Je l’ai souvent dit et écrit : les biographies de boxeurs sont les plus passionnantes, rédigées comme des romans épiques en forme d’odyssées rocambolesques, et pour cause ! Leurs vies, et autres itinéraires, s’apparentent à des gymkhanas et un parcours de combattant (normal !).
Ainsi, l’écrivain Didier Castino retrace dans ce livre « Boxer comme Gratien » l’histoire de ce boxeur marseillais Gratien Tonna qui a connu la victoire, l’argent, la gloire. D’un Maltais né à Tunis, entrainé à Marseille, qui aurait pu conquérir le monde. L’écrivain a retrouvé cet athlète de soixante-douze ans qui vit aujourd’hui dans un mobil-home, celui qui fut deux fois champion d’Europe et cinq fois champion de France mais ne connut jamais la consécration mondiale. Hervé (dans la narration), l’écrivain scribe, le décrit parfaitement : Il est plus grand que moi et il a soixante-douze ans. Je te dis pas sa taille à vingt-cinq ans. Tu l’aperçois, tu comprends de suite que c’est un boxeur. Une masse qui se déplace. Un arbre lui tombe dessus, c’est l’arbre qui se casse, tu vois ce que je veux dire ? Plus loin, il rajoute à son adresse : Mais, c’est vrai que tu as des mains on dirait des bêches de croque-mort. L’artiste du ring fut inculpé pour proxénétisme aggravé, ce n’est pas rien aggravé, Gratien Tonna, c’est plus que proxénétisme tout court…De plus, il avait été aussi condamné pour avoir tué accidentellement (il était ivre et n’avait pas vu qu’il y avait des travaux) un policier, en voiture, à l’entrée d’un tunnel au Vieux Port…Incroyable et insupportable destinée en dents de scie. Et Gratien de rajouter : Avant c’étaient les journalistes ou la police qui m’interrogeaient, maintenant c’est les écrivains. Plus loin, le narrateur-complice de renchérir : son visage devient une gueule de boxeur, on ne naît pas boxeur on le devient, le nez s’élargit, enfle, les oreilles se décollent, les pommettes s’usent, les arcades cicatrisent…
L’auteur évoque une idylle avec Dalida ? Et la protection du patriarche de la ville : Gaston Deferre qui le prend un peu dans son giron. Au détour d’un combat, on accoste aussi les époux Balkany à leurs prémices…Sont relatés également les combats épiques avec le Colombien Rodrigo Valdez et Carlos Monzon, avec le goût métallique du sang dans la bouche et la défaite, parfois injuste…
Ce livre est magistral et se lit tel un roman, le romanesque dantesque d’une existence : Si au lieu de ne faire que passer devant le ring, on prenait la peine de s’y arrêter, on y verrait des existences défiler en trois minutes sous nos yeux…
En cette période d’Olympiades, l’ouvrage raconte le revers de la médaille aussi, en quelque sorte…
© Laurent BAYART
- Boxer comme Gratien de Didier Castino, Les Avrils, 2023.
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