LA VOLGA DE GOUZEL IAKHINA.

          Il s’agit incontestablement d’un(e) écrivain(e) surdouée qui nous vient du Tatarstan en Russie. Son livre précédent (voir chronique sur les mêmes « pages » de mon site) nous avait emmenés, dans une grande fresque narrative et historique, sur les bords de l’Angara aux confins de la Sibérie (Zouleikha ouvre les yeux). 

Aujourd’hui, Gouzel Iakhina revient avec une nouvelle fresque qui déroule sa romance sur les bords de la Volga, fleuve mystique et mythique de Russie.  …contempler la Volga s’étendant à l’horizon : quelle est, en ce moment, la couleur de ses vagues, sa transparence ? La brume monte-elle-sur l’eau ? Combien de mouettes tournent au-dessus du fleuve ?…L’action se déroule autour de 1920 et nous emmène dans une communauté d’Allemands venus peupler la Russie aux XVIIIème siècle à l’instigation de l’impératrice Catherine II. Une singularité historique intéressante et ignorée de beaucoup. A la fin du XIXème siècle, suite à des pressions de la Russie tsariste pour les forcer à s’assimiler, une partie des Allemands émigra en Amérique. Les colons avaient apporté leurs langues avec eux, celles de leurs lointaines régions : la Saxe et la Westphalie, la Bavière, le Tyrol et le Wurtemberg, l’Alsace et la Lorraine, Baden et Hessen…

Ce livre nous conte l’histoire de ce maître d’école, le Schulmeister, nommé Jakob Ivanovitch Bach invité à enseigner l’allemand à Klara, une jeune fille vivant (cachée derrière un paravent) avec son père dans une ferme isolée sur l’autre rive de la Volga. Surgissent l’histoire avec son rouleau compresseur et ses hommes ivres de barbarie qui violeront la jeune femme et lui laisseront l’enveloppe d’une missive dans son ventre : une enfant du nom de Anntche. Ils décident d’élever cette fille illégitime. Bach se mettra à rédiger des contes, étrangement prémonitoires. Chaque journée de Bach était divisée en deux parties : le jour appartenait à Anntche, la nuit – aux contes. Il savait ce qu’il écrirait dès le matin, et parfois depuis la nuit précédente…Et plus loin : Bach était-il coupable de ce qui arrivait ? Comment pouvait-il s’opposer à toutes les choses sombres, cruelles, sanglantes qui étaient sorties de sa plume ?

La Volga, comme le Gange, gorgée de morts, charriant ses cadavres, l’eau étant composée de sang et de malédictions d’agonisants ? Fresque historique et narrative époustouflante où l’on parle de ces poneys de fer, autrement dit, les fameux « nains », le tracteur (Karlik) construit par l’ingénieur Iakov Mamine, premier tracteur soviétique produit en masse. Et l’auteur (e) de rappeler que le 6 janvier 1924, la XIème assemblée régionale des Soviets de Pokrowsk adopta la résolution de « Proclamation de la République socialiste soviétique autonome des Allemands de la Volga…

                                                               © Laurent BAYART

  • Les enfants de la Volga, de Gouzel Iakhina, traduit du russe par Maud Mabillard, Les Editions Noir sur Blanc, 2021.

Laisser un commentaire