Archives de catégorie : Blog-Notes

UN PETIT GARCON PERDU DANS LA NUIT OU BRIANCON 1965…

                                            A Elisabeth Klaenschi et ce petit garçon qui vit toujours et encore en moi…

                  Le petit garçon est encore là, bien présent au tréfonds de mon âme, dans les replis cachés de ma conscience, dans l’infini des limbes du cosmos intérieur qu’est devenu mon esprit. Accroché comme un naufragé au cou de cette tante Lumière qui était venu me voir (le voir) un jour de 1965, dans le sanatorium de Rhône-Azur situé à Briançon. Le temps passe et file mais il demeure en moi dans mon ADN, fixé tel un mollusque à son galet, à mes chromosomes, le petiot ! Et pourtant, le temps a fait son œuvre, grisonnant les tempes du marmot, mettant de la rouille à ses articulations…Mais le temps ne passe plus lorsque cette étrange saudade ou mélancolie vous fige pour l’éternité.

Ma tante Klaenshi partie dans une échappée de luminosité et autres nébuleuses d’étoiles, la voilà devenue ma bonne fée, mon ange-gardien, à laquelle je m’agrippe encore et toujours…La vie est décidément bien têtue !

Mon Dieu, les années se sont étirées à l’image d’un immense élastique mais je reviens toujours et encore vers ce môme, abandonné dans ce sanatorium où ses poumons se refaisaient lentement une santé dans le smog blanchâtre de sa tuberculose pulmonaire. Et parfois, il remonte en moi, ce petit Laurent, venant me faire un coucou tenace !

Il s’agrippe désormais au cou de ce senior qui ne sait plus trop comment faire pour le rassurer ? Alors, je lui confie ces quelques mots :

-Allez, prends-moi la main, petit ! Nous allons faire le reste du chemin ensemble !

Et c’est comme cela que je me suis accroché à lui (à toi), comme on se tient précieusement à quelques rondins ou planches d’un radeau de naufragé qui vous emmène là où vous ne pensiez jamais échouer…

Quelque part dans l’ineffable clarté de l’âme.

                                            © Laurent BAYART                                                               29 décembre 2024

LIVRE / LA TRANSYLVANIE DE MATHIAS MENEGOZ OU UNE GRANDE FRESQUE AU PAYS DE DRACULA.

          Cet ouvrage « Karpathia », premier roman de Mathias Menegoz, a obtenu le Prix Interallié en 2014, et se passe en Transylvanie en 1833. Il constitue une impressionnante fresque narrative de plus de six-cents pages qui se déroule dans une Roumanie (la Korvanya, contrée isolée au fin fond d’une vallée sauvage) qui n’existe pas encore, aux confins de l’empire d’Autriche où vivent de nombreux peuples ; seigneurs magyars, serfs valaques, Tziganes et bourgeois saxons. L’ouvrage raconte, à la manière d’une odyssée picaresque, les aventures tumultueuses du comte Korvanyi, qui va bouleverser les hiérarchies et les codes, accompagné par Cara, sa jeune épouse autrichienne. Cet ancien soldat de l’Empire est revenu pour prendre possession de ses terres, non sans se heurter à une population hostile et à de nombreuses vicissitudes. Belle description, à l’entame du livre, d’un duel où le sens de l’honneur fait parler la poudre et où le personnage prend déjà sa stature de héros.

Dans ces contrées reculées de la sylve carpatique, des disparitions d’enfants jetteront le trouble et l’effroi : Très vite, l’idée de la culpabilité des Tziganes l’emporta sur la théorie de la fugue et sur celle de l’attaque d’un loup. Bien sûr, le décor et le château en couverture nous font penser au personnage de Dracula : Le vampire avait un rôle ambigu dans l’imaginaire des Valaques : le personnage historique à l’origine du mythe de Dracula était le prince Vlad Tepesh (Vlad l’empaleur) qui régna sur la Valachie au XVème siècle. Il avait notamment fait faire demi-tour à une armée ottomane en faisant empaler vingt mille prisonniers turcs…/…Ce prince sanguinaire était un grand héros des peuples de langue roumaine. 

Dans cette histoire menée à un train de rapières, sont évoqués les Szeklers, paysans-soldats parlant le hongrois, cultivant et gardant les confins orientaux de la Transylvanie. Ces derniers étaient traditionnellement mobilisables en cas de guerre et de menaces d’invasion.

En résumé, je reprendrais l’analyse d’un lecteur : Mathias Menegoz m’a vraiment impressionnée pour ce premier roman. Non seulement parce qu’il ressuscite un monde qui n’existe plus avec une langue qui ne cède pas une once de terrain aux modes littéraires. Mais aussi parce qu’à travers son écriture scrupuleuse, attentive aux infimes aspérités de la matière comme aux destins individuels, on décèle très vite une certaine qualité du regard. Il y a une forme d’acuité psychologique chez l’auteur qui donne beaucoup de finesse à la narration

J’ajouterais aussi la présence de quelques maladresses, longueurs et de nombreuses répétitions, mais ce livre nous entraîne néanmoins dans un souffle narratif épique, voire époustouflant qui nous font oublier ses erreurs de jeunesse. 

Cette véritable épopée raconte d’une manière romanesque et originale la vie de personnages historiques, ainsi que des lieux et un territoire qui ne porte pas encore le nom de la Roumanie, mais qui chante déjà l’âme d’un pays qui va naître.

                                                                         ©Laurent BAYART

  • Karpathia de Mathias Menegoz, P.O.L. Editeur 2014.

LA MAGIE D’ESPERER…

photo noire et blanc et couverture d’Alain Tigoulet,

       Croire encore en l’enchantement des jours comme une poudrerie d’or qui viendrait jeter ses essaims d’étoiles dans le ciel et se déposer, tel un duvet de neige, sur nos espérances. Le monde a tant besoin de retrouver la magie de l’amour afin d’émerveiller les instants qui s’échappent à la fuite du temps ! Et si, cette Divine Attente nous permettait de découvrir que, finalement, sous le grand manteau rouge du Magicien, se cache celui que les hommes attendent depuis la nuit des temps ?

Les rois mages l’ont affublé d’un costume de prestidigitateur mais dans la paille de la crèche brûle la flamme d’un tabernacle.

Les étoiles ne s’y trompent pas : Elles le suivent en ce chemin de croix situé dans le cosmos…

…et tracent une sente de lumières pour arriver jusqu’à Lui.

Là, la baguette du Magicien transforme les ténèbres en une cathédrale où chacun retrouve son âme d’enfant.

L’Esprit de Noël métamorphose un simple sapin en une rivière de luminosité et autres guirlandes de novae où tout en haut sur son faîte, en guise de pointe, brille un grand soleil…

                                                 © Laurent BAYART

                                                   26 décembre 2024

ESCALE DANS L’ESCALIER.

                                    Sur une photo de René Roesch,

       Monter, encore et toujours, jusqu’à se démonter les pieds, escalader vaille que vaille les marches qui vous emmènent vers l’impossible quête des nuées. Ahaner et s’essouffler à faire cracher ses poumons dans ce Graal des hauteurs qui vous fait côtoyer le ciel. Improbable athlète des arêtes et des à-pics. Les escaliers constituent un chemin de croix tout en verticalité, la dernière station vous faisant arriver sur le sofa d’un nuage. 

Vous voilà devenu alpiniste d’un escalier qui dresse ses pentes à l’instar d’une montagne…Ici, pas besoin de cordes ni de piolets, il suffit de faire chanter les muscles de ses jambes et de faire vibrer ses cuisses affûtées comme pour un trail. Ici, il n’est pas question d’épopées alpines ou pyrénéennes mais d’imposants buildings…

La scala est une partition où les marches constituent les notes de cette improbable ascension.

Puis, planter son petit drapeau imaginaire, prendre une photo/souvenir et entamer la descente en appuyant sur le bouton de l’ascenseur.

Là, les étages défilent et s’affichent sur l’écran jusqu’à vous faire parvenir au kilomètre zéro de l’entresol où l’aventure se sépare de sa majuscule.

                                                  © Laurent BAYART

                                                   23 décembre 2024

DANS LA PALPITATION DE L’INSTANT ET L’IVRESSE DE VIVRE.

                                                                               A Véronique,

                  Nous avons vécu l’instant avec passion et ivresse. Le sable s’est écoulé dans l’horlogerie du temps égrenant sa minuterie, nous rappelant que nous ne faisons que passer…et qu’un jour il faudra bien s’arrêter, comme le lapin blanc d’Alice aux Pays des merveilles.

Chercher l’océan et la volupté des mouettes qui jouent de l’arpège dans le ciel et font des broderies avec les nuages en tricotant des arabesques sur l’horizon. Continuer coûte que coûte, côte à côte, ce chemin de Compostelle ou cette quête du Mont-Saint Michel qui se trouve juste derrière nous ; la Sainte-Odile vosgienne des marées ! 

Des années de sentes et de chemins, parfois escarpés, semés d’embûches mais aussi de découvertes et de bonheur pour arriver jusqu’ici.

L’amour est un voyage où l’on composte son billet avec quelques baisers volés à la fuite du temps.

Le contrôleur/prêtre qui nous avait mariés avait bien précisé : le cachet de la poste fait évidemment foi ! 

                                                                    © Laurent BAYART

                                                                        20 décembre 2024

ELLES DANSENT LES LUMIERES QUI SE PRENNENT POUR DES ETOILES.

                                                     Sur une photo de Nemorin, alias Erik Vacquier.

         Intense luminosité d’un ciel de nuit, en mode urbain. La ville s’éclaire et s’habille en éclairage de Noël afin de faire lever la tête des passants. Saint torticolis de la Nativité qui vous incite à regarder au-dessus de vous. De multitudes de petites ampoules se prennent pour des feux follets, en myriades de lucioles, sinon des étoiles pour mettre le ciel en feu comme s’il s’agissait d’une kermesse. Une kyrielle de fils électriques sont ainsi tendus au-dessus des rues, comme si d’hypothétiques fildeféristes allaient se mettre à déambuler sur ce fin chemin de lacet. Fiat lux 

Seraient-ce des pères Noël acrobates abandonnant leurs rennes et leurs traineaux pour aller marcher dans les nuées ?

Une hotte comme une nouvelle constellation apparaît au-dessus d’un toit de building.

La fée électricité tend sa baguette magique avec au bout l’étoile du berger…

                                                             © Laurent BAYART                                          

17 décembre 2024

QUE SERAIS-JE SANS LES MOTS ? (1975-2024).

          Les mots glissent en moi, comme les patins fartés d’un traineau, depuis tant et tant d’années. Aubade en échappée de création qui illumine chacun de mes jours. Complices et compagnons, ils constituent les perles d’un collier qui ne cessent de grandir chaque jour…à l’image d’une parure hawaïenne en fleurs multicolores. Magie et mystère de la création qui m’accompagne depuis si longtemps. Depuis ma jeunesse et ma genèse. Je ne peux me passer de ce compagnonnage si fécond et fertile qui a toujours poussé ma vie vers l’avant. Cette bulle de respiration a fait chavirer mon âme dans la félicité et la sérénité de chaque instant.

Ecrire, c’est poser et reposer son âme sur le fil d’une page. Blanche et immaculée comme de la neige sur laquelle glisse le traineau de mon imaginaire.

Pour moi, Noël, c’est à chaque instant de mon existence.

Le Magicien en manteau rouge m’a offert une hotte remplie de mots et de livres.

L’ouvrage de toute une vie.

                                                                       © Laurent BAYART

                                                                         11 décembre 2024

LIVRE / « DISPARAITRE » DE LIONEL DUROY OU LES PEREGRINATIONS D’UN CYCLISTE QUI DECIDE DE PARTIR POUR MOURIR UN PEU…

          La présentation de ce livre provoque indéniablement la curiosité du futur lecteur : A l’âge où il est d’usage d’envisager un repos bien mérité, Lionel Duroy a choisi d’enfourcher son vélo et de s’en aller vers ces endroits qui l’ont toujours fasciné : la Roumanie, la Moldavie, la Transnistrie…

L’auteur décide donc de partir, de rouler sans autre projet que de jouir du plaisir d’exister…et de disparaître.  -Pardon ? – Mourir, si vous préférez. Le projet de repartir à soixante-dix ans avait surgi six mois plus tôt, une nuit…L’écrivain rejette l’idée de cette attente de la mort et de cette inexorable idée de décrépitude, d’Ehpad et autres…Il décide partir sur les routes, enfourchant son Alex singer (l’équivalent de « Rolls-Royce » pour les connaisseurs), et pense – dans une certaine mesure – ne plus revenir. Partir pour ne pas jouer le jeu de la décrépitude et de la déchéance devant ses proches. Disparaître et ne pas mourir ! Et le vélo constitue le meilleur antidote à cette idée d’inéluctable déchéance : L’homme qui pédale, comme l’homme qui écrit, n’a plus à se sentir coupable d’exister, il paye sa dette à chaque coup de pédale, à chaque ligne écrite, et moi je fais les deux, écrire et pédaler. La seconde partie du livre nous fixe dans ce voyage où il a bien failli laisser sa peau de bourlingueur sur un bas-côté…Et le pérégrin en chambre à air d’arriver dans le Delta du Danube, lieu magique et préservé, et notamment à Sulina où en 1856, cette ville ne comptait qu’une quarantaine de cabanes rassemblés sur la plage, faites de bois et de roseaux. L’auteur nous parle aussi de cette curieuse Transnistrie (coincée entre la Moldavie et l’Ukraine) pays qui n’existe pas, puisque aucune puissance ne le reconnaît. Elle est comme un trou noir à la surface du globe, et donc le lieu idéal, avais-je supposé, pour quitter discrètement la scène. 

Votre serviteur ayant déjà eu la chance de se rendre à Sulina et dans le Delta du Danube, je me suis régalé à l’évocation de ces lieux : Qui ne connaît pas se perdrait alors dans l’immense labyrinthe du delta, et bientôt à court d’essence, s’enfonçant à pied entre les roseaux…Cité lacustre érigée par Nicolae Ceausescu : Sulina était un exil, une punition…Des chevaux sauvages déambulent avec quelques vaches et des armadas de pélicans et d’échassiers…Un lieu magique et préservé, idéal pour mourir ou disparaître…Mais l’auteur reviendra de son périple, Disparaître et mourir, ce sera pour le prochain voyage !

                                                                            © Laurent BAYART

*Disparaître de Lionel Duroy, Mialet-Barrault Éditeurs, 2022. 

MA CANNE COMME UN TRAIT D’UNION VERTICAL…

                           Sur une photo prise dans le jardin d’Elisabeth et Didier, à Betschdorf.

                  Il me suit désormais à la trace, ce trait d’union en bois de hêtre comme un i dressé à la verticale, mon trépied compagnon des aubades pédestres. Canne qui m’accompagne dans mes « envolées » et autres pérégrinations laborieuses à ras de la sente, et au gré de mes déplacements terrestres. Parce qu’il faut bien continuer à avancer et à marcher, coûte que coûte…La vie de brinquebalant et de clopin clopant reste une aubade à cette déambulation -désormais – laborieuse, arrachée à cette pathétique mais bénéfique marche en avant !

La voilà devenue, cette canne en bois, l’appendice -souvent indispensable -de ce corps qui tangue et esquisse une étrange bossa nova dans l’ivresse de se mouvoir, tant bien que mal…

Parfois, celle-ci s’échappe à ma vigilance et vient se poser lourdement sur le sol, comme si elle en avait marre d’avancer, encore et toujours.

Alors, je lui tends la main et la hisse doucement vers moi. Naufragée repêchée en radeau de la Méduse.

Et nous repartons ensemble, en compagnons d’infortune. 

Mon bâton me montre, tel un sextant de marin, la marche à suivre afin de continuer – tant bien que mal – le chemin…

                                                                            © Laurent BAYART

                                                                                 7 décembre 2024

PARTIR ET S’EN ALLER CHATOUILLER LES SENTES ET LES CHEMINS.

                                                     Sur une photo de Remi Picand avec la complicité de Brigitte,

                  Partir et s’en aller baguenauder sur les sentes et les chemins, à l’aventure des rencontres dans l’odyssée des instants qui n’ont plus de fin. Marcher sur le dos des étoiles et de la caillasse, sous l’œil bienveillant du soleil qui joue de la bossa nova sur la peau des pérégrins inspirés par l’air et le vent. 

Que la route est belle lorsqu’elle mène à l’aventure de vivre intensément l’instant présent ! Chaque rencontre constitue une pépite dans l’œil d’un coquillage. J’aime ces moments échappés à la fuite du temps et me délecte de cette seconde qui ne passe plus.

Voyager, c’est une échappée de lumière dans l’ivresse de la rencontre avec l’autre et soi-même. S’écouter par le filin de l’âme qui nous relie à l’essentiel. 

La route est un cantique qui fait chanter nos pieds dans cette offrande éphémère qu’est nos existences. Chaque pas nous relie à la terre. 

Marcher jusqu’à cette cathédrale qui brille au bout du chemin comme un phare dans la tempête et les embruns.

Et là, poser nos bâtons de pèlerins telles des béquilles de mendiants et de gueux.

Et prier, comme on déplierait une carte pour aller jusqu’à Toi.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                   4 décembre 2024