LIVRE / LE TRUCULENT CARNAVAL COLOMBIEN D’EVELIO ROSERO.

Voilà une véritable pépite de truculence et d’exotisme venue de cette littérature sud-américaine si prolixe dont on connaît surtout l’œuvre de Gabriel Garcia Marquez et Luis Sepulveda, mais Evelio Rosero mérite plus qu’un détour, car cet auteur colombien nous offre une écriture majeure mêlée à une narration drolatique, récit picaresque qui coule dru et bouillonnant comme le fleuve Amazone !

Nous voilà, à suivre, le gynécologue Justo Pastor Proceso Lopez dans la petite ville colombienne de Pasto, célèbre pour son carnaval des Noirs et des Blancs qui se déroule du 2 au 6 janvier, durant lequel on enfarine allègrement les noirs pour les blanchir, la légende voulant que le tailleur de la ville répandit par surprise du talc sur les clientes d’un salon de coiffure en s’écriant « vive les blancs ». Notre bonhomme, bon vivant, se révèle être le mari de la pulpeuse et très courtisée Primavera Pinzon. Notre docteur d’en dessous du nombril, bête à corne, écumeur de bordel n’hésitant pas à endosser –carnaval oblige – l’intégral d’un costume de gorille…

Mais ce personnage à frasque se démarque surtout par son aversion pour le mythe et la statue du père de la nation, le grand mensonge de Bolivar ou le mal nommé libérateur, (titre de la sulfureuse (et courageuse) biographie référence de l’historien José Rafael Sanudo). Notre ami désirant faire réaliser un char à la gloire de Bolivar, sous forme de pamphlet carnavalesque…

Mal lui en prendra, car on ne jette pas ainsi les icônes dans les ordures, les aficionados du commandeur Bolivar lui feront payer tout cela, en monnaie de singe…

Epoustouflant récit que l’on écoute en lisant, comme une farce tragique en savourant l’aguardiente (boisson anisée avec alcool de canne à sucre) au rythme entrainant du charango, musique sud américaine oblige.

                                                           Copyright  Laurent BAYART

Le carnaval des innocents de Evelio Rosero,  Editions Métailié, 2016.

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