
A Jules, Alphonse et Camille.
Sur la rampe en pente douce du toboggan si joyeusement coloré, une corneille fait la conversation avec une mésange, le bac à sable accueille quelques fourmis et insectes vagabonds. Quant à la petite maisonnette de jardin, abandonnée, ses volets claquent à tous vents… Un chat y a trouvé refuge et s’affûte les griffes. Y’a comme une absence.
Mes yeux vous imaginent en train de vous ébrouer tels de jeunes cabris, dans la générosité de ce mois d’avril qui fanfaronne de mille feux avec son printemps clinquant. Y’a comme une absence.
Je vous entends pousser vos petits cris, petites égosilles dans l’instant éparpillé en cet espace qui vous est entièrement réservé. Y’a comme une absence.
Le temps semble s’être suspendu, comme arrêté… étrange sensation d’abandon, à l’image d’un village déserté par ses habitants. Des enfants que l’on devine mais que l’on ne voit plus. La balançoire ne pousse plus sa chansonnette grinçante en pépie d’huile. Y’a comme une absence.
Vos jeux, vos rires, l’éclat de vos voix ne résonnent plus dans notre ciel. Vos jeux sont désormais hors-jeux. La faute à cette saleté de virus dont la planète en fait les gorges chaudes… Cette boule de gomme, telle une caricature, hérissée d’épines, convoquée par un microscope. Stupeur et tremblements.
Le jardin n’est plus en goguette. Il y manque votre présence. Le temps s’est arrêté de tourner. Tempo de mélancolie, saudade comme disent les Brésiliens.
Le toboggan ne glisse plus. Quelques feuilles mortes y ont déposé leur papier blanc dessus. Angoisse de la page blanche, les mots sont orphelins de votre manège. Il n’y a plus rien écrit sur ce silence.
Y’a comme une absence.
Copyright Laurent BAYART dit Papy Lo
8 avril 2020