Laurent BAYART, écrivain/poète auteur de plus d’une soixantaine d’ouvrages, proposera une lecture musicale sur le thème de Noël, « Accordéons-nous autour de Noël ». L’auteur proposera un certain nombre de textes originaux inédits qui évoqueront la magie, le mystère, la spiritualité et l’imaginaire de cette fête chrétienne qui rassemble et fait rêver les êtres humains, sous le talisman de l’espérance. Un moment d’accords et d’amour en ces temps troublés. Il sera accompagné par son ami accordéoniste Fabien Christophel, directeur d’une école de musique et concertiste de talent.
vendredi 3 décembre à 20h30 à la bibliothèque municipale de Soultz-les-Bains, 8 rue des Soeurs, tel. 03 69 82 00 63.
Partir sur les chemins enchantés semés de coquillages pour -justement – sortir de sa coquille et s’en aller à l’aventure des autres et de soi-même. Ce Samaritain qui vient nous tendre la main et nous (trans)porter dans la cathédrale verte des forêts et des plaines traversées. Chemin de l’émerveille où Dieu se glisse dans notre sac à dos pour nous offrir cette quête de l’essentiel, sans quoi nos vies ne seraient que des océans de platitude, sans vagues ni sel. Moi, j’aime vagabonder sur ces sentes qui racontent l’ivresse de notre foi qui grimpe l’escalier du ciel en cheminant sur la caillasse des chemins. Compostelle des rendez-vous qui chantent la romance des instants partagés à savourer les paysages que l’on réinvente ensemble.
Puis, parvenir jusqu’à cette croix qui glisse un peu de ciel bleu dans notre âme de pèlerin jusqu’en Galice.
L’éternité se trouve tout au bout de ce chemin. Nos souliers ont des ailes d’anges sous leurs semelles. Nous sommes des Jacquets en route vers l’ineffable de l’Amour.
Savoir que nous sommes en partance à chaque seconde que nous offre l’instant. La vie ne serait-elle pas un chemin de Compostelle permanent qui nous emmène du berceau jusqu’au cimetière où sommeillent tant de coquilles ?
C’est ici que la sente s’arrête et que tout commence…
Avec la complicité d’un inconnu, sur la plage de Vielle-Saint-Girons, Landes.
L’océan égrène la « minutieuse » horlogerie de son ressac au fil de ses marées qui vont et viennent inlassablement, comme des rendez-vous quotidiens de l’impromptu. Les mouettes et les goélands ressemblent à des aiguilles de montres qui nous donnent l’heure devant le monocle du soleil. Clin d’œil complice. Attendre et se remplir l’âme de cette sérénité qui vient de l’instant. L’odeur de l’iode telles des fragrances de fumée de cierges ou de chandelles. Église ou cathédrale ? La mer est une messe dont l’autel est immense. Où se trouve la lumière du tabernacle ? Les vagues jouent leurs sonates au fil de leurs partitions. Quelques croches de musique en forme de surfeurs ou de baigneurs s’amusent à pianoter des staccatos en andantes apaisantes. Symphonies, opéras ou chansonnettes ?
Le sable, papier froissé, accueille sa liturgie ou son cantique de plénitude sur le sol.
Des millions de pas perdus, d’inconnus, de badauds ou de nageurs ont laissé leurs éphémères traces. Stigmates en plantes de pieds ou en pattes de chiens.
Métaphores de nos existences, ces empreintes s’effaceront à la prochaine marée…
Chaque jour, une page blanche s’offre à nous dans le grand sablier du monde. Eternel recommencement jusqu’au jour où…
Dans le silence des instants, dans ce jardin où tant de cigales et de fourmis se sont couchées, je regarde le ciel, plutôt que la terre qui représente des mottes de nuages renversés et je pense à tous ceux qui s’en sont allés à jamais…Pensées furtives et volages, mais prières comme des flèches que j’envoie dans la destinée des étoiles. Un Christ couché nous rappelle que le monde attend ce rendez-vous de rédemption telle la lumière d’un tabernacle. Éclairage et luminaire du cosmos. Les cimetières ne sont que des villes silencieuses et muettes. Les ifs représentent des silhouettes d’anges gardiens dressés à la lisière des allées, de ces lieux où psalmodient les voix des disparus. Partis ? Oui, mais à la fois si loin et si près. Nous nous trouvons dans cette sublime attente de retrouver nos souffles et de la jubilation de connaître enfin l’éternité. Nous qui ne sommes que des papillons de l’éphémère. Un soleil sur une croix nous rappelle que chaque instant un oiseau chante dans notre âme. La volière est désormais ouverte. Il suffit de regarder les branches des arbres, bras végétaux tendus, pour y retrouver peut-être tous ceux qu’on aime…Récolte des grandes retrouvailles.
Les oiseaux sont des messagers de l’invisible. Shamans à becs et en soutanes de plumes.
Dieu, oiseleur, nous a appris et permis de voler. Des ailes dans le dos à l’image de celles des anges…qui sont des colombes venues des jardins de l’Eden.
Missives aériennes à l’image des courriels que l’on découvre et lit dans la boite mail de notre âme.
C’est vraiment une pépite de découverte que ce livre indien publié par Shoba Narayan. Elle nous offre, sous forme de récit romanesque, une véritable encyclopédie sur la vache et ses mille bienfaits, distillés sous forme de lait mais aussi de bouse, ou d’urine (propriétés antibactériennes, antioxydantes, anticancer et antifongiques) qui sert de médicaments, en nous réconciliant avec toutes ses vertus, loin des clichés du ruminant sympa, décorant nos pâturages occidentaux (qui regardent passer les trains !) et voué à terminer à l’abattoir.
La laitière de Bangalore (Cette mégapole de douze millions d’habitants appelée Bengaluru est considérée comme la Silicon Valley indienne)se lit comme du petit lait et nous révèle une foule d’informations passionnantes sur ce bovin emblématique : le père de la psychologie positive, Martin Seligman, a listé six traits de caractère prisés par les cultures à travers le monde. Ces six traits sont la sagesse, le courage, la tempérance, la transcendance, la justice et l’humanité. En Inde, le folklore, les mythes et la poésie prêtent toutes ces qualités à la vache. Et si on pose la question à un Indien pourquoi les vaches sont-elles. Sacrées dans son pays ? Il vous répondra sans doute quelque chose comme : « Elles sont les hérauts du bonheur ». Plus loin, on apprend qu’au-delà du lait, transformé en yaourt, en babeurre, en beurre, en crème et en ghee, la bouse de vache est elle aussi utilisée pour nettoyer les cours des maisons dans les villages, et pour faire du méthane, le « goburgaz », Gobur signifie « bénédiction de la part d’une vache ». Shoba Narayan redonne des lettres de noblesse à cet animal souvent brocardé et moqué. Et, elle complète : La mémoire d’une vache vient seulement en deuxième position après celle d’un éléphant. Ce qui est tout simplement hallucinant, c’est le nombre de références à la vache nourricière et mythique que l’on retrouve dans la culture indienne, jusqu’aux noms des villes et des lieux.
Et l’histoire me direz-vous ? Shoba, qui rentre en Inde après plus de vingt ans passés aux Etats-Unis, se lie d’amitié avec Sarala, sa voisine laitière qui lui proposera d’acquérir une vache…C’est là, que nous découvrirons ce véritable foisonnement culturel, économique et mystique, lié à la vache. L’Inde nous dit-on abrite environ trois cents millions de bovins…une véritable population de meuh (et de mouches) !
Et puis, on reparle des prétendus méfaits du lait de vache, mais il n’en est rien de la vache indienne : Il y a quelque dix mille ans, une mutation génétique s’est produite parmi le bétail, entraînant la conversation de la protéine bêta-caséine présente dans leur lait : on est alors passé du lait « A2 » au lait « A1 ». Toutes les vaches indiennes produisent du lait de type A2. Soit celui d’avant la mutation…
Ce livre est une vivifiante et bienfaisante ode à cet animal qu’est la vache, et Shoba de nous rappeler son côté divin et spirituel ainsi : On peut, en attrapant la queue d’une vache, marcher jusqu’au paradis ».
Gageons qu’après avoir lu ce livre vous ne verrez plus la vache du même œil ! Et même qu’elle deviendra…sacrée pour vous !
Evguénia Iaroslavaskaï-Markon est un personnage hors norme et totalement captivant de l’histoire de la révolution russe. Cette impétueuse passionaria, condamnée à mort par les Bolchéviks, sera fusillée en juin 1931, non sans avoir rédigé une curieuse et furtive autobiographie qu’elle laissera pour la postérité, avant d’être livrée à ses bourreaux. Olivier Rolin exprime bien cette fascination qu’elle exerce, sur cette photo de couverture mystérieuse : de profil, grave, avec même quelque chose d’inflexible qui frappe d’emblée, vêtue d’un manteau épais qui semble une capote de soldat…Marié au poète Alexandre Iaroslavski (qui finira -lui aussi – fusillé), elle fut victime d’un grave accident (tombée sous un train) et due être amputée des deux pieds : Évènement si insignifiant pour moi que j’ai failli oublier de le mentionner dans mon autobiographie : en effet, qu’est-ce que la perte de deux membres inférieurs en comparaison de cet amour si grand qu’était le nôtre, de ce bonheur si aveuglant ?!
Elle aura brûlé sa vie par les deux bouts, exerçant tous les métiers du monde, comme vendeuse de journaux à la sauvette dans les rues qui servirent de chambres à coucher au grand air, manquant de se faire violer une paire de fois, fréquentant le monde interlope des prostituées, de la pègre et des malfrats, s’adonnant au vol tous azimuts sans vergogne : Je me suis inventé une spécialité : je passais dans les cabinets de dentistes et fouillais les poches des manteaux laissés dans les vestibules pour voler l’argent….ou : Oh, Seigneur ! Quelle joie procure chaque valise dérobée ! C’est comme, dans l’enfance, une boule de chocolat « surprise »…
Bref, cette femme c’était de la dynamite qui a explosé en pleine jeunesse. Destinée improbable et tumultueuse, cette autobiographie est une fresque laissée sur le mur de la postérité et de l’histoire !
Dans une alcôve au creux de la pierre de ce lieu saint, une statue semble recueillir la lumière des bougies afin de chuchoter une prière, ode au créateur, supplique à l’éternité semblant s’écouler langoureusement dans cette basilique si inspirée, si inspirante, de Vézelay. Compostelle de foi en quête de cette pérégrination qui sublime la marche dans le cheminement de l’absolu.
Suprême sérénité de la prière qui ressemble à un tête-à-tête ultime avec le fécondité d’un vagabondage intérieur.
Dieu nous écoute dans la respiration de la seconde. Agenouillé, les mains rassemblées comme pour happer quelques gouttes de cette source qui s’écoule de l’invisible, Je scande la jubilation d’exister.
Eau bénite, eau-delà, eau qui purifie ce silence si habité que mon âme chante en silence d’avoir déjà oublié le coffrage de son corps.
La couverture est tout simplement superbe et nous incite à nous plonger dans cette quête du fils à la recherche du père, référence emblématique dans cette Libye tourmentée par l’histoire et la dictature de Kadhafi, monarque sanguinaire qui officiait dans le bastion-prison d’Abou Salim où en 1996 un massacre de 1270 prisonniers fut perpétré par les sbires du potentat. Le père de l’écrivain, Jaballa Matar, opposant aisé du régime et membre de l’intelligentsia, fut arrêté dans l’Egypte voisine et complice, et envoyé dans les géôles du colonel…pour y disparaître à jamais. Trucidé ? Disparu à la mémoire égarée ? Personne ne sait trop bien ce qui s’est passé. Mais cette disparition laisse un vide énorme dans la vie d’Hisham Matar qui raconte cette lourde absence : Mais, contrairement à Télémaque, je continue vingt-cinq ans après de regretter d’être le fils « d’un homme silencieux dont la mort demeure inconnue ». J’envie le point final des funérailles… Défilent devant nous, au fil de la narration, des personnages imposants comme l’oncle Mahmoud ou le grand-père Hamed. L’histoire s’écrit en filigrane sous nos yeux : Père est né dans une Libye dirigée par Benito Mussolini. Il avait quatre ans en 1943, lorsque les armées italo-allemandes furent vaincues en Afrique du Nord par les Britanniques et les Français qui prirent alors le contrôle de la Libye. Le 24 décembre 1951, lorsque, sous l’égide du roi Idriss, la Libye gagna son indépendance, Père avait douze ans. En 1969, au moment du coup d’Etat de Kadhafi, Père avait trente ans…Les destinées sont racontées à la craie de l’histoire sur un tableau noir… qui s’écrit sous leurs yeux…
L’écrivain va mener une véritable enquête policière, sollicitant de nombreux témoins et personnalités dont un des fils de Kadhafi…Passionnant récit où l’horreur et l’humanité se côtoient, avec ce dialogue entre El Magroos et son tortionnaire qui veut lui faire cracher une injure à l’encontre du « dissident » Jaballa. Et le prisonnier de répondre avec grandeur : Écoute, je préfère dire les mots qui me feront couper la tête que ceux qui feront rougir mon front ».
C’est une improbable et surprenante pépite de littérature chinoise découverte récemment : Xiaolu Guo, née dans un village de pêcheurs du sud de la Chine en 1973, est une merveille de fraicheur qui surprend et dresse une passerelle entre son pays et l’Angleterre, vaste comme un empire (en caractère chinois, les pictogrammes signifient un pays au centre du monde d’où l’Empire du Milieu…).
Une jeune chinoise (surnommée z), la narratrice, arrive à Londres pour y apprendre l’anglais, armée de son dictionnaire passe-muraille, de sa candeur, sa naïveté et ses charmes…Elle rencontre l’homme qui deviendra son amant et (en quelque sorte) son mentor dans son parcours initiatique : une vingtaine d’années en plus, des mœurs multiples assez « libres », sculpteur à ses heures perdues et livreur en camionnette dans le quartier londonien de Hackney. L’écriture est drôle et pleine d’approximations syntaxiques qui rend le texte attachant par les découvertes qu’elle effectue et nous fait partager. Elle ne cesse d’arpenter ce dictionnaire qui est comme un plan d’une ville qui la guide, au fil de cette année qu’elle va passer en Angleterre puis durant ses quelques jours de voyage en Europe. On y apprend des tas de choses sur la culture chinoise, comme : En Chine, on dit que tu vis comme tu coupes la viande…Cocasse aussi cette scène du livre où, candidement, elle se met à actionner un vibromasseur (dont elle ignore l’usage) fabriqué en Chine ! Plus élevée, cette pensée chinoise qui dit que les femmes portent la moitié du ciel. C’est un peu vrai, non ? Plus loin, faisant référence à la culture occidentale : Mais je ne devrais pas crier dans ta propriété privée. Les gens appellent le policier pour n’importe quelle raison dans ce pays.
Au fil de ses voyages, elle confiera : Je vais ramasser les briques pour construire ma vie. Et puis toujours dans ces dialogues pleins de bon sens, elle lancera à son amant occidental : Nous Chinois nous avons inventé le papier pour que votre Shakespeare peut écrire dans deux mille ans plus tard. Nous chinois avons inventé la poudre pour que vous Anglais et Américains pouvez bombarder l’Irak. Et nous Chinois avons inventé la boussole pour que vous Anglais pouvez naviguer et coloniser l’Asie et l’Afrique…
Cette grande passion amoureuse ou plutôt idylle se terminera par le vagabondage naturel de la séparation : Je t’ai rencontré, un homme qui était né l’année du rat. Un rat n’a jamais un foyer stable, comme moi, née l’année de la chèvre. Deux animaux instables, deux êtres sans foyer. Ça ne marchera pas, c’est notre destin. Sublime comme une métaphore entre l’Asie et de l’Occident…
Laurent BAYART
Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants, roman, de Xiaolu Guo, Éditions Buchet Chatel, 2008.
Au bout de tes yeux dressés comme des jumelles, il y a peut-être les jardins suspendus de Babylone, des châteaux en Espagne et des cerfs-volants avec Aladin sur son tapis persan. Au bout de tes yeux, un monde truffé de petits lutins et de fées qui viennent tricoter un peu de tendresse dans les jours à venir. Au bout de cet horizon, un ciel plus dégagé, la grosse pastèque rouge du soleil pour te faire chanter la liturgie des printemps retrouvés avec des trains qui danseront sur des rails sans fin, vers l’infini.
Avec toi, nous regarderons le ciel et inventerons un monde où la tendresse sera telle la caresse d’une plume d’oiseau et le vélin d’une fourrure de chat. Réenchanter le quotidien de cet amour qui nous fait marcher sur l’eau et traverser les flammes, en nous rendant toujours plus forts.
Et tu nous apercevras, au bout de ta lucarne magique, anges gardiens qui te feront de petits clins d’œil complices.
Car, nous nous trouverons – à jamais – dans la pupille de ton regard.