Archives de catégorie : Blog-Notes

BILLET D’HUMEUR / ACTE 50 / RETRAIT’ T’ES !

 

Avant le temps se prenait des envies de passer, d’aller vite…Quoi de plus normal, et puis, pfutt…il s’est mis à fuser et à filer !

En effet, après des années de « vie active » et même hyperactive, voilà qu’aujourd’hui, en ce 1er juillet 2017, je figure désormais sur la liste des « retraités ». Bizarre, ce terme de « retrait », comme si on se mettait soudainement dans la marge, dans la bande d’arrêt d’urgence, comme si…

Ahmed Ferhati, metteur en scène, à l’annonce de mon départ à « la retraite » m’avait écrit (avec bien d’autres complices que j’ai accompagnés depuis tant d’années dans mes fonctions au Conseil Départemental du Bas-Rhin, dans mon rôle de « passeur théâtral », mieux que « conseiller ») un petit mot bien sympa en ajoutant : «  en retraite, oui Laurent ! Mais pas en retrait… » J’ai trouvé ce courriel tout en justesse et finesse, car tant d’années à officier dans le domaine dramaturgique au sein du service culturel de la collectivité (26 ans) et 42 ans dans la littérature, l’édition et la poésie, à se mettre surtout au service des autres. Comment peut-on parler de « retrait » ?…Ce serait une forme de renoncement, d’abandon, bref, un vrai départ voire une fuite…Cela ne correspondrait finalement à rien. Un métier s’éclipse, certes mais pas la passion à l’instar d’un tatouage sur la peau qui a du mal à s’effacer.

La culture a toujours constitué mon viatique, ma planche de salut depuis tant d’années, que mettre ma valise sur la voiture et m’en aller serait presque une forme de débandade, de renoncement. Exil plus que voyage.

La retraite. Temps apaisé, de liberté, d’un espace qui désormais vous appartient entièrement et vous délivre d’une certaine manière de l’emprise des agendas, de l’apesanteur des calendriers, quoi que…

Instants de plénitude, de liberté où l’on devient un artisan du quotidien, à refaire un peu le monde à sa vitesse et ses envies, bref, à son aune. Temps des rencontres retrouvées, des rendez-vous à imaginer, de ce temps qui file et fuse certes, mais en étant guilleret et fécond. Libre, quoi !

Le 1er juillet est souvent une date qui fixe une litanie d’augmentations de tarifs, hausse des prix et caetera. Une belle augmentation de la « qualité de vie » la retraite, non ?

En ce qui me concerne, c’est surtout le premier jour d’un autre temps d’une (re)naissance…Et oui, « retrait t’es ! », presque nouveau né. Ca s’imprime sur une carte de visite, ça ?

Laurent BAYART

1er juillet 2017

EXPOSITION « FAIRE UN DETOUR, UNE QUESTION DE POINT DE VUE » DE MICHEL FRIZ, bibliothèque de Mundolsheim, « L’Arbre à Lire », du 6 au 27 juin 2017.

 

Photographe-cycliste, Michel Friz rédige de la poésie avec ses images. Humaniste en chambre à air et en chambre noire puisque notre ami est aussi photographe, il métamorphose l’instant en y mettant quelques pincées d’éternité. Sa bicyclette est une manière de porte-plume qu’il offre à la générosité de son regard. Ses pérégrinations à vélo sont toujours propices à la rencontre et à l’émerveillement. Il illumine les paysages de son regard d’observateur attentif du monde. Il fait ainsi partie intégrante de ce décor « grandeur/nature » qui lui sert de tableau pour y poser le pastel de ses couleurs en même temps que sa monture. Il pérégrine plus qu’il ne se déplace, voyage en passant subjugué par la beauté de ces rendez-vous qu’il provoque. Ne nous trompons pas, Michel Friz est un véritable poète qui nous remplit l’âme de ses haïkus photographiques. Il sublime l’instant en y posant l’or de sa tendresse. Paysage apaisé, serein, voilà toute la magie de ses photographies qui chantent le temps qui file au ralenti grâce à ses détours inspirés, là où d’autres se jettent, à corps perdu, sur les raccourcis pour aller plus vite…Mais pour y faire quoi ?

Ainsi, surprend t-il, à l’orée d’un champ, de joyeux mariés prenant la pose devant un autre photographe, officiel celui-là, un curieux pêcheur se délectant de la seconde qui s’écoule langoureusement et se moque finalement comme d’une guigne de son hameçon, il semble plutôt attendre l’âme sœur…Qu’en est-il également de ce bolide caisse à savon, cotillon jaune qu’il « flashe » goulument au détour d’une route ?

Prenez le temps de ce lumineux détour qu’il fait aujourd’hui à la bibliothèque de Mundolsheim, question de point de vue, il pose ses photographies entre les ouvrages, les bacs et les rayonnages, histoire d’y faire entrer ses paysages et autres personnages.

Michel Friz est une manière de lutin, il ré-enchante le monde avec ses images en semant des étoiles dans nos yeux. Ses photos racontent une histoire que chacun peut lire et se raconter à sa façon.

Le véritable talent étant de laisser à chacun le soin de poser son propre caillou sur le chemin.

Laurent BAYART

Samedi 10 juin 2017

(photo Michel Friz)

LIVRE / DON QUICHOTTE SUR LE YANGTSE DE BI FEIYU

 

 

Les éditions Philippe Picquier nous régalent régulièrement avec des auteurs asiatiques, notamment coréens et chinois dont le dernier en date est une œuvre de l’écrivain BI Feiyu, né en 1964, qui a déjà publié de nombreux ouvrages. Ce dernier opus se révèle être une véritable petite perle de littérature : Don Quichotte sur le Yangtsé raconte la délictueuse et turbulente enfance de cet auteur atypique. La quatrième de couverture résume bien son écriture : Chaque mot y est dense comme un caillou qui pense…

L’auteur nous conte ses souvenirs épiques, avec une mère institutrice et un père intellectuel et scientifique, qui se retrouvent banni à la campagne. Le récit est classé par thème et foisonne d’anecdotes. Ca ressemble parfois à une espèce de « guerre des boutons » avec l’épisode cocasse du « slip foulard rouge », maillot de bain protégeant des démons de la rivière, sauf que cet appendice était celui des jeunes pionniers du parti…ô sacrilège. On relèvera également les parties de bille avec des…sangsues et le lecteur notera qu’en 1984, aux Jeux Olympiques de Los Angeles, la Chine a remporté sa première médaille d’or de l’histoire grâce à l’athlète Xu Haifeng au tir au pistolet. Enfant, ce petit vendeur de l’Anhui était fou de lance-pierres et passait son temps à viser les oiseaux. Il était devenu un génie en tir en amoncelant des piles de cadavres de moineaux.

Ce Don Quichotte d’Extrême-Orient, maigre et crasseux, est aussi une manière de poète et de philosophe qui rappelle que la Chine, c’est l’endurance de ses paysans. La civilisation chinoise vient de là. Une belle manière de résumer cet immense empire. En guise de conclusion de cette œuvre magistrale, Bi Feiyu nous confie, plein d’élégance, La nature est dans le ciel, dans tes prunelles et dans ton âme. Je suis ce que je vois.

Laurent BAYART

 

* Don Quichotte sur le Yangtsé, traduit du chinois par Myriam Kryger, Editions Philippe Picquier, 2016.

 

LIVRE/ LES CHRONIQUES INSPIREES D’EMMANUEL CARRERE

Sorti en février 2016, cet ouvrage d’Emmanuel Carrère au titre emprunté de Yi-King, l’antique livre de sagesse chinoise, donne cette (sybilline) réponse « Il est avantageux d’avoir où aller » lorsqu’on lui demande son avis…Le fils d’Hélène Carrère d’Encausse nous régale avec ses chroniques et autres articles rédigés entre 1990 et 2015, dans lesquelles il évoque ses rencontres, récits de procès criminels effarants et autres reportages passionnants, comme celui dans lequel il s’est lancé, au printemps 1990, sur les traces de Dracula – alias Vlad Tépès – en Roumanie ou celui sur le Forum de Davos où la faune interlope des puissants viennent exploser l’actualité d’une certaine forme de suffisance.

Merveille de cette écriture journalistique et littéraire, judiciaire même, avec ce fait divers fascinant concernant l’affaire Romand, cet assassin ayant mené depuis des années une double vie et finissant – de peur que ses proches découvrent cette incroyable falsification – par massacrer toute sa famille, de sang froid, époux et papa pourtant adorable…Mystère de l’âme humaine. Admiration aussi devant l’écrivain Philip K. Dick (auteur de science-fiction) dont Ubik était un des cinq plus grands livres jamais écrits.

Surprenante aussi l’histoire véridique de ce Hongrois perdu, dernier prisonnier de la Seconde Guerre mondiale, Andràs Toma rentré chez lui après cinquante-six ans d’absence, amputé et à moitié fou…Il évoquera aussi le terrible tsunami avec La mort au Sri Lanka et l’opposant russe Edouard Limonov, (qui a vécu dix vies) à la fois rebelle révolutionnaire et ange au visage de tsar…Tendre et sublime reportage intitulé La vie de Julie, via la photographe Darcy Padilla qui suivra, dans ce quartier glauque de Tenderloin à San-Francisco, un couple en déshérence, sorte de Bonnie and Clyde, alcooliques, drogués et sidaïques. Quel tableau, en cour des Miracles, rempli d’une immense humanité !

Enfin focus particulier sur cette enquête policière A la recherche de l’Homme-Dé (The Diceman), Luke Rhinehart, psychanalyste new-yorkais qui confiera sa destiné aux six facettes d’un dé…Epouvantablement envoûtant car d’autres personnes le suivront dans ce délire…aléatoire et parfois dévastateur.

Ces chroniques se lisent – ou plutôt se dévorent – comme de somptueuses nouvelles.

 

  • Il est avantageux d’avoir où aller d’Emmanuel Carrère, P.O.L. éditeur, 2016.

Laurent BAYART

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 49 / ET VOTE LA GALERE…

A force, on ne sait plus très bien à quelle urne se vouer. L’heure du choix électoral approchant, on sent l’impatience (et surtout l’agitation extrêmement nerveuse) gagner les candidats qui postillonnent de belles formules et dégomment à tous vents les adversaires/concurrents. Les messages semblent brouillés et les partis politiques, en cessation de paiement, un peu relégués aux oubliettes de l’histoire et de leurs dogmes désuets… Que penser de ce salmigondis de mots et de paroles, de ces meetings où flottent des drapeaux tricolores et où l’enthousiasme sent un peu le réchauffé, le « téléphoné » ou plutôt le selfie cramé…

Bientôt, l’éphémère solitude de l’isoloir et quel bulletin glisser dans la petite fente qui illuminera les jours des lendemains heureux ? Tous ces gens en cravate qui affichent un sourire de circonstance sur leurs programmes électoraux, qui promettent « monts et merveilles » pour finir en peau de chagrin, en flop dans la grande boîte transparente où chacun glissera son obole. On voulait tellement bousculer le monde, proposer un grand chambard…Et pourtant, il faudrait encore croire en l’ivresse du changement, à la beauté de l’utopie, au grand chavirement des baisers de fraternité afin de rendre (enfin) le monde plus humain…

Un petit carré de papier avec un nom inscrit en gras pour que tout puisse basculer. S’il suffisait de ce geste pour redonner un peu d’espoir…on s’y jetterait tous à corps perdu !

Mais hier, c’était justement les mêmes promesses, et avant idem… Et tutti quanti.

Pourquoi toujours louper ses rendez-vous ? Saupoudrer les discours de tant de paillettes et de poudre de perlimpinpin. Pourtant, on aurait tant voulu y croire…Les bureaux de vote sont un peu une façon d’oasis dans un désert où l’on prend ses désirs pour des mirages…Mais que penser aussi du blanc de l’iceberg dans la gestuelle du vote ? Se regarder dans la glace ?

Il reste tant de points d’interrogation qu’il devient impossible de promettre le soleil sur un simple carré de papier.

18 avril 2017

Laurent BAYART

 

 

 

 

 

 

LIVRE / LA REVOLUTION PAR LE GRAND-BI…

 

Somptueuse découverte littéraire que « L’homme au grand-bi » de l’écrivain allemand (né en 1940) qu’est Uwe Timm. Cette petite merveille d’édition est agrémentée d’illustrations savoureuses de Sophia Martineck qui offre à cet ouvrage une esthétique tout à fait remarquable.

L’histoire ravit tous ceux qui aiment la bicyclette (appelée le bicycle bas) – ou plutôt le grand-bi – car cet écrivain singulier nous raconte le grand chamboulement vécu par le village de Cobourg en Bavière lorsque le taxidermiste Schroeder, avant-gardiste inspiré, propose une version moderne de la querelle entre anciens et modernes, en introduisant ce dinosaure haut perché dans les ruelles de son village ! L’écriture se teinte d’humour, de fraicheur et d’un esprit espiègle hors du commun. On y apprend que ce véhicule n’engendre pas la mélancolie et se révèle être véritablement casse-cou : C’est que le conducteur était assis exactement au milieu de la gigantesque roue avant. S’il venait à freiner brutalement, si la descente était trop raide ou s’il y avait un gros caillou sur sa route, il était puissamment soulevé par-dessus la roue avant et précipité à terre, tête en avant…

La révolution est en marche ou plutôt en roue libre…si l’on peut dire. Cette machine infernale étant devenue la source de tous les maux et autres maladies. Des controverses éclatant dans ce « Cloche-merle » à roue où les polémiques enflent comme de la pâte à pain : Ils nous effrayent avec leur sonnette. Ils nous renversent dans la rue. La machine en question compromet notre travail et, pis encore, elle compromet nos femmes. Elle représente donc un danger sur le plan moral.

Enfin, dernier conseil (pour la route) à l’adresse de ceux qui voudraient faire une virée en grand-bi : Emporter des provisions de bouche, un pantalon de rechange et, surtout, une petite pharmacie de voyage…

Laurent BAYART

* L’homme au grand-bi de Uwe Timm (Le Nouvel Attila), 2016.

OMBRES ET LUMIERES D’UN CLOWN CHASSEUR D’ETOILES : COLUCHE.

 Lorsqu’on fait référence aujourd’hui à Coluche, on pense surtout aux restos du cœur et moins à l’humoriste cinglant et caustique, ainsi qu’à l’immense provocateur qu’il fut en lançant sa candidature en 1980 à la présidentielle…Aussi, cette biographie parue en 2011, permet de retracer une existence qui passa « du rire aux larmes » avec cet accident de moto (Putain de camion, dixit Renaud) tragique dont certains y voyaient même un complot…

Le parcours de Michel Colucci, né en 1944, y est ainsi retracé, de « Montrouge à Paris ». Le début de sa carrière et la bande qui écuma les cabarets de Saint Germain, racontés. Les copains avaient pour nom à l’époque :  Romain Bouteille et Patrick Dewaere, sans oublier Miou-Miou. Ce que l’on sait moins, c’est le grand coup de pouce donné par George Moustaki et Jean Ferrat, voire Jacques Brel, à ce jeune débutant qui imitait le cri du cochon au début de ses sketches…

Ascension fulgurante de cet artiste qui –somme toute – avait peu de vocabulaire (il en était un peu complexé) par rapport à son compère intello Romain Bouteille. L’ouvrage évoquera aussi son addiction à l’alcool, à la drogue et son énorme coup de bambou dépressive suite à sa candidature ratée…et les pressions exercées à son encontre par le monde politique.

L’histoire retiendra ce bonhomme génial qui passa de la scène au cinéma avec le succès que l’on connaît, et cette œuvre dont on parle encore tous les jours : les restos du cœur, un combat pour la dignité des plus démunis, qui se poursuit toujours aujourd’hui bien après sa disparition. Une (bonne) œuvre qui dure encore…

Laurent BAYART

 

* « Coluche du rire aux larmes » de Sandro Cassati, City Editions 2011.

 

BILLET D’HUMEUR / ACTE 48 / J’AI FAIT UN REVE, VERSION CYCLE.

 

 J’ai fait un rêve de cycliste. J’ai aperçu – dans la grande noirceur  de ma nuit – de longues pistes cyclables empruntées par tout un chacun, de joyeuses files de bicyclistes arpenter le bitume avec entrain, le sourire aux lèvres. Ainsi, dans mon songe, j’ai vu que ces immenses pistes – à la largeur phénoménale – n’étaient en fait que les anciennes autoroutes, délaissées par les automobiles, afin de les offrir aux déplacements en chambre à air. La gent cycliste a pris enfin le pouvoir sur le goudron ! Et quel sympathique barnum que d’apercevoir sur ces larges routes des cortèges de vélos tous azimuts : vélos de course en carbone, cyclos touristes, électriques, vtt, hybrides, bicycles, draisiennes, tandems, BMX, vélos allongés, vélos de ville, vélos-cargo, de livraison, Fat Byke… Bref, une hétéroclite armada et peloton en kyrielle de couleurs de gens guillerets qui s’en vont en sifflant au boulot ou ailleurs. Incroyable, non ? J’en suis resté pantois. A tomber de la selle.

Par décret, de je ne sais quel gouvernement, le royaume du cycle prenait les rênes (petites reines) des grandes et interminables avenues autoroutières. Quant aux goulots d’étranglement des péages, exit. Démembrés, laissés à la discrétion des distributeurs de boisson (en forme de bidon) et autres barres énergétiques afin d’éviter aux pédaleurs le coup de pompe ou la sorcière aux dents vertes, comme disent les compétiteurs. On a abandonné la litanie des tiroirs caisses pour laisser passer les dérailleurs enjoués. Les automobilistes acariâtres devenant d’accortes et affables cyclistes ! On croit rêver…Justement, si…

Le klaxon d’une voiture me réveille à l’instant d’une sieste improvisée, comme un clou dans un pneu, il me rappelle à la réalité.

Hélas, les autoroutes et autres routes ont toujours des songes d’essence.

Pourtant, j’étais plongé dans un si beau cycle de rêves…

Laurent BAYART

 

RETOUR SUR LE DERNIER FESTIVAL INTERNATIONAL DES CINEMAS D’ASIE DE VESOUL / FOCUS EN INTERIEUR/NUIT.


Encore une fois, la magie a opéré durant cette vingt-troisième édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, qui s’est déroulée du 7 au 14 février. C’est toujours une surprise et un enchantement d’avoir la capacité de pouvoir « gober » une quarantaine de films durant une petite huitaine de jours, moi qui ne vais pas en « intérieur/nuit » durant tout le reste de l’année… L’esthétique, l’exceptionnelle qualité et l’originalité des films présentés font que ces projections sont des moments d’émerveillements et de rencontres aussi, puisque les réalisateurs ou les acteurs sont souvent présents. Du palmarès établi par les spécialistes et le public, je donnerai un peu le mien. Du moins, mes coups de cœur parmi une production riche et variée où même les documentaires se sont révélés passionnants !

Ma palme d’or irait peut-être à ce film indien : « Hôtel Salvation » de Shubbashish Bhutiani dans lequel il est question d’un vieil homme de 77 ans qui, sentant sa mort venir, se rend à Bénarès dans un hôtel réservé aux personnes qui désirent passer là leurs derniers jours. Le film est somptueux et plein de tendresse. La mort n’étant finalement qu’un rite de passage à l’image du Gange. Je retiens cette belle parole dite par l’un des protagonistes de cette histoire : A quoi sert un chemin s’il ne mène pas à un temple ? D’autres opus remarquables : Baby beside Me (Corée) de Son Tae-Gyum, Going the distance (Japon) de Harumoto Yujiro, un jeune réalisateur sympathique qui a obtenu trois prix à Vesoul…L’histoire d’une indéfectible amitié et fidélité, rare. Her Mother (Japon) de Sato Yoshinori où il est question de la notion de pardon après un meurtre. Le jeu des acteurs est remarquable et la thématique haletante. La visite de la fanfare (Israël) de Eran Kolirin est un classique bien connu. The land of Hope de Sono Sion évoque l’explosion d’une centrale atomique à Nagashima (nom créé en fusionnant ceux de Nagasaki, Hiroshima et Fukushima). Une histoire bouleversante desservie par des acteurs hors-pair. A noter, dans les nombreux films géorgiens, celui de Tenguiz Abouladzé Le repentir, un petit chef d’œuvre qui nous parle des dictateurs avec un humour glacial mais ô combien actuel, cette réalisation datant de 1984, pas de poussière sur la pellicule. L’absurdité ubuesque de la barbarie reste toujours d’une cruelle modernité. A signaler aussi Mandarines de Zaza Urushadzé où est évoqué le conflit qui fit rage en 1992 en Abkhazie. Enfin, dans le rayon des documentaires, mention particulière à Un intouchable (Inde) d’Asil Rais, un homme qui « collecte » les cadavres abandonnés et Le cri interdit (Chine/France) de Marjolaine Grappe où il est question du contrôle des naissances en Chine. Une enquête qui fait froid dans le dos où l’on apprend que l’Empire du Milieu détient un triste record mondial : celui du nombre d’avortement, plus de 30.000 chaque jour…

Bien-sûr, cette liste n’est pas exhaustive. Aucun film n’ayant été qualifié d’ennuyeux. C’est dire la qualité et le millésime offert au public de ce festival. Un public convivial et sympathique où des liens se tissent, au fil des éditions. Public bon enfant et amical, où chacun semble un peu se (re)connaître, loin du snobisme et du mode intellectuel rencontré en Avignon par exemple. Cette manifestation porte – et c’est peut-être aussi sa qualité et sa spécificité – la chaleur des humanités retrouvées et des moments de rencontres. Et, par les temps qui courent, ça fait du bien ! Merci aux réalisateurs : Martine et Jean-Marc Thérouanne et à Bastian Meiresonne, spécialiste passionné, à Nicolas Carrez-Parmentelot, ainsi qu’à la kyrielle de bénévoles sans qui ce festival ne pourrait pas exister. Bravo à tous.

                                                                                                               Laurent BAYART

LIVRE / « LE CRICKET CLUB DES TALIBANS »

 

Timeri N. Murari, vit à Madras, l’un des plus célèbres écrivains indiens, offre-là un récit roman poignant et haletant sur une période sombre de l’histoire de l’Afghanistan. En effet, en 2000, à Kaboul, le gouvernement islamique pose sa chape noire sur une population meurtrie par des années de guerre et d’occupation par les soldats russes (On estime qu’elle laissa derrière elle près d’un million de morts et que cinq millions de personnes se sont réfugiés au Pakistan). Les talibans arrivent et verrouillent les libertés en posant le grillage bleu clair métallique de la burqa sur le visage des femmes… Les sbires de ce totalitarisme absurde affichant même sur les murs de la ville : « La place des femmes est dans la maison ou dans la tombe ». Sans commentaires…

La seule lueur d’espoir, pour les protagonistes de cette histoire, viendra par le biais d’un sport : le cricket, étrangement autorisé, là où tout est interdit, afin de prouver aux opposants de ce régime tortionnaire que le pays est une nation sportive… Le cricket ? Nous n’étions pas une nation athlétique ni sportive. Avec toutes les invasions que nous avions subies au fil des siècles : Alexandre le Grand, Tamerlan, Gengis Khan, les Perses, les Mongols, les Britanniques, les Soviétiques…

Visage obscur de ce chef taliban Zorak Wahidi qui veut prendre pour épouse la belle Rukhsana, journaliste obligée d’arborer une barbe, de se changer en homme (Babur) afin de devenir entraineur d’une improbable équipe de cricket…pour une compétition où le vainqueur pourra partir jouer au Pakistan…Voilà que le sport devient une porte de sortie vers la liberté.

Les talibans débarquaient dans nos vies au volant de leurs véhicules blindés et de leurs Land Cruiser, comme les Sarrasins sur leurs chevaux…

S’ensuit une narration rocambolesque et palpitante où le talent de l’écrivain nous emporte en une narration passionnante dans laquelle la mort rôde à chaque instant. Voyage dans l’absurde de l’horreur. Roman en forme de récit car l’imaginaire n’a besoin –dans ce cas de figure – que d’observer le triste visage (grillagé) de la réalité… Livre incontournable à découvrir comme un témoignage.

                                                                                                                   Laurent BAYART

 

* Le Cricket Club des talibans de Timeri N. Murari, roman traduit par Josette Chicheportiche, bibliothèque étrange, Mecure de France, 2014.