Le monde est affligeant par la barbarie quotidienne qui ne cesse de surgir et ressurgir au gré de l’info et des médias. On n’arrête plus d’obscurcir et de réduire notre espace. Flot d’hémoglobine et de dépêches affolantes où l’homme – dans ce qu’il a de plus obscur et primaire – tient la tête d’affiche…rouge. Plus rien ne nous est épargné. Reste la liturgie des Jeux Olympiques pour quelques heures encore, et le nième gnangnan style de la rentrée des classes à filmer des mamans écumant les supermarchés à la recherche des affaires scolaires…liste en mains.
Et pendant ce temps-là, les jeunes – portables en goguette – sont à la quête des mythiques Pokémon qui envahissent les lieux publics. Jeu virtuel d’une certaine forme d’abandon du réel et de décadence alors que peut-être, jamais l’humanité n’avait à nouveau effleuré l’effroyable monstruosité du chaos.
Monde de l’absurde – un rien pathétique – dans lequel, d’un côté, l’on découvre cet enfant dénommé Omrane, petit syrien, rescapé miraculeux de bombardements et de l’autre – quelques milliers de kilomètres plus loin – des jeunes hypnotisés par leurs portables, partant à la chasse aux dinosaures virtuelles du multimédia.
Allez comprendre quelque chose à cet étrange algorithme où l’être humain perd, peu à peu, le sens du réel et son alphabet. Le glissement est conséquent. Revenir à la surface, après cette apnée, sera douloureux et compliqué. Car l’humanité, pendant ce temps-là – ne cesse de nous appeler au secours. Nous n’entendons plus ses cris.
Ah, vivement que l’homme redevienne tout simplement…humain !
Sinon, il est fort probable qu’un effroyable Pokémon nous engloutisse à jamais. Clash de fin. Game over.
Laurent BAYART
C’est bien dit mon ami.
Je ne suis pas un homme
J’ai continué mon chemin
j’ai continué à marcher
continué à travailler
tête penchée sur mon ouvrage
continué à parler avec des amis,
des gens de passage, des gens installés
continué dans chaque geste du quotidien
à me regarder dans la glace
Au loin, très loin, pas trop loin,
toujours trop loin pour les âmes définitives,
des Hommes, des femmes et des Enfants
entre les parois désespérées de bateaux ivres,
traversaient des mers improbables,
d’espoir en cimetières,
des mères et des pères,
des familles entières
posés sur les flots,
dans la courbe de vagues que je ne connais
que couchées sur des cartes postales à 2€,
des écrans télé aseptisés,
des mots éternels lancés à la volée, « y’a assez de malheureux chez nous »
pour se rassurer à l’heure de l’apéro,
se donner une tenue aux regards des amis,
des gens de passage, des inconnus croisés…
Je ne suis pas un Homme.
Un Homme ça laisse tout tomber
ça tend une main, un geste
se jette à la mer, se donne tout entier
pour partager la douleur portée entre deux rives, entre deux êtres,
deux pays
pour cette chance d’être, à ce moment précis, du bon côté,
de celui qui devrait accueillir
faisant fi de l’avenir immédiat
celui que l’on écrit ou n’écrit pas
lorsque l’on tend ou pas le bras,
ce bras infini afin que tout au bout une main
puisse agripper une autre main
dans les flots bleus de la méditerranée,
un beau soir d’été.
23/06/2016
ERIK VACQUIER