C’est une improbable et surprenante pépite de littérature chinoise découverte récemment : Xiaolu Guo, née dans un village de pêcheurs du sud de la Chine en 1973, est une merveille de fraicheur qui surprend et dresse une passerelle entre son pays et l’Angleterre, vaste comme un empire (en caractère chinois, les pictogrammes signifient un pays au centre du monde d’où l’Empire du Milieu…).
Une jeune chinoise (surnommée z), la narratrice, arrive à Londres pour y apprendre l’anglais, armée de son dictionnaire passe-muraille, de sa candeur, sa naïveté et ses charmes…Elle rencontre l’homme qui deviendra son amant et (en quelque sorte) son mentor dans son parcours initiatique : une vingtaine d’années en plus, des mœurs multiples assez « libres », sculpteur à ses heures perdues et livreur en camionnette dans le quartier londonien de Hackney. L’écriture est drôle et pleine d’approximations syntaxiques qui rend le texte attachant par les découvertes qu’elle effectue et nous fait partager. Elle ne cesse d’arpenter ce dictionnaire qui est comme un plan d’une ville qui la guide, au fil de cette année qu’elle va passer en Angleterre puis durant ses quelques jours de voyage en Europe. On y apprend des tas de choses sur la culture chinoise, comme : En Chine, on dit que tu vis comme tu coupes la viande…Cocasse aussi cette scène du livre où, candidement, elle se met à actionner un vibromasseur (dont elle ignore l’usage) fabriqué en Chine ! Plus élevée, cette pensée chinoise qui dit que les femmes portent la moitié du ciel. C’est un peu vrai, non ? Plus loin, faisant référence à la culture occidentale : Mais je ne devrais pas crier dans ta propriété privée. Les gens appellent le policier pour n’importe quelle raison dans ce pays.
Au fil de ses voyages, elle confiera : Je vais ramasser les briques pour construire ma vie. Et puis toujours dans ces dialogues pleins de bon sens, elle lancera à son amant occidental : Nous Chinois nous avons inventé le papier pour que votre Shakespeare peut écrire dans deux mille ans plus tard. Nous chinois avons inventé la poudre pour que vous Anglais et Américains pouvez bombarder l’Irak. Et nous Chinois avons inventé la boussole pour que vous Anglais pouvez naviguer et coloniser l’Asie et l’Afrique…
Cette grande passion amoureuse ou plutôt idylle se terminera par le vagabondage naturel de la séparation : Je t’ai rencontré, un homme qui était né l’année du rat. Un rat n’a jamais un foyer stable, comme moi, née l’année de la chèvre. Deux animaux instables, deux êtres sans foyer. Ça ne marchera pas, c’est notre destin. Sublime comme une métaphore entre l’Asie et de l’Occident…
Laurent BAYART
- Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants, roman, de Xiaolu Guo, Éditions Buchet Chatel, 2008.