LIVRE / UNE ROUTE DE LA SOIE QUI PASSE PAR LE KAZAKHSTAN.

C’est une véritable route de la soie littéraire, un somptueux et dense caravansérail éditorial que proposent les éditions Michel de Maule avec cette anthologie de la littérature kazakhe contemporaine, une route/pavé de 750 pages (idem pour une autre édition qui présente la poésie des steppes au kilométrage de pagination identique !) qui offre un panel d’auteurs permettant aux lecteurs lambda de découvrir une écriture riche et ce peuple singulier au territoire gargantuesque !

On nous précise que l’origine du nom Kazakh viendrait de cette culture du vagabondage initiée par ce peuple nomade qui suscite respect et admiration. Une trentaine d’auteurs borne cet itinéraire de l’imaginaire totalement atypique aux noms souvent imprononçables pour l’Occidental. Mais quelle richesse ! On se souvient que Khrouchtchev voulait en faire le Far-West agricole de l’URSS et envoya une armée de colons russes pour « pacifier » ce vaste territoire. 

Ce livre a été publié sous la responsabilité du gouvernement kazakhe et de son président Noursoultan Nazarbaëv qui écrit dans son liminaire : Pour la première fois de notre histoire millénaire, notre culture sera entendue sur tous les continents et reprise dans toutes les grandes langues du monde puisque les textes ont été traduits et édités dans de nombreux autres pays. 

Ainsi, on pérégrine au gré de cette littérature avec Akim Tarazi qui nous rappelle qu’autrefois, de nombreuses femmes kazakhes savaient dormir pendant les longs trajets assises sur le dos d’un chameau ou d’un cheval. Beauté du texte de Kabdesh Joumadilov et son musicien de rue qui fut –jadis – directeur de maison de la culture et se retrouve à jouer dans la rue, ancien concertiste, voilà que son guichet à lui, c’était sa casquette…Moukhtar Magaouine nous distille une prose qui évoque ce lévrier des courses sans fin, magnifique narration sous le talisman de cet animal emblématique, fidèle à son maître et qui porte en lui, l’amour des grands espaces de liberté. Tolen Abdik, c’est un peu le Maupassant kazakh avec La guerre ardente de la raison où l’on pense à la nouvelle le Horla…avec ce personnage qui tente de traquer l’auteur de lettres anonymes posées dans sa chambre et avouant Il n’y a pas d’ennemi plus dangereux que celui que vous ne connaissez pas en personne. Plus loin, Didakhmet Achimkhanouly chante le vieux samovar jaune, avec ses oreilles comme deux feuilles de bardane…

Quelle belle musique que cette littérature venue des fins fonds de l’Eurasie et, comme l’écrit Talasbek Assemkulov, on entend la douce complainte de la dombra, ce luth local qui fait danser les chevaux et les hommes dans l’ivresse des paysages époustouflants de ce territoire conjugué aux temps de l’infini.

                                                              © Laurent BAYART

Anthologie de la littérature kazakhe contemporaine, éditions Michel De Maule, 2019.

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