BILLET D’HUMEUR / ACTE 23 / LES MOTS COMME UN DESIR DE REBELLION.

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La création, c’est se prendre au mot, surtout lorsqu’on est écrivain. Flirter avec ce qui demeure de la beauté du monde, s’émouvoir de la parole de l’autre et jeter l’encre sur d’autres rivages. Proposer l’impromptu d’une rencontre, le regard décalé des instants perdus. Essayer d’ouvrir encore les yeux sur ce qui reste d’images. Capter l’instant dans l’émerveillement du temps qui s’effeuille. S’essayer à la beauté malgré la barbarie quotidienne et le grand tohu-bohu du monde. Aller vers l’autre en ces temps d’obscur individualisme où la technologie du multimédia offre des conversations de l’instantanéité, mais fait glisser l’être humain dans la noirceur de la solitude. Envoyer mail sur mail au lieu de tendre la main en brassée de fraternité. Ne plus regarder le quidam qu’à travers le feu follet d’un site Internet.

Se rebeller, s’indigner – sans être dans une quelconque mouvance philosophique ou politique – afin que toutes les messes ne soient pas encore dites. Changer le cours du monde et offrir des fleurs aux perdants, en laissant à leurs pitoyables bras levés ces gagnants/winners de compétition. Ralentir, encore et encore, le rythme fou de cette fin du monde. Inventer de nouvelles rencontres et de joyeuses libations dans cette bande d’arrêt d’urgence, où les capots ouverts, comme des gueules de monstre, fument en volutes blanches des crises cardiaques de moteurs en surrégime. Et se laisser doucement mourir comme on décide de (re)naître lentement.

                                                                                                                 LAURENT BAYART

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