La photo en dit long sur la complicité, l’empathie et la bienveillance du docteur Gérard Porte, qui soigne dans sa roue l’immense Fabien Cancellara. L’homme au stéthoscope fut médecin officiel sur le Tour de France, durant 39 ans, avant d’être « remercié » et remplacé par des technocrates de l’emplâtre qui -apparemment- « n’entendent » rien au cyclisme, alors que notre blouse blanche fut un aficionado et un amoureux inconditionnel du vélo. Lui qui, dans son village de Haute-Marne, gardant les vaches, leur attribuait des noms de champions cyclistes en établissant, une fois rentrées à l’étable, le classement général du jour ! Avec un maillot… blanc ?
Ses souvenirs nous plongent dans la douce nostalgie de ces moments où l’aventure cycliste restait encore à portée humaine. Dans son cabriolet décapotable tout floqué de blanc, à l’effigie d’Aspro, il traîne en queue de peloton où l’on retrouve les directeurs sportifs, les commissaires, le service médical, le dépannage…et la voiture-balai ! Les soins se feront en course. Après des chutes massives, j’ai souvent vu les coureurs faire littéralement la queue derrière ma voiture pour quelques nettoyages, pansements et antalgiques. C’est impressionnant. Leur courage mérite le respect. Temps héroïques où les coureurs s’arrêtaient pour siroter une bière…et écouter – par exemple – les pulsations du cœur le plus lent à ce jour : 27 battements par minute…Le palpitant du cycliste suisse Mauro Gianetti. Enorme lorsqu’on sait que la moyenne chez Monsieur Toutlemonde se situe entre 60 et 80 battements par minute ! rajoute le toubib roulant. Il y eut des chutes gravissimes, des « passages » dans des ravins ou la mort tragique de Fabio Casartelli. Mais, il rajoute que tout cela constitue une terrible exception : En général le bilan médical d’un Tour tient pour moi du miracle. Cinq fractures bénignes sur 600.000 kilomètres parcourus par l’ensemble du peloton.
Il revient aussi sur l’inévitable problématique du dopage, des amphétamines, de l’EPO et tutti quanti. Il gardait une grande sympathie pour Lance Armstrong, vainqueur de sept Tours de France qui lui furent « retirés ». C’était – bien entendu – « avant », le livre ayant paru en 2011…
Gérard Porte accueillit un panel impressionnant d’hommes politiques, de stars et de vedettes tous azimuts dans sa voiture blanche. Une aventure humaine et sportive improbable sous le talisman du caducée en forme d’aspirine…Un grand monsieur dévoré par la passion de servir et d’aider les autres !
© Laurent BAYART
Médecin du Tour, de Gérard Porte, Albin Michel, 2011