sibérie, nous dit-on… Les météorologues ont prédis une attaque massive. Une sorte d’Anschluss polaire ! Les ours éponymes vont venir nous envahir avec une artillerie de pingouins et de manchots ! La guerre (froide) est déclarée. A vos casemates emmitouflées. Ligne Maginot bien chaude…Alerte orange ou rouge, ou plutôt gla gla ciale. La température a du tempérament. Oups, on se voyait déjà à travailler torse nu au jardin, à bêcher la terre avec une bouteille bien fraîche à ses côtés. Glacée oui. Le frigo est dehors ! Et les bourgeons, éclater en valse de couleurs sur les branches des arbres. L’exubérante nature offre une symphonie de verdure et une palette de couleurs. C’est loupé/râpé. Les magnolias peuvent piétiner d’impatience sur leurs bancs de touche en compagnie des forsythias !

 

Le « Moscou-Paris » passe à toute berzingue et nous atomise de ses froidures en mode engelures…Nous qui rêvions plutôt d’un « Paris-Brest » sur la terrasse d’un café…Le thermomètre va se mettre à parler russe. Diantre, s’il y a bien une boisson pour ne pas se geler, c’est bien la vodka livrée…par un Orient Express dont les rails sont fixés sur la ouate des nuages…Histoire de jeter un froid sur un éphéméride pétrifié.

                                                                                                            @ Laurent BAYART

24 février 2018

LIVRE / UN CYCLISTE AVEC UN COMPTEUR GEYSER OU MEMOIRE D’UNE APOCALYPSE.

Inspiré de la vie de Vassili Nesterenko, physicien spécialiste du nucléaire, le livre de l’auteur espagnol Javier Sebastiàn « Le cycliste de Tchernobyl » nous plonge dans ce passé proche où l’Europe découvrit avec stupeur que le nucléaire pouvait plonger le monde dans le chaos. Nous voilà à Pripiat, ville fantôme, qui se trouve à trois kilomètres de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, ville figée comme une espèce de Pompéi des temps modernes. Déambulent des personnages qui peuplent un paysage fossilisé entre salles de classes désaffectées et pistes d’auto-tamponneuses…Les temps ne sont plus à la liesse. L’ombre de l’invisible radioactivité affole les compteurs geyser. Dans ce décor de cimetière, Vassia, le scientifique, erre avec sa bicyclette tel un messager de l’apocalypse et des becquerels dévastateurs. Cycliste qui sera poursuivi par les hommes en noir du KGB. La vérité n’a pas bonne presse auprès des politiques et de l’Empire. L’homme travaillait sur le projet « Pamir » destiné à neutraliser à l’époque l’initiative de défense stratégique de Ronald Reagan. Cent dix usines et laboratoires étaient disséminés dans toutes les républiques de l ‘ancienne URSS, avec des projets de centrales nucléaires mobiles, lorsque Tchernobyl explosa le 26 avril 1986…Hallucinantes et ubuesques recommandations faites à la population : Il faut hydrater le corps pour que les particules radioactives s’évacuent par la sueur et l’urine… L’histoire s’inscrit sur un nuage radioactif devenu mythique qui fera fi des billevesées et des mensonges proclamés. Il y avait à Pripiat tellement de césium et de strontium en suspension que, selon l’intensité du soleil, on pouvait le voir. Dévastation et horreur d’un massacre muet. Et puis, quelques conseils entre bon sens et surréalisme afin d’éviter les produits irradiés : Les gens cherchaient des fruits avec des vers, ils savaient comme ça qu’ils n’étaient pas contaminés et qu’on pouvait les manger ».

Ce livre chante avec mélancolie et tristesse l’aubade des gens qui sont morts dans le silence des radiations, « hymne à la résistance dans un monde dévasté ».

On déclare souvent, après les catastrophes : « plus jamais ça », mais des pléthores de bombes à retardement menacent encore le ciel bleu et son soleil. Gageons que ce seront encore d’autres nuages bien innocents et inoffensifs…

                                                                                                                   Laurent BAYART

 

* Le cycliste de Tchernobyl de Javier Sebastiàn, Editions Métaillé, 2013.

LIVRE / KIM YOUNG-HA, DE MEMOIRE.

 Né en 1968, Kim Young-Ha est un petit prodige de la littérature coréenne. J’ai eu le bonheur de découvrir plusieurs de ses opus (dont Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur, Quiz Show ou Fleur noire) qui désopilent par sa manière de briser les règles et d’emmener le lecteur dans des paysages inédits.

Cette fois-ci, ce surdoué de l’écriture traite de la maladie d’Alzheimer avec une incroyable dextérité et intelligence d’esprit. Il fixe ses pas à ceux d’un ex-tueur en série Kim Byeong-su, 70 ans dans la musette et une flopée de crimes dont il n’a plus souvenance : Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d’Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite…Ce personnage déambule dans son existence, sans mémoire, il confond son auxiliaire de vie avec sa fille qu’il pense finalement avoir assassiné comme tant d’autres. L’horreur et la dérision jouxtent en des cloisons fines comme du papier cigarette. L’approche de cette maladie emblématique de nos sociétés est faite avec une grande pertinence. On sent qu’un travail de fond a été mené par Kim Young-Ha : Quand je perds la mémoire du passé, je ne sais plus qui je suis, tandis que si je perds la mémoire du futur (Se souvenir de quelque chose que l’on doit faire dans l’avenir), je suis coincé dans le présent pour toujours.

 Par son architecture, ce thriller psychologique haletant fait songer par moments à l’Etranger de Camus. La maladie jouant le rôle de ce soleil pressant et aveuglant. Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer…

 Malgré son carnet de note et son magnétophone qui pend à son cou, le narrateur, poète et philosophe, marche sur des nuages volatiles. L’auteur, comme il le dit lui-même, se plaît à nous entraîner dans des territoires inconnus de tous, à la manière de Marco Polo.

                                                                                                                   Laurent BAYART

 

* Ma mémoire assassine de Kim Young-Ha, Editions Philippe Picquier, 2015.