LIVRE / L’HISTOIRE A LA MACHETTE ET A LA « KALACHE » ENTRE HUTUS ET TUTSIS.

         L’actualité, tels les remugles d’une sinistre marée noire (« Le génocide est une marée noire, ceux qui ne sont pas noyés, sont mazoutés à vie.»), est revenue rappeler – récemment – qu’un million de personnes a été trucidé dans ce conflit ethnique qui a marqué l’histoire récente. L’ouvrage de Gaël Faye, rappeur franco-rwandais, finement écrit, nous le raconte, vu de l’intérieur. C’est sous la plume de Gabriel, enfant égaré dans un paradis situé dans son « petit pays » qu’est le Burundi qui jouxte le Rwanda, le pays des Mille Collines, qu’on surnomme aussi la Suisse de l’Afrique, que la narration se dérouleraLe nom de Rwanda évoquera désormais un effroyable génocide…

L’enfant raconte les différences entre Hutus et Tutsis sous l’analyse d’un regard naïf « haut de trois mangues ». Comment comprendre que les adultes se massacrent pour une question de nez ? : Puisque les Hutus l’ont gros, il faut en déduire que Cyrano de Bergerac est un des leurs. Tout cela sous fond de dispute en mode conflits entre ses parents : Entre Yvonne, sa mère Tutsi, née en 1963 au Rwanda et son père blanc, Michel, originaire des Vosges, rien ne va plus. Le paradis se fissure…

Ligne de partage des eaux où l’incompréhensible haine va prendre le dessus sur les vieilles fratries et connivences de la jeunesse : J’ai beau chercher, je ne me souviens pas du moment où l’on s’est mis à penser différemment. A considérer que, dorénavant, il y aurait nous d’un côté et, de l’autre, des ennemis…Et plus loin Nous vivons sur le lieu de la Tragédie. L’Afrique a la forme d’un révolver. Rien à faire contre cette évidence. Tirons-nous…

La chaos va s’installer comme une sanglante évidence, une hémorragie impossible à juguler, l’instinct de mort étant trop fort : La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. 

L’enfant s’exilera –in-extremis- en France, échappant à la longue litanie de la barbarie, pour raconter, plus tard, en chansons et en mots, la longue déshérence d’une humanité meurtrie qui bafouille ses morts.

                                                                    © Laurent BAYART

Petit pays, roman, de Gaël Faye, Editions Grasset, 2016.

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