Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE / DES SPORTS TOUS AZIMUTS

 

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Cette « Encyclopédie des sports oubliés » est une espèce d’inventaire à la Prévert, un rien extravagant, sur la pratique d’une ribambelle de sports saugrenus– à travers l’histoire – qui s’apparentent à la chasse, à la bestialité, à la superstition, au sport, à l’ingéniosité ainsi qu’au zest de folie de l’être humain…

D’abord, il convient de ne pas oublier que le mot sport provient de l’ancien français « desporter » qui signifie divertir, amuser ou prendre du plaisir.

Ainsi, dans cet ouvrage, on découvre d’improbables sports comme le « Battle-ball » dont les règles étaient si nombreuses et complexes qu’il fallait avoir des bases de comptabilité juridique pour s’y retrouver…Focus aussi sur le « Canon de base-ball » qui terrifiait les batteurs. Et puis, certaines disciplines comme « Chats en feu », « Chat dans le tonneau » (coutume danoise que l’on retrouve aujourd’hui encore dans les soirées de mariage, en une version plus soft (la Pignata), avec des bonbons dissimulés dans un mannequin de félin que l’on doit éclater avec une batte de base-ball) ou « Coups de tête sur chat » s’apparentaient à d’ignobles actes de cruauté envers des animaux considérés encore comme des créatures diaboliques.

Dans le registre des « sports » étonnants, ce concours d’insultes les flytings qui étaient des joutes de jurons récompensant l’imagination et la dextérité verbales des participants. A noter aussi les « batailles de villes » durant lesquelles les habitants se livraient à de gigantesques batailles de boules de neige et autre coups de gourdin ou de pierres. Henri III –philosophe – considéra ce sport trop petit pour qu’on l’appelle la guerre, trop cruel pour qu’on l’appelle un jeu. Quant à la pratique des manèges forains, on apprendra qu’ils proviennent d’un exercice militaire pratiqué à l’époque par les Turcs et les Arabes, pour lequel ils tournaient en rond sur des chevaux très rapprochés en se jetant de lourdes balles. Le mot espagnol désignant cette pratique, carosella, signifie « petite bataille ».

                                                                                                                      Laurent BAYART

* L’Encyclopédie des sports oubliés de Edward Brooke-Hitching, Editions Denoël, 2015.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 45 /MARCHER SUR LA TETE / SCENES DE BUS ET DE TROTTOIRS.

 

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Ce n’est –hélas – pas une impression, mais notre monde marche de plus en plus sur la tête. Observer la déliquescence de nos rapports à l’humain nous montre à quel point notre société se délite, en (considérable) mal être avec elle-même. Les hommes politiques, et les bouffons qu’ils sont devenus, n’inspirent plus, ni respect, considération et surtout confiance…

Le mal est fée…ou plutôt sorcière. Je fais aussi le constat de cette décrépitude dans cette impolitesse ou incivilité, voire indifférence quotidienne, lorsque je monte dans le bus, bondé et pris d’assaut par notre jeunesse, avachie (plus qu’assise) dans les sièges, en train de pianoter frénétiquement sur ses mobiles, nos zombis en jeans ne voient même pas les vieilles personnes debout, agrippées à la main courante…essayant péniblement de tenir les béquilles de leurs jambes, face aux soubresauts chaotiques de la conduite. Oups. Vous me direz, qu’avant d’entrer dans le bus, par les portes en accordéon, il vous faudra vous faire pousser des coudes et allègrement « chahuter » par les têtes blondes qui tenteront de vous griller (c’est le cas de le dire !) la politesse…En effet, attendant patiemment depuis quelques bonnes poignées de minutes sur le trottoir, je m’aperçois que la faune des barbares n’hésite pas à se mettre –incontinent- devant vous, quitte à vous écraser le bout des pieds. Eh bé ! Sans vouloir jouer au ancien combattant acariâtre (du genre « avant c’était mieux »), il faudrait tout de même retrouver le sens de l’autre et d’une certaine instruction dite civique qui ne serait pas de trop en ces temps de pauvreté intellectuelle et relationnelle.

Mais, ceci étant dit, les adultes ne dépareillent pas non plus forcément. Et puis, marcher dans les rues vous expose à percuter des morts-vivants qui ont l’œil torve rivé sur leurs portables et foncent droit devant vous… Oups. Autant dire que le paysage environnant, ils s’en tapent ! Sans compter les ombres qui ne vous saluent plus lorsque vous leur administrez un convivial Bonjour ! Et tous ces anéantis du travail qui en baillant – la bouche aux amygdales en goguette et la luette en chevillette – vous font presque entrevoir le fond de leur culotte…J’en arrête là. Amusé et las (hélas). Y’a du boulot.

Ainsi, nos édiles politiques auront du pain sur la planche pour remettre une société en ordre de marche. Regarder l’autre et être bienveillant font partie des actes qui rendront le monde un peu meilleur, et surtout plus humain. Ne pas marcher ou se faire marcher sur la tête serait déjà une belle utopie. Une guerre de gagnée contre l’imbécilité du monde, c’est déjà ça de pris. En attendant d’autres combats à mener…pour faire enfin des jours meilleurs aux lendemains qui chantent, avant de détonner sérieusement.

                                                                                                                      Laurent BAYART

 

RETOUR SUR LE NOEL D’ESPOIR / LECTURES ET CONCERTS.

Retour sur ces trois concerts/lectures de Noël que j’ai eu le bonheur de réaliser avec l’Ensemble d’Accordéons de Strasbourg, dirigé par Sandrine et Fabien Christophel, avec la participation des élèves de l’Ecole de musique de Neudorf. J’ai été ébloui par ces moments d’intensité, la qualité du jeu musical, la générosité des musiciens et choristes. Des moments intenses et lumineux pour l’écrivain-poète qui a rédigé quatre textes sur Noël et la nativité. Belle intensité lumineuse et « dire » la poésie dans ces lieux enchantés que sont les églises et temples ont été un immense bonheur, un retour au source et une nouvelle expérience pour le troubadour-vagabond que je suis. Beau succès pour l’Ensemble d’Accordéons de Strasbourg qui a illuminé les autels et les crèches d’Alsace, parce que Noël doit redonner le sourire et l’espérance à chacun, avec la musique, le chant et les mots. En ces temps troublés, c’est une belle manière de faire chanter nos coeurs et nos âmes. D’aller vers demain.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 44 / JE T’AIME, NON JE TE LIKE

Accros des pages Facebook, nous nous sommes irrémédiablement pris au jeu. Nos états d’âme s’affichent ainsi que les photos des plats que nous savourons dans les restaurants ou chez nous. Le monde est ainsi à notre portée. Rien n’échappe plus à notre vigilance et nous « postons » tout ce qui nous passe par la tête, selfie compris ! C’est le grand débordement des ailes. Tout est dit/écrit.

Nous vaporisons le fruit de nos pensées sur Internet. Et fuse l’armada d’amis qui ne cessent de nous envoyer leurs « commentaires » éclairés et autres pouces levés. C’est la grande fraternité et communion des pixels. En plus, l’info distille ses messages, et tant pis, si elle se permet –parfois – quelques bossa nova avec la vérité ! Nous ne sommes pas regardant.

L’amour ? Je l’ai aussi rencontré en ligne. Sur ma page Facebook. Une jolie femme m’ayant un jour envoyé sa déclaration d’amour. « Je t’aime » lui ai-je répondu et déclaré dans un courriel enflammé. Ma dulcinée m’a adressé, quant à elle, un « like » sur ma page Facebook. Sans plus d’épanchement. C’était laconique. Quant à mon coup de foudre, il a fait bugué mon ordinateur et sauté les plombs de l’appartement. Tant pis pour moi. Je n’avais ni son numéro de portable, ni son adresse. On ne peut pas penser à tout. Foi de Facebook.

                                                                                                                     Laurent BAYART

LIVRE / ALLAIN BOUGRAIN DUBOURG OU UNE VIE PLACEE SOUS LE SIGNE DE LA DEFENSE DU MONDE ANIMAL

 

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Le titre du livre de mémoires d’Allain Bougrain Dubourg, l’intarissable défenseur du monde animal, est emprunté aux derniers mots soufflés par Théodore Monod à l’auteur de ce livre, sur son lit de mort : Allain, il faut continuer de marcher !

Ce bourgeois, fils d’un grand résistant, a ouvert la voie de son propre destin, prenant les chemins de traverse d’une route bien tracée. Déjà tout jeune, notre téméraire mousquetaire collectionne les reptiles et notamment quelques spécimens de serpents, semant déjà le trouble dans son entourage…Très vite, il s’acoquine avec d’autres défenseurs du monde animal. Il rencontrera par la suite l’académicien Jean Rostand qui lui permettra d’être lauréat du Prix de la Vocation. Un talisman pour son avenir qui se trace avec passion et conviction, sans peur du lendemain. Son militantisme lui ouvrira la porte des médias et des producteurs d’émissions télévisées comme Michel Drucker, Patrice Laffont, Armand Jammot et bien d’autres encore, via le show biz. D’enquêtes en enquêtes, il mettra l’accent sur les impitoyables bouchers des animaux : tueurs d’oiseaux, barbares des usines d’équarrissage, maltraitance gratuite de nos frères à quatre pattes. Il sera de tous les combats et pugilats, en compagnie de son égérie Brigitte Bardot puis de Jeanne Manson.

Allain Bougrain Dubourg passera son existence à bourlinguer entre les méridiens, négligeant une vie sentimentale et familiale qui ne suivra forcément pas toujours. Il aura côtoyé le monde politique et médiatique. On se souvient de ses démêlés célèbres avec les chasseurs…Mais, l’homme, tenace et pugnace, ne renoncera jamais rappelant : Nous préférons résister sans reculer, dignement. Du sang de d’Artagnan coule dans mes veines. Ce livre fourmille d’anecdotes croustillantes d’un homme qui ne renoncera jamais à défendre nos frères du monde animal, ceux qui souffrent en silence des hommes devenus…sanguinaire et inhumains.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Il faut continuer de marcher, mémoires, de Allain Bougrain Dubourg, Editions de la Martinière, 2015.

 

CHANSONS/ « BOUCLER LA BOUCLE » DE JEAN HUMENRY OU LA SERENITE DE CELUI QUI PARLE A NOTRE AME.

imgres-2 Il avait annoncé que ce serait son dernier album, une sorte de testament joyeux, mais tout en sourire, en sérénité et en fraternité. Jean Humenry, auteur-compositeur des années quatre vingt, plus de 800 chansons écrites et une multitude de disques que j’écoutais en « boucles », vient justement de « Boucler la boucle » avec un compact-disque qui nous offre ses quinze dernières chansons et soixante-trois minutes de bonheur absolu. Presque à en pleurer car il atteint aujourd’hui une sorte de sagesse qui nous réchauffe le cœur et parle à notre âme. Du pain béni en ces temps de torpeur et de chaos.

Oui, Jean réussit avec une rare élégance à nous offrir des paroles poétiques qui parlent à nos âmes. Aujourd’hui, l’artiste nous rappelle l’essentiel de nos existences, être « en paix avec toi-même ». Ce dernier opus est réalisé – en connivences – avec Charles, son fils musicien qui vit à New-York. L’orchestration est somptueuse, avec la collaboration et complicité d’autres amis musiciens (plus d’une vingtaine !). Jean rend hommage à l’éboueur, le balayeur qui « guette les oiseaux ». Musicien de la transmission qui sait si bien écouter les enfants, il nous émerveille avec sa « Drôle de comptine » où « Dans la cour/ de l’école/ Un, deux, trois / Des grands puits de pétrole/…Des messieurs qui s’affolent ! /Des milliards / De dollars qui s’envolent ! »

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Et puis, cet enchanteur nous entraine dans la magie de ses rencontres avec cette chanson emblématique : « J’vois comme des petits miracles » : « J’vois des gens qui marchent tout légers/ D’autres qui s’arrêtent pour se parler… » Quelle sublime mise en musique, et toutes ces voix fraternelles, cette chorale d’amis (et ma minuscule voix qui se joint à la fête !)…Que c’est beau…

Frissons aussi avec « Aux poudres du chemin », écrit par la poétesse Sylvie Méheut : « Un jour/ Tu vois/ J’irai/ Là-bas/ par les routes de terre… »

Et puis, un dernier morceau qui termine l’album et résume cette existence si riche et dense : « Courir après le vent/ Croire qu’on s’ra jamais grand/ Jamais grand, jamais vieux/ Toujours curieux… »

Elégant disais-je, il nous confie : « Je ne me suis pas retrouvé derrière moi/ C’était le danger en voulant souvent marcher/ Trop vite ! »

Merci Jean ! Continue à enchanter cette boucle qui nous emmène dans le bonheur de l’instant. Nous en avons tant besoin…

                                                                                                                  Laurent BAYART

* à commander : chez Jean Humenry, 8, route de Pierrefonds, 60.800 Crépy-en-Valois (20 Euros).

 

LIVRE / MALADIE DE LYME OU L’EPIDEMIE SILENCIEUSE.

 

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Voici un récit poignant d’une jeune victime de cette maladie de Lyme dont on ne cesse de parler aujourd’hui. Deuxième maladie infectueuse après le sida aux Etats-Unis où elle a d’ailleurs vu le jour. Lyme étant une ville du Connecticut dans laquelle, en 1975, les enfants sont étrangement victimes d’une épidémie de Borrelia Burgdorferi (du nom de Willy Burgdorfer). On soupçonne un laboratoire secret du gouvernement à proximité…

Celle qu’on appelle la « grande imitatrice » parce que ses symptômes sont souvent confondus avec d’autres maladies tels que la fibromyalgie, la sclérose en plaques, la fatigue chronique, la dépression et autres…fait un ravage silencieux dans nos sociétés. Mathieu Foucaut, jeune homme de 26 ans à l’époque, nous raconte avec pudeur et dignité son long chemin de croix afin de tout simplement se faire reconnaître comme victime du Lyme. J’aperçois mon état de santé se dégrader brutalement. Douleur au genou gauche, puis amyotrophie musculaire de la cuisse gauche, perte de poids, fatigue. On lui fera une batterie et autres kyrielles d’examens, soupçonnant même que sa maladie serait « tout simplement » psychosomatique…Bref, il sera « trimballé » de spécialiste en spécialiste, le nom de ces urubus, voire charlatans, en blouse blanche étant « flouté »…On le comprend.

A la lecture de ce récit, on appréhendera mieux cette maladie véhiculée par les tiques, mais aussi les puces ou les moustiques. J’ai été troublé de lire que plusieurs études montrent que la bactérie Borrelia burgdorferi se retrouve dans le cerveau d’environ 25% des patients touchés par la maladie d’Alzheimer. A se demander si de nombreux malades d’Alzheimer seraient en fait atteints de Lyme…

L’amour de ses proches, le soutien de sa famille lui seront d’un précieux secours, lui qui a pensé en finir en mettant fin à ses jours. Las, de voir son état se dégrader sans pouvoir mettre un nom à l’ennemi de son corps.

Hommage rendu aussi à la clairvoyance et l’humanité de certains médecins qui ont entendu sa détresse, dont le docteur Corinne Skorupka, spécialiste de l’autisme, qui travaille dans la recherche en collaboration avec le professeur Luc Montagnier, prix Nobel de médecine en 2008.

                                                                                                                      Laurent BAYART

 

* Maladie de Lyme, l’épidémie silencieuse, un combat pour la vie de Mathieu Foucaut, éditions Josette Lyon, 2015.

 

 

 

LIVRE / UN HARPAGON COREEN

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Ch’ae Mansik est un écrivain coréen né en 1904 dans la province déshéritée du Chôlla durant l’annexion japonaise. Il publie un recueil de nouvelles très remarqué en 1933, et éditera –par la suite – des nouvelles et des romans, souvent au « ton très satirique ». Cet auteur mourra de la tuberculose en 1950.

L’ouvrage que j’ai eu le plaisir de découvrir, « Sous le ciel, la paix », nous raconte l’histoire du vieux maître Yun, paysan enrichi qui pratique avec délectation l’art de l’usure, la resquille et l’économie, s’accordant aussi quelques gourmandises et autres « chatteries » avec de jeunes lycéennes, ce qui lui coûtera une bague… Son écriture est teintée d’ironie et d’humour. Sa galerie de personnages atypiques nous offre quelques portraits grinçants. Il est question de mettre un peu d’orge cuit dans son riz blanc, manière de faire des économies ? Et des femmes : Quels que soient les talents d’un homme pour l’invective, il ne peut égaler les dons naturels d’une femme. Parole philosophique aussi avec On dit qu’il faut demander son chemin même quand on le connaît. Quant à la nourriture occidentale et ses ustensiles, j’ai aimé cette réflexion drolatique : Ah, ces salauds vous donnent un truc comme un râteau pour manger avec ! Cet Harpagon coréen pratique l’art  de l’économie comme une façon de jouissance, économisant même l’eau de la douche, espaçant les ablutions…Quant aux bordels, on apprend qu’ils portent le nom savant et académique de Sociétés de commerce mondial…Tout un programme !

Voilà une autre belle découverte de la littérature sud-coréenne avec – pour conclure – la réflexion du vieux maître Yun : Si tu vis sans avidité dans ce monde, tes intestins seront donnés aux autres ! 

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Sous le ciel, la paix de Ch’ae MANSIK, roman traduit du coréen par Ch’oe Yun et Patrick Maurus, Actes Sud, 2003.

 

LIVRE / LA VIE D’ORDURE A SEOUL

 

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Voici ici un livre de fiction mais inspiré de faits réels, écrit par Hwang Sok-Yong, écrivain emblématique sud coréen, considéré comme « le meilleur ambassadeur de la littérature asiatique ». Ce roman nous raconte la vie d’un garçon de quatorze ans Gros-Yeux qui vit –et surtout survit- dans cette décharge à ciel ouvert située à Séoul et appelée poétiquement L’Ile aux fleurs. Dans cet endroit glauque, chaque jour, de gros camions déversent les déchets des quartiers aisés et autres. Surgissent alors toutes ces mouettes de la déchéance qui viennent racler cette terre d’immondices à l’odeur âcre de putréfaction et où les mouches règnent en maître. Ainsi Toutes les choses de notre vie décrit le quotidien peu enviable des ouvriers travaillant au tri des ordures, dans cette immense décharge publique de Nanjido à l’ouest de Séoul; une montagne d’ordures de cent mètres de hauteur sur quatre kilomètres de long…Un accident chimique se déroulera dans cet enfer à ciel ouvert qui brûlera durant cinq jours dans un capharnaüm d’odeurs de crâmé et de fumées toxiques…

Voici un très beau livre qui se lit quasiment d’une traite, racontant la décrépitude, et cette pauvreté qui se fixe dans des espèces de favellas asiatiques aux lisières de la ville.

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Toute les choses de notre vie, roman traduit du coréen par Choie Mikyung et Jean-Noël Juttet, éditions Philippe Picquier, 2016.

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 42/ LES CYGNES DU CANAL

 

 

Divers juin

 

                                                                             A Marc Meinau, en cygne amical

( photo de Marc Meinau)

Ce sont les dieux tutélaires, ombres blanches qui glissent et planent sur les eaux moirées du canal de la Marne au Rhin. Ils accompagnent –chaque jour – l’écrivain-cycliste dans ses périples sur la piste cyclable. J’aime observer ces oiseaux palmipèdes, anges-gardiens de l’onde. Ce sont les véritables maîtres des lieux. Ils enveloppent l’espace de leur ouate blanche et leurs plumes font figure de lutrins sur lesquels mes pensées et mes mots vagabondent. J’aime leur présence silencieuse et les ondes bénéfiques qu’ils répandent aux alentours. Emerveillements du partage de l’instant, ces clefs de sol sur l’eau jouent leurs gammes symphoniques sur la ligne droite du canal, comme une partition qu’ils remplissent de leurs notes. Parfois, leurs longs cous en cors de chasse s’égarent sur le goudron de la piste et viennent becquer les cyclistes et autres promeneurs. Autant sur l’eau, nos amis sont des roitelets et des princes, autant sur le goudron, ils s’étalent de tout leur long, pianotent avec leurs palmes sur le sol et, irascibles, deviennent de vrais potentats vous envoyant des coups de bec. Gare à vos guiboles !

Le matin aussi, lorsque je roule sur ma piste, le soleil étant encore derrière les rideaux de l’horizon, je les devine à proximité, dans l’obscurité de l’eau ; boules de coton recroquevillées sur elles-mêmes qui semblent dormir d’un sommeil du juste. Mais ils ne dorment pas, ils veillent…

Les dieux à la blancheur éclatante n’ont pas encore entamé leur journée. Ils sont tels des rêves qui parsèment la nuit déchirée doucement par la lumière de l’aube. Dans une poignée de minutes, les cygnes – nuages en errance dans ce ciel renversé qui se mire sur le miroir de l’eau – raconteront la vie paisible du canal. Une autre histoire recommence, et moi Je ne cesse d’écouter et d’observer ces inépuisables conteurs de l’éphémère bonheur de l’instant.

Scribe et complice, je ne fais que retranscrire les paroles qu’ils ne peuvent pas prononcer. Leur regard bienveillant constitue – en quelque sorte – leur blanc-seing et autre signature qu’ils m’offrent avec tendresse et confiance.

                                                                                                                      Laurent BAYART