J’avoue que c’est le titre – fascinant ! – qui m’a fait prendre cet ouvrage à la bibliothèque ! Drôle d’entame et de générique, curieux j’ai commencé à dévorer ce livre signé par Gonçalo M. Tavarès, un très grand écrivain portugais contemporain (né en 1970) et qui enseigne l’épistémologie après avoir étudié la physique, le sport et l’art. Bref, une pointure d’éclectisme, un cabinet des curiosités à lui tout seul…
Et là, je tombe presque sur un chef d’œuvre, en tout cas un livre hors de gamme et hors du commun !
Le personnage central Lenz Buchmann, médecin chirurgien de son état, « envoûte et révulse ». Voyage dans le cynisme absolu, la morale, la perversité, l’alchimie glaciale des rouages machiavéliques de l’être humain. Bref, c’est une trituration dans la psychologie du « roi de la création », et ce n’est guère reluisant…Cet opus littéraire s’articule autour de nombreux petits chapitres qui constituent des récits – à part entière – dans l’histoire. On y côtoie le frère de Lenz, atteint d’un cancer. Et que ressentait Lenz face à cela ? Face à la mort annoncée d’Albert Buchmann, son frère ainé ? Rien, absolument rien. Il regardait cette radio comme on regarde un paysage…Une patiente aussi, en phase terminale, lui confie un courrier pour son fils qu’il ne remettra jamais… Du reste, Lenz Buchmann s’était orienté vers la médecine par hasard, à la suite d’une décision motivée par un accès d’optimisme…/…Il était né et avait été éduqué pour tuer. Il jouit à l’idée d’humilier un mendiant ou sa femme (qu’il trucidera froidement). Son père, médecin lui-même, Friedrich, finira par mettre fin à ses jours. Lui qui avait assassiné (pendant la guerre) le père de celle qui deviendra, plus tard, la secrétaire (Julia Liegnitz) de son fils…Sa phrase fétiche étant : Dans les marécages, les moteurs ne marchent pas. (Voir le visuel de la couverture). Puis, Lenz se découvre aussi un cancer : Je me suis promis à moi-même de ne revenir à l’hôpital qu’en qualité de malade. Il se jettera –corps et âme – avec le même dégoût et cynisme dans la politique où l’âme sombre de l’être humain semble donner sa pleine mesure…
Voilà donc un livre magistral, comme une leçon d’anthropologie et de sociologie finement écrit. Cette écriture me fait penser à celle de l’écrivain brésilien Machado de Assis. Sans conteste, une grande voix de l’écriture universelle. A découvrir absolument.
Laurent BAYART
* Apprendre à prier à l’ère de la technique, roman, de Gonçalo M. Tavarès, Editions Viviane Hamy, 2010.