Etait-elle vraiment endormie ? En tout cas, cela fait plusieurs semaines que la terre et ses surgeons explosent –silencieusement- en mille couleurs dans un théâtre en plein-air d’une douceur surprenante.
La bêche du jardinier a repris sa chorégraphie. Les oiseaux lancent leurs trilles devant des oreilles en feuilles de salade qui écoutent la mélodie de ces (bons) becs musicaux. Les lombrics –enfants hyperactifs- se tortillent de nervosité devant ces concertos. Ils n’ont pas trop l’oreille musicale…
Jardinier-cycliste-poète (trouvez le bon ordre), je reste constamment émerveillé devant l’enchantement de ce monde. Parfois, les bassons mécaniques d’une tondeuse jouent les Figaro sur une chevelure drue et verte. L’herbe (et la mauvaise) pousse aussi pendant ce temps-là.
Le torse à l’air, je reprends du service. Retrouve la saine et douce énergie tellurique qui m’apaise. Ecrire, c’est comme jardiner : on sème des mots sur une feuille de papier, en l’occurrence un carré de terre, et l’on ne sait pas trop ce qu’il va en advenir. Le soleil, la pluie ou le froid aura raison de ces travaux d’écriture.
Car on ignore finalement ce que donnera la courgette, le haricot ou le choux fleur d’une jolie phrase. Il suffit d’une limace, d’une chenille ou d’une taupe pour que l’œuvre passe à la trappe.
Des trous dans la terre ou sur les feuilles, comme le poinçon des points qui mettent un terme à toute narration.
Laurent BAYART
* photo d’Annaëlle Desplanches.