Archives de catégorie : Blog-Notes

SUIVRE SA VOIE, C’EST FAIRE CHANTER SES SEMELLES SOUS LES PAVES.

photo de Némorin, alias Erik Vacquier.

          Je suis parti un jour qui ne portait pas de nom. En fuite vers d’improbables rendez-vous. Les jours glissaient sur leurs rails et mes routes étaient pavées de bonnes intentions. S’en aller en quête d’étoiles et de luminosité lactée. Rechercher un peu de printemps dans les confins de nos imaginaires et ce désir de rencontres qui enchante nos sentes. Les chemins représentaient des partitions sur lesquelles la musique de mes pas résonnait comme un solfège de voyage. Mes cartes étaient des partitions sur lesquels les pays traversés faisaient office de notes de musique. 

Parfois, le butoir d’une frontière se présentait devant moi. Un curieux chef d’orchestre en uniforme me demandant le sésame d’un passeport. 

Puis repartais en sifflant sur la flûte à bec d’un passereau.

                                                                         © Laurent BAYART

                                                                             16 janvier 2023

LIVRE / L’INTRANQUILLITE QUI DERANGE LA VIE ET POSE SES VAGUES SUR LA SURFACE D’UN LAC BIEN…TRANQUILLE.

          Cet ouvrage, surprenant et à contre-courant de la pensée actuelle m’a interpellé : Accueillir le dérangement, voire l’inquiétude, c’est lutter contre l’engourdissement qui nous ferait passer « à côté d’un trésor sans le voir » nous affirme son auteur Marion Muller-ColardVoilà de quoi méditer et se poser les (bonnes) questions !

Ce livre, joliment achalandé à l’esthétique remarquable, cache un brûlot, un incendie sur un bouquet de fleurs ! A analyser cet opuscule, on ne peut que se laisser surprendre par ce concept : On casse à la mesure même de notre rigidité, nous apprend la fable du chêne et du roseau. Plus loin, l’auteur(e) affirme : Aux tranquillisants, je préfère les intranquilles. Dérangés, dérangeants. Elle rappelle, plus avant, que les écrivains sont des « intranquilles » en puissance car les mots représentent des flammes qui les laminent chaque jour. Brûlure de se mouvoir (et s’émouvoir) au rythme de la syntaxe et de l’imaginaire. Ce n’est pas un long fleuve…tranquille ! Et à parler d’ouvrage, la Bible constitue bien ce grand tohu-bohu qui nous élève et nous transporte : Le livre de l’intranquillité, c’est l’Évangile, prenant à son compte la chanson d’Anne Sylvestre : J’aime les gens qui doutent. Je rajouterai cet extrait (et pardonnez-moi de me citer) d’un de mes textes : Quand j’écris, je doute mais je marche. Sans lui, je ne serai pas ce que je suis. A telle enseigne que même sur ma carte d’identité, ma photo exprime un doute sans aucun doute, mais moi je ne suis jamais seul. 

Le doute, c’est l’essence même de l’existence. Être un perpétuel nomade qui ne fait -finalement- qu’avancer et rencontrer les autres. C’est vivre dans l’intranquillité permanente ! 

                                                                            Laurent BAYART

  • L’intranquillité de Marion Muller-Colard, Editions Bayard, 2021.

LAISSEZ UN MESSAGE ET JE VOUS REPONDRAI…

photo Némorin, alias Erik Vacquier.

          Hier, j’ai passé trois coups de fil et suis tombé…trois fois sur le répondeur de mes interlocuteurs. Cela me fit une bien curieuse impression, moi qui avais envie de causer avec ces personnes qui me sont chères (chair !). Je me suis heurté à un mur virtuel. Des voix amies et connues qui m’ont signifié leur absence momentanée. Alors, j’ai « écrit » avec ma voix un petit message sonore, afin de signifier mon éphémère présence sur le fil téléphonique (Même, s’il n’existe plus à l’ère des satellites ! mais bon…) et mes velléités de communication.

Le monde se délite lentement peut-être ? Qui sait ? Les portables devenus insupportables parce-ce que omniprésents dans nos existences. Un appendice électronique comme une boite « à tout faire ».

Le soir, une seule personne me répondit. Mais, las, je n’étais pas assez rapide pour décrocher. Oups.

Mon interlocuteur me laissa un message sur ma boite vocale.

J’étais sans voix.

 Mon répondeur ricanait…

                                                               © Laurent BAYART

                                               9 janvier 2023

UN JOUR DE JANVIER DANS MON JARDIN POTAGER…

          Ivresse du labeur hivernal dans mon jardin potager. Travailler le 3 janvier, et besogner la terre qui chante étrangement au diapason de mes muscles, constitue une surprise de taille (haie) ! Étrange printemps qui vient jeter ses graines de douceur, avec un soleil qui rayonne comme un pinson sur une branche. Ou bien s’agit-il d’une hirondelle qui invente son propre printemps, faisant (déjà) fi d’un calendrier trompeur ? Je bêche et fais chanter ma terre qui m’offre un rendez-vous impromptu. Ce jour de janvier, je vois même, les yeux écarquillés, un papillon, les ailes en quadrichromie, esquisser des arabesques dans le ciel. Du jamais vu ! Des perce-neiges montrent leurs museaux de fleurs blanches. Je suis abasourdi. Knout out debout.

Aujourd’hui, le monde a la tête à l’envers. Ma fourche-bêche est un stradivarius qui joue sur les partition des mottes de terre.

J’aime le printemps lorsqu’il arrive à l’improviste dans mon jardin.

Mes salades dressent leurs oreilles, elles aussi, vaguement goguenardes.

Ma bêche représente un thermomètre qui affiche la température de la glèbe. Le malade va-t-il s’en sortir ? semble me demander un merle qui a endossé la blouse blanche de l’infirmière. A moins que cela soit une fauvette ? 

Le printemps a mis le tapis du jardin en accordéon…

                                                               © Laurent BAYART

                                             4 janvier 2023

PETIT, QUE VOIS-TU DONC VENIR AU BOUT DE TES YEUX TENDUS VERS L’HORIZON.

Avec la complicité d’Alphonse…

          Que disent les pythies et les prophètes des lendemains ? L’année change les chiffres du grand boulier, mais le monde reste balayé par les tempêtes et les rapaces qui zèbrent le ciel de leurs lourdes menaces. Le monde sera-t-il plus beau, plus serein, plus apaisé à l’aune de la nouvelle année ? Ne le laissons pas aux urubus ! Nous voudrions tant l’apaisement de l’amour et la félicité de cette sagesse et autre plénitude dont l’être humain manque cruellement.  Une humanité comme un ruisselet qui coulerait dans la béatitude des jours (enfin) heureux. Retrouver le goût de l’essentiel pour aller vers cet Eden de paix et de béatitude. Petit, que vois-tu donc se profiler sous les pages/éphémérides du calendrier qui s’ouvrent en accordéon de papier sous tes yeux ? Nous avons tant besoin d’une planète où les armes ne seraient plus que des allumettes grillées, leur tête de soufre-douleur cramée…

Enfant des destinées de demain, que vois-tu donc venir à l’horizon ?

Il faudra que le monde soit plus beau car nous avons encore tant de belles choses à bâtir ensemble ! Il suffirait de l’imaginer un peu meilleur pour que la courbe d’un sourire se glisse sur les visages tourmentés. 

Ça s’appelle tout simplement l’espoir, et les enfants en sont les plus fidèles messagers. 

Eux seuls sont capables de mettre des soleils au bout de leurs pupilles.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                   28 décembre 2022

LES MOTS S’ENVOLENT A LA BIBLIOTHEQUE.

          Je me rappelle les avoir un instant sorti de mes livres, tels des perruches, des moineaux, des colibris ou des mésanges. Prendre le grand air dans les jardins ou sur les cimaises de la bibliothèque, au son de l’accordéon. C’était hier, c’est déjà demain. Le temps passe et file mais l’enchantement demeure. Les mots apprivoisés ont pris leur envol, en poudre d’escampette, comme des papillons de papier. Rythme impromptu et musique en tourbillon qui me fait vibrer dans le partage des connivences. Je me trouve dans l’incandescence de l’écriture, au diapason de la création. Les verbes se glissent dans mes paroles pour aller vers l’autre, vers l’enchantement de la rencontre et de sa genèse. J’aime tant m’acoquiner avec les mots.

Je me rappelle qu’ils se sont extirpés un instant de mes livres, mais lorsque la soirée s’est terminée, comme de fidèles rapaces, ils sont revenus habiter et réenchanter les feuillets des quelques volumes que j’avais pris dans les mains.

Puis, le dernier morceau de musique échappé de l’accordéon, les mots ont remis -eux-mêmes – leur point final. Et, les ouvrages sont redevenus des volières qui se sont rangées dans les rayonnages de la bibliothèque.

Le silence est tombé doucement, telle la plume d’un oiseau qui se pose par terre ou plutôt sur la clef de sol…

Je me rappelle les avoir un instant sortis de mes livres…

                                                               © Laurent BAYART

                                          26 décembre 2022

LES MOULINS A VENT M’EMPORTENT DANS LE CIEL…

Photo Némorin, alias Erik Vacquier.

          Moi, j’aime ferrailler et jouter avec les ailes des moulins à vent. D’impressionnants géants s’élèvent et moulinent avec leurs estocs dans mon ciel, celui de Castille ou tout simplement d’Alsace ? Je suis dans l’ivresse de ces vieilles utopies qui nous font marcher sur l’eau et frétiller dans les nuées. Les nuages tournent autour de moi, comme des anges protecteurs. Je suis le chevalier Bayart de la Manche en quête des impossibles ordalies de l’existence pour un monde meilleur…Mais les ailes des moulins brassent des incendies et les flammes jouent de l’arpège dans l’actualité quotidienne qui chante l’apocalypse. Je voudrais être un Père Noël, Don Quichotte et retrouver le monde de la chevalerie et de l’essentiel. Les troubadours et autres ménestrels, tels des rois mages de l’Amour courtois des temps jadis. Je suis en mal de justice et le monde se trouve -hélas – truffé de moulins, mastodontes nucléaires qui nous menacent constamment de leurs yeux noirs, en nous faisant louper les rendez-vous du bonheur. Nous étions faits pour vivre libres, nous étions faits pour vivre heureux…scandait Aragon.

Un jour, peut-être un moulin tombera sous ma rapière ?

Qui sait, les poètes sont peut-être les derniers chevaliers, échappés d’un monde aujourd’hui disparu ?

Et déposer une crèche, telle une promesse d’espérance, sous le sapin d’un moulin.

                                                              © Laurent BAYART

                                                                 16 décembre 2022

LIVRE/ LE CHEMIN DES ESTIVES OU UNE ODE A L’OFFRANDE ET A LA QUETE DE L’ESSENTIEL MAIS AUSSI AU MASSIF CENTRAL.

          Charles Wright, écrivain et journaliste, a pris la poudre d’escampette mais lentement, pour s’en aller vagabonder dans l’instant au fil des paysages et des rencontres du Massif central qu’il traverse, avec Parsac, son ami compagnon et aspirant jésuite comme lui. Sans un sou et à pied, ils s’en vont à la quête de l’essentiel, des rencontres et de la bienveillance des gens car ils vivront des offrandes que l’on veut bien leur octroyer…Sept cents kilomètres à travers les Puys et les montagnes sous l’œil goguenard et emblématique des vaches qui semblent faire figure de dieux tutélaires des lieux. Sous la houlette et la lecture de Rimbaud (Les Illuminations) et de Charles de Foucauld (L’Imitation de Jésus Christ), ils se font pérégrins et pèlerins de l’absolu en quête, chaque jour, des victuailles offertes et d’un toit pour passer la nuit…

Aventure humaine mais aussi physique aussi, en traversant la Dordogne, la Haute-Vienne, la Creuse, le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Lozère et l’Ardèche. Une mappemonde à taille humaine ou plutôt hexagonale…Les paysages, comme les hommes confinés, portent un masque, il faut les fréquenter longuement avant qu’ils dévoilent leurs secrets. Je vais mettre trente jours pour un voyage qui peut se faire en six heures en voiture…Se mettre dans la peau de ces clochards qui tendent la main : Il faut avoir sacrément faim pour braver l’humiliation de demander sa pitance à des inconnus ! Sans carte bancaire, ni portefeuille, le sésame des portes ne s’ouvrent plus forcément et pire, se claquent parfois sous leurs nez ! Les marcheurs deviennent philosophes à force de côtoyer les étoiles (en dormant dehors !) : Dans un voyage, les rencontres sont intenses sans doute parce qu’elles sont sans lendemain. Et plus loin : Le but de ce voyage est de s’habituer à l’aléatoire. École buissonnière de la nudité et de l’humilité, de ce dénuement qui révèle et réveille l’esprit…Et Charles Wright de rajouter, avec pertinence : Mais le voyage est un exutoire illusoire, on ne se débarrasse jamais de ses problèmes, on ne fait que leur faire voir du pays. 

Ce périple, au fil de sublimes paysages et de fécondes rencontres, aura changé les deux hommes, l’un se fixera dans l’ordre des Jésuites, l’autre dans la terre ardéchoise, en sachant que notre vocation, c’est de passer.

Une marche dans un Massif central et ses puys dans lesquels on remonte l’eau d’un certain renouveau. Le randonneur devenant sédentaire pour faire(enfin) marcher et vibrer son âme en regardant filer et courir les étoiles…

                                                                   © Laurent BAYART 

  • Le chemin des estives de Charles Wright, Éditions Flammarion, 2021.

RETROUVER NOS AMES D’OISEAUX…

          Moi, j’aime ces amis ailés venant poser leurs cédilles et leurs virgules ailées tout près de nous. Frêles silhouettes qui nous accompagnent comme des guetteurs, des messagers lumineux. Partage de connivences qui nous viennent du monde improbable des nuées. Orpailleurs des nuages et porte-cierges des horizons bleus et de Saint François d’Assise. Ils font figure d’anges gardiens dotés d’une parure d’ailes et de plumes, mais aussi de becs telles des flûtes qui nous enchantent de leurs aubades et autres trilles en cantates.

Dans mon jardin, j’aime les côtoyer et les caresser de mon regard. Ainsi, ses amis volatiles et volages m’apprivoisent chaque jour un peu plus. Le monde à l’envers.

Un jour, ils m’ouvriront la cage de la grande volière et je pourrais ainsi m’envoler…M’échapper vers la lumière.

Car, intime conviction de l’absolu, les oiseaux nous aideront à traverser le ciel pour la grande migration. En passe-murailles de l’éternité.

Arriver jusqu’à la Terre Promise où le ciel et la terre ne font plus qu’Un.

Et voler pour toujours dans un maelström d’amour.

                                                 © Laurent BAYART

                                                3 décembre 2022

LE SAPIN S’HABILLE POUR LES JOURS DE FETES…

photo de Marie Bayart.

                                                      Avec la complicité de Jules et de Camille,

          Il était nu comme un ver, ou plutôt tel un épicéa des sylves vosgiennes. Un coup de scie lui a rogné les pieds, tandis qu’un bûcheron l’a « rapatrié » dans la grande ville avec ses divins effluves et sa résine qui suinte comme du sirop d’érable…Et le voilà qui trône, à poils ou plutôt tout en épines, dans le salon prêt à l’accueillir et à l’habiller en costume de galas.

Les enfants, en couturiers de Noël, stylistes et modélistes, se mettent à le vêtir de pieds en cap. Le simple sapin de la forêt se transforme en gentleman, chamarré d’une interminable guirlande argentée comme le boa de Zizi Jeanmaire ! On l’affuble de drôles de médailles tel un pacifiste combattant, sapé de boules et de peccadilles scintillantes qui brillent à l’image d’une boule à facettes. Sur le chef, on lui glisse une pointe mais pas de casque à…l’image de la soldatesque teutonne ! 

Et puis, le voilà consacré pour la Sainte Nuit, car des bergers viennent installer leur campement, en y déployant l’emblématique crèche…Un âne et un bœuf enchantent cette étable improvisée où un Nouveau-Né illumine ce lieu de paille et d’écorce. Santons et saints suivent l’Etoile d’un berger qui se glisse sous le résineux.

Les enfants reculent pour admirer ce frère de lumière. Le sapin est devenu une cathédrale posée dans un salon. Dieu – assis sur le canapé ? – en prestidigitateur attend la venue de celui qui viendra changer la destinée du monde…

Quelques oiseaux échappées d’une volière, à l’instar d’anges et de chérubins, se mettent à pianoter sur leurs becs, Sainte Nuit, Douce Nuit…

La neige, comme de la farine, se met à tomber et saupoudrer de blanc le parquet du sol, par le grand tamis des nuages. Un boulanger inspiré prépare une hostie de pain à partager pour demain matin. 

Levain de grâce et d’amour. Le monde appartiendra à celui qui l’aimera.

                                                                            © Laurent BAYART

                                                                              1er décembre 2022