Chiraz, en Iran, automne 2022, la révolte « Femme, vie, Liberté ». Une Iranienne escalade une benne à ordures, prête à brûler son foulard en public. D’origine iranienne, Delphine Minoui, grand reporter au Figaro, couvre depuis plus de vingt-cinq ans l’actualité du Proche et Moyen-Orient. Ses ouvrages connaissent un immense succès récompensés notamment par le prix Albert Londres.
Bad-jens, mot à mot, mauvais genre…espiègle ou effrontée. Et il en faut, du courage et de la ténacité à ces femmes pour survivre et braver les nombreux interdits imposés par les mollahs ! Ne serait-ce que montrer sa chevelure qui devient un immense parjure, sinon une provocation : …les cheveux des femmes renferment une étincelle qui aguiche les hommes. Et qu’il faut désormais les couvrir pour nous prémunir d’eux. Et de rajouter plus loin, un zest philosophe et lucide : A l’école et dans la rue, je serai celle qu’on veut que je sois. / A la maison, celle que je veux être.
L’humour est aussi une forme de résistance : Il a cette façon trop cheloue de s’adresser à nous sans nous regarder./ C’est comme s’il parlait à un mur…/…Heureusement qu’elle n’a pas mis ses chaussettes Mickey…Résistance par la musique, l’art, l’envie de s’envoler joyeusement dans l’ultime, le tatouage aussi qui est plus qu’un dessin : un moyen de « se »raconter sur la peau, d’en faire le paysage d’histoires inversées…Quant à la jeunesse, elle pourfend et brave la loi d’airain du grand silence et de l’obscurité : Les jours de soleil, on s’arrête au pied des ruines de Persépolis./ On choisit un coin d’herbe et on se roule des pelles…Ainsi, même les ancêtres et les vestiges sont complices de ces frasques. Et plus avant, ce désir de laisser son corps aller à la fête : Envie de me rappeler que j’ai un corps, d’être sensuelle, de sentir que j’attire, d’être désirable et de désirer…
Est largement évoquée le décès de Mahsa Amini qui est morte parce qu’elle portait un « vêtement inapproprié ». Le chemin reste long et semé d’embûches pour ces femmes courageuses qui savent ce que signifie la liberté. Elles scandent le poème de Tâhereh, (exécutée après s’être dévoilée devant une assemblée d’hommes, 1817-1852) : Si le ciel désire voir mon visage, / Il sortira chaque matin son miroir en or.
© Laurent BAYART
- Badjens de Delphine Minoui, Seuil roman, 2024.