LAURENT Bayart présente plusieurs articles dans le numéro de décembre, le 138ème, de la Revue Alsacienne de Littérature, fondée en 1983, l’une des plus anciennes de France. Il rédige une analyse et critique sur les dernières parutions de : Gérard Blua, Albert Strickler, Olivier Larizza, Jean Bellardy, Jyssé et Claude Luezior. De plus, un article rédigé par ce dernier présente notre ouvrage de textes et photos « Voyage en Périgord », publié avec Alain Tigoulet aux Editions Tourneciel.
*Les Amis de la Revue Alsacienne de Littérature, B.P. 30210, 67005Strasbourg cedex.
Laurent BAYART sera, ce vendredi soir, à la bib de Mundolsheim pour présenter une lecture musicale de Noël, évocation de l’imaginaire, de la magie et du mystère qui nous font vibrer à l’unisson. Il sera accompagné par un merveilleux duo d’accordéonistes : Jeanine Kreiss et Fabien Christophel, ainsi que par Louise Deitchmann à la voix. Venez vous plonger dans l’ambiance de Noël et des merveilleux souvenirs de votre enfance, lorsque la cheminée attendait la venue de l’homme à la barbe blanche et au manteau rouge…Un moment de chaleur, de fraternité et de partage pour oublier les aléas de l’actualité !
vendredi 9 décembre 2022 à 20h30, Bibliothèque L’Arbre à lire de Mundolsheim, 19, rue du Général de Gaulle. tel : 03 88 20 94 29. Entrée gratuite (plateau).
Charles Wright, écrivain et journaliste, a pris la poudre d’escampette mais lentement, pour s’en aller vagabonder dans l’instant au fil des paysages et des rencontres du Massif central qu’il traverse, avec Parsac, son ami compagnon et aspirant jésuite comme lui. Sans un sou et à pied, ils s’en vont à la quête de l’essentiel, des rencontres et de la bienveillance des gens car ils vivront des offrandes que l’on veut bien leur octroyer…Sept cents kilomètres à travers les Puys et les montagnes sous l’œil goguenard et emblématique des vaches qui semblent faire figure de dieux tutélaires des lieux. Sous la houlette et la lecture de Rimbaud (Les Illuminations) et de Charles de Foucauld (L’Imitation de Jésus Christ), ils se font pérégrins et pèlerins de l’absolu en quête, chaque jour, des victuailles offertes et d’un toit pour passer la nuit…
Aventure humaine mais aussi physique aussi, en traversant la Dordogne, la Haute-Vienne, la Creuse, le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Lozère et l’Ardèche. Une mappemonde à taille humaine ou plutôt hexagonale…Les paysages, comme les hommes confinés, portent un masque, il faut les fréquenter longuement avant qu’ils dévoilent leurs secrets. Je vais mettre trente jours pour un voyage qui peut se faire en six heures en voiture…Se mettre dans la peau de ces clochards qui tendent la main : Il faut avoir sacrément faim pour braver l’humiliation de demander sa pitance à des inconnus ! Sans carte bancaire, ni portefeuille, le sésame des portes ne s’ouvrent plus forcément et pire, se claquent parfois sous leurs nez ! Les marcheurs deviennent philosophes à force de côtoyer les étoiles (en dormant dehors !) : Dans un voyage, les rencontres sont intenses sans doute parce qu’elles sont sans lendemain. Et plus loin : Le but de ce voyage est de s’habituer à l’aléatoire. École buissonnière de la nudité et de l’humilité, de ce dénuement qui révèle et réveille l’esprit…Et Charles Wright de rajouter, avec pertinence : Mais le voyage est un exutoire illusoire, on ne se débarrasse jamais de ses problèmes, on ne fait que leur faire voir du pays.
Ce périple, au fil de sublimes paysages et de fécondes rencontres, aura changé les deux hommes, l’un se fixera dans l’ordre des Jésuites, l’autre dans la terre ardéchoise, en sachant que notre vocation, c’est de passer.
Une marche dans un Massif central et ses puys dans lesquels on remonte l’eau d’un certain renouveau. Le randonneur devenant sédentaire pour faire(enfin) marcher et vibrer son âme en regardant filer et courir les étoiles…
Moi, j’aime ces amis ailés venant poser leurs cédilles et leurs virgules ailées tout près de nous. Frêles silhouettes qui nous accompagnent comme des guetteurs, des messagers lumineux. Partage de connivences qui nous viennent du monde improbable des nuées. Orpailleurs des nuages et porte-cierges des horizons bleus et de Saint François d’Assise. Ils font figure d’anges gardiens dotés d’une parure d’ailes et de plumes, mais aussi de becs telles des flûtes qui nous enchantent de leurs aubades et autres trilles en cantates.
Dans mon jardin, j’aime les côtoyer et les caresser de mon regard. Ainsi, ses amis volatiles et volages m’apprivoisent chaque jour un peu plus. Le monde à l’envers.
Un jour, ils m’ouvriront la cage de la grande volière et je pourrais ainsi m’envoler…M’échapper vers la lumière.
Car, intime conviction de l’absolu, les oiseaux nous aideront à traverser le ciel pour la grande migration. En passe-murailles de l’éternité.
Arriver jusqu’à la Terre Promise où le ciel et la terre ne font plus qu’Un.
Il était nu comme un ver, ou plutôt tel un épicéa des sylves vosgiennes. Un coup de scie lui a rogné les pieds, tandis qu’un bûcheron l’a « rapatrié » dans la grande ville avec ses divins effluves et sa résine qui suinte comme du sirop d’érable…Et le voilà qui trône, à poils ou plutôt tout en épines, dans le salon prêt à l’accueillir et à l’habiller en costume de galas.
Les enfants, en couturiers de Noël, stylistes et modélistes, se mettent à le vêtir de pieds en cap. Le simple sapin de la forêt se transforme en gentleman, chamarré d’une interminable guirlande argentée comme le boa de Zizi Jeanmaire ! On l’affuble de drôles de médailles tel un pacifiste combattant, sapé de boules et de peccadilles scintillantes qui brillent à l’image d’une boule à facettes. Sur le chef, on lui glisse une pointe mais pas de casque à…l’image de la soldatesque teutonne !
Et puis, le voilà consacré pour la Sainte Nuit, car des bergers viennent installer leur campement, en y déployant l’emblématique crèche…Un âne et un bœuf enchantent cette étable improvisée où un Nouveau-Né illumine ce lieu de paille et d’écorce. Santons et saints suivent l’Etoile d’un berger qui se glisse sous le résineux.
Les enfants reculent pour admirer ce frère de lumière. Le sapin est devenu une cathédrale posée dans un salon. Dieu – assis sur le canapé ? – en prestidigitateur attend la venue de celui qui viendra changer la destinée du monde…
Quelques oiseaux échappées d’une volière, à l’instar d’anges et de chérubins, se mettent à pianoter sur leurs becs, Sainte Nuit, Douce Nuit…
La neige, comme de la farine, se met à tomber et saupoudrer de blanc le parquet du sol, par le grand tamis des nuages. Un boulanger inspiré prépare une hostie de pain à partager pour demain matin.
Levain de grâce et d’amour. Le monde appartiendra à celui qui l’aimera.
Laurent BAYART sera présent à la 13ème édition du Salon du livre de Souffelweyersheim qui aura lieu dimanche 4 décembre prochain. Il présentera ses derniers ouvrages et ira à la rencontre de ses lecteurs. Venez lui faire un petit coucou !
Salon du livre de Souffelweyersheim, le dimanche 4 décembre de 10h à 18h, Espace Culturel des Sept Arpents.
Le ciel est en goguette, des hérons cendrés ou autres oiseaux font glisser leurs plumes dans le tableau bleu azuréen du ciel. Ils s’en vont/ s’envolent et jouent de l’arpège avec le vent. Les nuages, à l’image de la craie, leur servent de décors. Où vont-ils donc, ces armadas de volatiles graciles qui sont tels des porte-plumes dans cette immensité bleue ? Ivresse de lever la tête et de les regarder filer comme des caractères d’imprimerie sur la page des nuées. Le casse du siècle !
Des centaines d’oiseaux jouent les voyageurs et font un bruit de flûtes à bec. Ils jacassent, babillent, chantent, gazouillent, jabotent, piaillent, piaulent et font un vacarme infernal de commères volubiles au-dessus de nos silhouettes. Quelle ivresse de sons et autres caoucophonie !
Ces porte-plumes s’affranchissent de leurs encriers. Migration ou éphémère échappée ?
Ces graciles caravelles portent sur leurs fuselages le nom d’une compagnie Air Line que je n’arrive pas à déchiffrer.
Les stewards sont des corbeaux, tandis que quelques mouettes jouent aux hôtesses de l’air. Quant à la piste d’atterrissage, gageons qu’elle se situe quelque part dans un pays d’Afrique où un soleil ardent fait office de passeport.
Moi, j’aimerais bien être un oiseau afin de partir avec eux…mais, hélas, ma compagnie aérienne n’a plus de places pour des oiseaux de mon espèce ! Et je ne sais pas voler, alors Tant pie !
A Brigitte Picand, merci pour cette magnifique trouvaille,
C’est une pépite dont il est question-là, un livre rare et original signé par un balayeur écrivain à la plume enchantée (ou plutôt le plumeau !) qui « exerce » à Fribourg en Suisse. Une espèce de Christian Bobin des trottoirs et du macadam. « Une rose et un balai, Petit traité de sagesse d’un balayeur de rue » se révèle être un petit chef d’œuvre d’écriture, de joute verbale, de poésie, de philosophie et de dextérité littéraire, qui a marqué les esprits lors de sa parution en 2015, puis via les innombrables (je pense) réédition ! Cet orfèvre des mots est employé municipal et cantonnier à Fribourg. Son métier lui permet la rencontre et la méditation. Le poète se régale et nous fait savourer le fruit de son imaginaire tout en jubilation et en mode déambulation. Et l’artiste du verbe de nous confier : Le simple fait de salir et de commettre volontairement des déprédations dans un lieu public, c’est déjà se défouler sur le balayeur, et un trottoir jonché de mégots équivaut à un passage à tabac…Notre ami, un zest humaniste, pérégrine et « péripapéticine » dans les rues de Fribourg qu’il connaît comme ses poches d’éboueur, ainsi que ses habitants. Notre poète nous distille quelques savoureux mots d’esprit et de sagesse : Si l’on a une bouche et deux oreilles, c’est pour écouter deux fois plus que parler. Avis aux amateurs…Il nous apprendra, en pédagogue détritus, que le littering signifie « abandon des déchets sur la voie publique ». Son balai est une véritable baguette magique et un stylo avec lesquels il réenchante le monde, ornant sa charrette d’une rose comme une oriflamme et talisman.
Ce vadrouilleur utile et vagabond communal nous raconte la quarantaine de portefeuilles qu’il retrouve chaque année, dans les poubelles ou les fourrés des Grand-Places. Sans compter que parfois il dégotte (mégote ?) du cannabis, mais je le donne plutôt à la police. Au moins pour la rime. Il nous établit aussi une liste à la Prévert où il dresse l’inventaire de tout ce qu’il trouve ! Hallucinant. Et parfois, Michel Simonet tombe sur des ouvrages et la boucle se boucle : On finit par tout voir, ou en tout cas beaucoup lorsqu’on travaille longtemps sur un même périmètre. Balayeur et fier de Lettres.
Cet ouvrage est un véritable chef d’œuvre qui illumine cette bibliothèque d’objets sales et en déshérences pour lui redonner quelques lettres majuscules. Et s’il y a un balai entre les mains, ce n’est pas celui d’une sorcière mais celui en paille d’un passeur d’humanité. Bref une magnifique trouvaille !
Je chemine sur la sente qui m’élève vers le ciel. Escalier de goudron ou de caillasse comme une échelle posée par terre, à même le sol. Je pérégrine plus que je ne marche vers je ne sais quel autel ou cathédrale. Une croix ou une statue telle une borne sur une route m’indique la …marche à suivre. J’aime m’égarer dans l’instant, savourer ces secondes qui me racontent l’infinitésimale des vies végétales et la romance du monde minéral. Le silence est à l’image d’un compagnon silencieux. Il m’aide à m’apprendre et à me comprendre. Mon bâton de pèlerin comme un gouvernail, un sextant de nautonier ou une boussole.
J’aime m’enivrer du monde jusqu’à tituber de bonheur.
Ogawa Ito, petit bout de femme de 49 ans, est un écrivain majeur de la littérature japonaise avec quelques livres publiés qui ressemblent déjà à des œuvres, comme Le restaurant de l’amour retrouvé, Le ruban ou La papeterie Tsubaki. Son dernier livre publié en août dernier se révèle être – tout simplement – magistral par le regard de l’auteur sur la manière d’aborder la mort, comme un fabuleux rite de passage. Le goûter du lion est un livre initiatique qui nous apprend à apprivoiser ce dernier acte que constituent nos ultimes jours, plombés par ce qu’on appelle prosaïquement soins palliatifs ou fins de vie…La maison du Lion se situe sur l’île aux citrons où officie une directrice, infirmière lumineuse, du nom de Madonna qui accueillera la narratrice de l’ultime et fera tout pour lui rendre son séjour le plus agréable possible : Elle représentait un soutien inestimable pour nous tous, aussi bien sur le plan physique qu’émotionnel. Sa tenue de femme de chambre était un signe d’hospitalité envers les invités, du moins c’était ainsi que je l’interprétais. Les bateaux ne trainaient jamais en chemin. Ils avançaient, lentement mais sûrement, vers leur destination. Tout comme ma maladie… nous chuchote la pensionnaire Shizuku Umino.Cette femme qui se raconte n’a que trente-trois ans et savoure ses derniers instants comme une gourmandise, tel un savoureux onigiri ou un okayu. La cuisine et la gastronomie régalent les papilles des êtres condamnés : Mais les repas à la Maison du Lion étaient d’un genre différent. Leur goût résonnait dans l’âme. Et lorsque la douleur est trop lancinante, elle peut « déguster » du vin à la morphine, une manière de mêler les plaisirs épicuriens à l’indispensable pharmacopée de l’essentiel.
Cet ouvrage irradie la beauté, la plénitude et la sérénité face aux questions qui nous taraudent : Mais je pense que ce que nous sommes au fond de nous, la conscience ou l’énergie, ne disparait jamais. Cela continue d’être pour l’éternité, en changeant de forme en permanence…Il y aussi ses dialogues avec les disparus, fantômes qui apparaissent tout naturellement pour parler de leur vie passée et évoquer l’amour qu’ils ont donné durant leur existence. Livre magnifique d’un auteur dont la maturité et la densité impressionnent. Cette histoire est un goûter de fraicheur et de bien-être car le goûter n’est pas un repas essentiel pour le corps, mais il enrichit notre existence. Le goûter est une nourriture pour le cœur, une récompense pour la vie. Un peu, à l’image de ce livre…