Archives de catégorie : Blog-Notes

LIVRE / UN VOYAGE DANS LES JARDINS/ ELOGE DE LA TERRE.

          C’est un petit livre de merveilles, jardin enchanté en paginations de papier, joliment maquetté et achalandé, coquettement présenté à l’instar d’un jardinet. Byung-Chul Han est un Coréen (né en 1959) qui est parti s’expatrier en Allemagne afin d’étudier la philosophie, la littérature et la théologie catholique au pays des Teutons. 

Ainsi, durant trois années, cet auteur atypique s’est consacré à son jardin, près du lac Wannsee, à Berlin. Écrivain, de son expérience et amour de la terre, il en a publié un ouvrage comme on cultive un jardin secret dans lequel il nous avoue que le jardinage a été pour moi une méditation silencieuse. Et tous les « potageurs » se reconnaîtront dans cet opuscule qui constitue une action de grâce, un cantique de louanges à l’adresse de la terre. Depuis que je travaille au jardin, j’ai une autre sensation du temps. Il passe beaucoup plus lentement. Il s’étire. Le livre est émaillé de citations dont de nombreuses sont extraites des œuvres de Friedrich Hölderlin. Ajoutons à cela, de multiples planches d’illustrations de fleurs et de plantes qui confèrent à cet ouvrage des allures de petit livre d’art. Ainsi, on apprend qu’en allemand, les perce-neige portent aussi le nom de « jolies filles de février » et qu’au Sud-Est de la Corée du Sud, à Busan la ville où se déroule le plus célèbre festival de cinéma de l’Extrême-Orient, on trouve une île baptisée « île aux camélias » …/…Le climat de Busan étant très doux, ils fleurissent magnifiquement en plein hiver, au bord de la mer. 

Chaque jour que je passe dans mon jardin est une journée de bonheur. Voilà une confession que pourrait partager tous les adeptes du jardinage ! Et l’auteur de nous rappeler que le mot « humain » est dérivé du mot humus, « la terre ». La terre est notre espace de résonances, celui qui nous rend heureux. Quand nous quittons la terre, le bonheur nous quitte.

                                                                     © Laurent BAYART     

  • Un voyage dans les jardins, Éloge de la terre, de Byung-Chul Han, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Actes Sud, 2023.

DE BRIC ET DE BROC…

        Que sommes-nous donc, que des instants faits de bric et de broc, grande quincaillerie de nos existences qui chantent la romance des hasards perdus dans l’émerveillement ? Objets hétéroclites nous entrainant dans leur improbable ronde dans la poésie des jours passés au gré des poussières du vagabondage. Là, les agendas s’affolent et jouent les antiquaires en y mettant des toiles d’araignée et le liseron de la rouille sur nos articulations. Nos cœurs s’enrayent et s’affolent pour l’arythmie et la tachycardie du temps qui file bien trop vite. Semer la douce poésie des jours qui nous emportent vers l’invisible.

Je t’aime comme on se brinquebale dans une éternité qui n’aurait que l’instant présent pour se conjuguer.

                                                       © Laurent BAYART

                                                   9 juillet 2023

photo de Némorin, alias Erik Vacquier.

JE ME NOURRIS DE VERDURE A LA REGALADE DANS MON JARDIN…

          C’est une apaisante et relaxante bulle verte qui nourrit mon âme d’oiseau dans mon exubérant jardin vaguement potager…J’aime m’asseoir et nourrir mes pupilles de ses symphonies de feuillages en mille tonalités de verts et de grâce qui me font palpiter. Ivresse de me plonger dans cet océan chlorophylle qui colore ma vie et m’apaise. Là, je sens mon âme s’échapper et venir à la crapahute d’une branche de pommier…Le voilà qu’il se prend pour un merle ou un étourneau ! Quiétude de la seconde qui s’éternise sur l’horloge. Ma fourche-bêche me regarde goguenarde. Quelques papillons se posent sur l’ombrelle du chapeau de mon épouvantail qui n’épouvante décidément personne… Même la limace semble être morte…de rire et se contorsionne comme un scoubidou. Le monde sourit à l’instant. Je suis devenu une libellule et cherche à me poser sur une brindille d’herbe. 

Je m’échappe et me trouve si loin…de moi.

Soudain, un passant me glisse un tonitruant « Bonjour » qui m’extirpe de ma songerie.

Hagard, je reviens sur terre mais dans la verdure de mon jardin intensément potager.

                                                                            © Laurent BAYART

                                                                                    26 juin 2023

LIVRE / « LA VILLE DE PIERRE », SUR FOND DE MER, DE GUO XIAOLU.

                  C’est encore une petite merveille de découverte de littérature asiatique, via la Chine et les (fabuleuses) éditions Picquier, avec « La ville de pierre » de Guo Xiaolu, romancière et réalisatrice chinoise, née en 1973. La narratrice (Jiang Corail rouge) raconte sa jeunesse, lorsqu‘elle habitait à Shitouzhen, la « ville de pierre », petit port de pêche ravagé souvent par les typhons au sud de l’empire du Milieu. Plongée dans des souvenirs éprouvants et dramatiques. 

Les habitants de Shitouzhen, en parlant de partir pêcher en mer, disent « aller mendier en mer » car le retour par les chemins-vagues et les rouleaux démontés n’était pas garanti ! On y côtoie aussi Zhuzi, un fan et aficionado de frisbee qui est un sport naturel qui permet de développer la rapidité de jugement et la maîtrise de soi…La pêche et ses superstitions : Tous les pêcheurs savent qu’on ne doit pas retourner le poisson car un poisson retourné, c’est un navire qui chavire.  Terreur et perversité perpétrées par ce « muet » qui commettra des actes obscènes sur la jeune fille. Écriture introspective et résiliente pour panser ses plaies et repartir de l’avant, avec ce bruit de ressac et ce grand bleu dans lequel vit l’étoile de mer. Celle-ci n’a pas de sentiments, elle a seulement le pouvoir de dévorer la vie et d’engloutir tout ce qui est plus faible qu’elle…Et plus avant : Pourrait-on croire en la regardant que cette adorable créature est capable de tuer et de gober n’importe quoi…

Un ouvrage qui nous entraine dans le courant des souvenirs emportés par la mer et ses typhons de sentiments qui ravagent cœurs et âmes.

                                                       Laurent BAYART

  • La ville de pierre de Guo Xiaolu, traduit du chinois par Claude Payen, Éditions Philippe Picquier, 2004.       

MON AMIE (Bécassine) EPOUVANTAIL QUI VIENT ILLUMINER MON POTAGER.

                                                      A Gwendoline et Laurent,

          Tel un phare fixé aux lisières des cotes de mon jardin potager, voilà qu’une jolie « potagère », gracieux épouvantail (aux formes féminines !) vient de s’y installer. Gageons qu’elle « n’épouvantera » pas un tantinet les nombreux volatiles et gentes à bec qui viennent s’ébrouer et jouer de la flûte traversière dans la petite bulle verte de mon jardinet. La voilà fixée chez moi, en coquet et poétique habits d’apparat, portant un élégant pantalon, accentué par un majestueux couvre-chef, chapeau à larges bords, à glisser son œil de paille à l’instar d’une surprenante caméra de surveillance. Elle guette désormais les passants, les « zyeute » observe les allées et venues, mais aussi contemple (et admire !) le jardinier « pote âgé » qui se brinquebale dans cet océan de légumineux, proposant son exubérance et sa corne d’abondance de futurs ripailles et gourmandises de l’assiette. Flux et reflux, marées de la terre qui ramènent du grand large quelques courgettes en goguette, salades en pamoison, haricots en odyssées, betteraves en raves party, blettes en galipettes, tomates en mascara rouge, poivrons pétulants et contrebasses d’aubergines…

Campée dans mon jardin, la voilà, tel un maestro, chef d’orchestre à diriger silencieusement les ondes et vibrations de mon jardin.

Les passants goguenards la regardent étonnée. Pour peu, elle leur taillerait bien une bavette ! Mais, elle est muette comme une carpe, ma copine !

Voilà que cette compagne de campagne se met à égayer mon jardin et offrir la poésie et la fraicheur de sa présence, comme un haiku sur une page ou un surfeur sur l’arête d’une vague.

Mon jardin est désormais « habité » par un épouvantail.

Un merle l’a apprivoisée ce matin en se posant sur le râteau de son bras.

                                                               © Laurent BAYART

                                                19 juin 2023

LA MUSIQUE RACONTE L’INSTANT ECHAPPE DU TROTTOIR…

          Instant de grâce sur la partition en macadam du trottoir. La rue s’installe dans la fête, les musiciens habillent le quotidien de lumineuses notes qui accompagnent les passants. Un badaud s’improvise chef d’orchestre avec la baguette d’un pain qu’il tient tel un maestro. Pour peu que la mie s’échappe en forme de mi ou de fa (rine) dièze…il n’y a qu’un pas de mélomane sorti d’une boulangerie ! La musique pose ses tréteaux en forme de contrebasse et de violon. Il manque juste un chanteur et la tessiture de sa voix de baryton ou de stentor. Échappée de poésie qui embellit le quotidien. Un caniche s’arrête et se met à battre le rythme avec sa queue, drôle de métronome ! La rue est au diapason de ces disciples d’Euterpe. Quelques moineaux suspendent leur vol pour jouer de leurs instruments à bec. 

Une assiette comme un plateau se trouve sur le sol (la clef ?) à la discrétion des flâneurs.

Une vieille femme pose son panier de commission remplie de pommes, de poires et de quelques…tomates.

Sueur froide des musiciens improvisés qui craignent l’ordalie potagère. Mais, la ménagère se met à applaudir. Ouf…L’assemblée a craint le pire durant quelques (longues) poignées de secondes…

Et la musique reprend au tempo de l’instant.

                                                 © Laurent BAYART

                                                                              18 juin 2023

Photo de Némorin, alias Erik Vacquier.

EXPO/ PROMENADE ENCHANTE AU FIL DES RUINES OU UN « ROESCH » INSPIRE AU GRE DES CHATEAUX-FORTS D’ALSACE.

          René Roesch est un jeune photographe qui s’est lancé dans la photo, voici trois ans, la peinture de paysage étant ses premières passions. Et le voilà qu’il emprunte les sentes escarpées de nos montagnes pour aller faire cligner son œil photographique autour des merveilleuses ruines de châteaux-forts qui illuminent les crètes vosgiennes de leur lumineuse et mystérieuse présence. 

Les coloris qu’il a générés avec sa palette constituent un émerveillement de tons et de teintes offrant à ces divins vestiges des apparences mythiques qui semblent les faire revivre. On imaginerait quelques preux chevaliers, fantômes flamboyants et leurs destriers sortir de ce décor. Des troubadours et autres ménestrels semblent faire chanter ces tableaux et conter fleurette aux belles damoiselles, nous plongeant dans le passé riche et dense de l’histoire. 

Nous voilà à déambuler dans l’ombre du château de Guirbaden, le donjon-palais du castel de Rathsamhausen – l’un des 2 châteaux d’Ottrott, la cour intérieure du site du Lutzelbourg avec ces beaux moellons de grès : belle ambiance romantique avec la végétation, le château Saint Ulrich de Ribeauvillé, une architecture d’une beauté et d’une richesse incroyables, qu’il a réussi à sublimer avec les lumières du couchant – il s’y dégage une atmosphère de conte de fée. Et puis, nous distinguons le deuxième des 3 châteaux de Ribeauvillé, l’altière forteresse du Girsberg, voisin du précédent, un nid d’aigle sur un éperon rocheux, avec un beau donjon pentagonal, ou encore une vue extérieure de l’enceinte Sud du château du Lutzelbourg, belle ambiance d’été avec le jardin médiéval en cours de reconstitution…

Suivez le guide et son œilleton photographique en bandoulière. René fait revivre ses ruines inspirées, tapissées par l’onde verte et le lierre qui leur font comme une cotte de maille naturelle, afin de provoquer l’émoi et l’émotion à chaque instant de découverte. Ivresse de ses couleurs et de ses majestueuses silhouettes qui habitent les lieux et semblent nous chuchoter que derrière chaque poterne, échauguette, chemin de ronde, barbacane, mâchicoulis, rempart aux dents crénelées et chaque donjon, revivent des personnages et des êtres fantasmagoriques venant réenchanter l’homme contemporain et nous rappeler que le temps, même s’il file à la vitesse de la lumière laisse toujours quelques traces sur la terre pour nous signifier que derrière ses architectures usées par les siècles, des hommes en armures et des femmes en robes chamarrées nous font quelques clins d’œil…

L’appareil photo de René Roesch et son diaphragme éclairé nous offrent une échappée dans l’histoire et le temps qui ne s’arrêtent décidément jamais… 

Un clic et les personnages se mettent à revivre. Et l’éternité à bouger…On appelle ça de la magie, non, tout simplement de la photo !

                                                                       Laurent BAYART

                                                                              10 juin 2023

  • bibliothèque l’Arbre à lire de Mundolsheim, l’exposition a lieu durant tout le mois de juin 2023.

IL NOUS FAUDRA DES TEMPS PLUS APAISES.

photo de Némorin

          Les canons se remettent à hurler à la mort, comme des loups à gueule poudrée et au barillet grinçant. Les temps sont à la tourmente, à la mitraille et à la gâchette en déliquescence. Il faudra l’apaisement des amours retrouvés, des fraternités à réinventer, oublier les oripeaux des nations qui s’écharpent pour des peccadilles de territoires, tissus déchirés, charpies de patriotisme exacerbé. Les colombes sont devenues des bombardiers. Leurs fientes de bombes sèment la désolation, la ruine et des fosses fumantes. L’humanité a jeté ses fauves sur nos instants de bonheur. 

Il faudrait un orpailleur de paix pour retrouver la sérénité du silence.

Une prière et tenir l’autre à le prenant par les mains, comme en une vaste chaîne, un collier d’amour qui cerclerait la terre de sa bienveillance.

La tour de Babel perdrait ainsi son drapeau pour que le Grand Concierge vienne à nouveau réenchanter le monde.

Une croix, à la place d’un oriflamme, pour y sceller la grande réconciliation.

Et croire à jamais aux lendemains meilleurs car ils seront désormais écrits et conjugués au temps présent.

                                                               © Laurent BAYART

                                                28 mai 2023

PETIT, ECOUTE LES ETOILES TE RACONTER NOS VIES…

                                                      Avec la complicité d’Alphonse,

Petit, écoute les étoiles te raconter nos vies par l’entregent de ce ciel qui nous aspire et inspire pour d’invisibles quêtes. Dans mon jardin, les arbres tels des candélabres éclairent les nuées avec ces comètes à queue multicolore que sont les oiseaux, messagers et anges gardiens ailés qui viennent enchanter la terre de leur musique en flûte à bec. Petit, écoute leurs douces et vivifiantes mélopées, ils psalmodient des histoires pour nous redonner envie de croire en l’impossible et en cette humanité qu’il nous faut réenchanter.

Petit, fais gazouiller tes yeux devant l’ivresse de ces images qui défilent.

Le monde est si beau que je voudrais le refaire avec toi !

Mais, hélas, mon temps est désormais compté. L’instant s’est à peine posé sur nos corps qu’il s’est déjà envolé…Il a pris la poudre d’escampette.

Petit, demain, tu rependras les mots que j’ai jetés à la volée dans le ciel pour continuer mon chemin qui sera aussi le tien.

Moi, je me trouverai juste au bout…                                                 

                                          Copyright : Laurent BAYART

LE DANUBE A GALATI

photo de Carmen Andrei

Magnifique et généreux Danube qui coule comme une encre magique à Galati en Roumanie. La bille incandescente du soleil vient éclairer la croix orthodoxe de cette église, telle l’oriflamme de la foi. Les bergers et les paysans des steppes et des prairies rassemblent leurs troupeaux de moutons. Quant aux vaches, elles vont éteindre les lumières du plafonnier de l’étable. Le fleuve est une icône de couleurs qui chante la romance de cette poésie s’écoulant langoureusement jusqu’à son delta. 

J’aime cet instant qui précède la nuit.  L’obscurité et sa couleur noire se préparent sur la grande palette du Magicien devenu orpailleur.

Au loin, une bougie s’allume comme une luciole. C’est juste un bateau, tel un pérégrin qui chemine jusqu’à la Mer noire devenue une manière de Santiago de Compostelle. 

Chaque marin du Danube devient pèlerin.

J’aime la sérénité de l’instant où Dieu pose quelques miettes d’éternité dans le fleuve.

Le temps et son inexorable circulation s’arrêtent devant ce feu rouge…

© Laurent BAYART

                                                                                      14 mai 2023