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LIVRES/ LE BONHEUR EN COUPLE(s) ET A VELO OU ELLE N’EST PAS BELLE LA…BELLE EPOQUE ?

Maurice Leblanc, avant d’inventer le personnage d’Arsène Lupin, a « commis » une petite merveille de livre parue en 1898, un joli conte à lutiner, une manière de prémices de la littérature sportive lorsque deux couples s’emmêlent les pinceaux et s’en vont s’encanailler sur les routes normandes. Les femmes à vélo s’appelaient à l’époque (la belle !) des cyclistines. Voyage en chambre à air et découverte de cette fée d’acier, petite reine qui va servir de révélateur à ce couple qui, au fil des kilomètres, se déjante…et s’acoquine avec la volupté des instants volés à la fuite du temps. La nature et les paysages (en mode lecture comme on dit !) se réveillent sous leurs yeux émerveillés : Le soleil ne perçait le voile des branches que pour jeter sur la pelouse de la lumière joyeuse et changeante. Les quatre compères découvrent la liberté qu’offre la bicyclette qui réveille leurs sens à la vie : Oh ! Comme c’est bon d’être heureux pour la seule raison que l’on vit ! Voilà qu’ils découvrent que le vélo (anagramme de love) est un perfectionnement de son corps même, un achèvement, pourrait-on dire. C’est une paire de jambes plus rapides qu’on lui offre. Lui et sa machine ne font qu’un…Et finalement, Pascal, l’un des bienheureux vélocipédistes de se rendre compte : Nous avons des ailes, Madeleine !/. Voici des ailes pour nous éloigner de la terre, pour nous moquer du monde et de ses méchancetés et des ses bêtises, voici des ailes pour nos âmes affranchies !

De retour de cette virée cycliste rédemptrice en Bretagne et en Normandie, les amoureux auront redistribué les cartes et reviendront changés sinon métamorphosés, grâce à leur bicyclette et à l’amour qui a rempli leur musette d’une exaltante ambroisie aphrodisiaque. Bref,  une façon de dopage avant l’heure…

                                                                                                              @ Laurent BAYART

*Voici des ailes de Maurice Leblanc, préface d’Antoine De Caunes, éditions Phébus, 1999, réédité par les éditions France Loisirs.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 60/  DETOUR DE FRANCE ET RIEN DE NEUF SOUS LE SKY, OU VIVE LA FRANCE VUE D’HELICO !

Franchement, je ne voudrais pas passer pour un grincheux, mais cela fait des années que le Tour nous gave d’un profond ennui. Cette année, la messe fut encore dite assez rapidement, même si l’équipe Sky a alimenté un minuscule zest de suspens, en cuisine interne, mais bon …franchement, il n’y avait pas de quoi louper une séquence à la télé en allant se chercher une bière, pendant une étape de montagne. La course et leurs étapes stéréotypées (pour sprinteur, baroudeur ou grimpeur) nous font chavirer dans un marasme sans nom. Tout est dans l’oreillette ! Il suffit de brancher vos portugaises sur « Radio Tour » ! Même les spectateurs (tout de même moins nombreux) semblaient un peu se coincer la bulle sur leurs chaises pliantes. Quant à El Diablo, il est retourné d’où il est venu (c’est-à-dire au pandémonium), maugréant qu’on ne le reprendrait plus. Dorénavant, il ira supporter les étalons des courses hippiques à Longchamp ! Bonjour tristesse ! Serait-on tenté de rajouter. Heureusement qu’il y a quelques coureurs romantiques, déjantés, de ceux qui nous font encore un peu rêver comme Peter Sagan et ses pitreries (les miss des podiums l’adorent) et son alter ego français, genre Richard Virenque, un « poissard de première » avec son maillot lumineux à pois rouge, notre Julian Alaphilippe qui a su enchanter les routes de son panache et de sa bonne humeur. Même si le peloton ne s’affolait guère, il se trouvait bien loin au classement général. Ca s’agite ferme de la calculette, derrière où l’on manque sensiblement d’imagination et d’envie de mettre des étoiles sur le palpitant des aficionados des bas côtés.

Oui, aujourd’hui, le Tour est menacé. Les retransmissions télévisées d’Antenne 2 et 3 se résument à un dépliant publicitaire pour touristes. Que la France est belle en vue aérienne ! C’est « drônement » pittoresque ! On vous débite l’histoire d’un lieu-dit ou de vieilles ruines ou d’un site remarquable…Ah, oui…j’oubliais, il y a une course de vélo un peu plus bas ! Quelques fourmis en grappes moulinent devant des coquilles de voitures cacahuètes et des sauterelles de motos. Tout finira par un grand coup d’aspirateur donné par une voiture balai…Au détour d’un rêve de Grande Boucle.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

                                                                                         

 

LIVRE/  LES CHEMINEMENTS DE JACQUES LACARRIERE.

Nouvelle version d’un livre « pédestre », signé Jacques Lacarrière, qui raconte le long « cheminement » d’un périple qui l’a mené de Saverne dans les Vosges jusqu’aux Corbières à la lisière de l’Espagne, en août 1971. Chemin faisant raconte cette traversée de quatre mois, tout en enchantement et en rencontres au rythme d’une marche soutenue. L’écrivain avoue : j’ai marché pour l’unique plaisir de découvrir au fil des jours et des chemins un pays et des habitants qu’au fond je ne connaissais fort peu. Il raconte avec délectation ce culte de la lenteur retrouvée lorsque, par exemple, les gens s’arrêtent le long du canal de la Marne au Rhin afin d’observer le passage d’une péniche dans une écluse. Spectacle de la nonchalance. Le pérégrin inspiré raconte que le pire ennemi étant les « chiens aboyeurs » qui feront office de chardons et de ronces à crocs, tout au long de sa paisible déambulation. On n’imagine pas le nombre de chiens qu’il peut y avoir en France. J’en ai rencontré partout, dans les jardins, devant les maisons particulières, dans les cours de fermes, dans les prés et jusque sur les routes les plus éloignées. Jacques Lacarrière aura appris le goût de l’eau des sources et des rus. C’est un goût qu’on oublie avec les eaux javellisées de nos villes. Ici, les sources ont un goût de terre, un goût d’ombre encore vierge…/…J’ai appris aussi à reconnaître un filet d’eau selon son bruit. Car le ru chante à peine. Il coule sur des terrains très peu pentus, avec un cours nonchalant qui se traduit par un murmure. L’impénitent marcheur constatera aussi, un peu amer : l’indifférence et l’égoïsme des Français, leur méfiance et même leur hostilité à l’égard de tous ceux qui voyagent ou qui se déplacent sans être touristes ou vacanciers. Par contre, notre ami fera l’éloge de la boulangère toujours accorte : Partout, j’ai rencontré des boulangères aimables, avenantes, prêtes à venir en aide, au point que par la suite, à chaque difficulté, je me dirigeai droit vers la première boulangerie venue… La marche permet de retrouver une humanité perdue, une fraternité de l’instant, une échappée de lumière dans un monde qui grouille à la vitesse des courriels : Quand on marche, n’est-on pas l’ami de tout le monde ? Quelle magnifique et sublime réflexion ! La sagesse vient en marchant, on le savait déjà un peu, l’écrivain nous le confirme. Sismographe des émotions et des sensations, il constate aussi que les routes sont devenues de véritables cimetières d’animaux : Il faut marcher, mètre par mètre, pour se rendre compte du nombre incroyable de bêtes tuées et écrasées par les voitures. Hérissons, crapauds, oiseaux, escargots…/…Ainsi marquée de taches, d’auréoles, d’écrabouillis de toutes couleurs, l’asphalte ressemble à ces ardoises ou à ces schistes empreints de mille fossiles et où se lit l’histoire d’un sol.

Ce livre est une ode à une certaine forme de lenteur, celle qui offre l’humanité des proximités et des connivences, manière de voyager sans zapper les paysages mais en s’y nourrissant. Et l’écrivain de conclure : Les itinéraires choisis librement sur la carte, l’errance improvisée sur le grand portulan des chemins, le miracle de tous les imprévus – il faut ajouter cette libération du temps comme si les heures, échappées du morne sablier des rendez-vous et des calendriers, prenaient une substance, une épaisseur qui leur soient propres.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* chemin faisant suivi de La mémoire des routes de Jacques Lacarrière, Fayard, 2016.

 

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 59/ PENDANT LA COUPE DU MONDE DES FOOTEUX Y’A UNE COURSE DE VELO !

 

         La coupe du monde de foot et l’épopée surprenante des bleus (Allez, on ressort les vinyles de Gloria Gaynor : « I will survive » !) ainsi que l’engouement qui s’en dégage fait oublier que pendant que des millionnaires jouent à la (ba)balle sur des gazons rectangulaires, des cyclistes (asthmatiques) écument à toute berzingue les routes, parfois fraîchement goudronnées pour la circonstance. On l’oublierait presque mais le Tour de France (qui n’en est vraiment plus un depuis longtemps) a démarré la semaine dernière. El Diablo et sa fourche sont-ils partis en Russie ? Ou bien se prépare t-il à piquer un sprint sur l’asphalte et à courir (s’essouffler) après ses idoles qui fusent à trente à l’heure dans les cols…Ou bien, tout simplement las et fauché, il a jeté l’éponge ! La passion s’empare de tout un peuple. C’est bon pour le P.I.B. et le moral ! Le foot ressuscite les fratries oubliées. Pendant ce temps-là, les étapes du Tour s’enchaînent (sans jeu de mot) et on s’ennuie souvent (depuis des années d’ailleurs !) car tout est désormais tellement stéréotypé, programmé, calculé que souvent la messe est dite avant d’avoir franchi la ligne d’arrivée. A moins qu’une poussière encrasse le moteur ou plutôt qu’un gravillon fasse la roue dans une descente, un pneu qui tente une échappée…d’air ! Pfut.

Les portugaises dans les oreillettes. On écoute « Radio Détour »  .Etape pour les baroudeurs, sprinteurs ou grimpeurs. L’équipe du maillot jaune veille (aux gains) sur la course. Ou plutôt la cadenasse. Un scénario écrit sur du papier à musique sinon à dérailleur électronique. Le Ventoux escaladé, non, cette année c’est plutôt la ventoline…Le mont qui tousse. N’est-ce pas Bernard Hinault, l’empêcheur de rouler en rond ? Ca fait tellement longtemps que la caravane est constituée d’une armada de pharmacies ambulantes et que les directeurs d’équipes sont des disciples d’Esculape que, lorsqu’un coureur crève, on incrimine plutôt cette infortune à une seringue qui traîne sur l’asphalte plutôt qu’à un clou…Les temps ont changé. Les poètes en chambre à air ont décidément un mal fou à nous faire rêver. Nous qui rêvions d’épopée, on à affaire à des Popeye du guidon !

Heureusement qu’il y a le foot ! Après tout, un ballon n’est finalement qu’une grande chambre à air qui s’est mise en boule et fuse sur le gazon. Faudra contrôler sa vitesse. Dès fois qu’elle se soit dopée !

                                                                                                              @ Laurent BAYART 

 

LIVRE/ LES FILLES BIEN NE VONT PAS AU POLE SUD

       Derrière un titre un peu « bateau », ce livre raconte l’histoire de Liv Arnesen, la première femme à avoir atteint le pôle Sud, après 50 jours et 1.100 kilomètres de pérégrinations dans le désert blanc, trainant derrière elle une pulka (traineau). Récit d’une aventurière hors du commun qui avoue : J’ai toujours paniqué quand les jours se suivaient et se ressemblaient un peu trop. Petit rappel concernant l’Antarctique, territoire quarante fois plus grand que la Norvège où l’épaisseur moyenne de la glace est de 4.000 mètres…On évalue que si toute la glace de l’Antarctique fondait , le niveau des mers de la planète monterait de 60 mètres…Chaque jour, cette femme téméraire s’entrainera deux heures en trainant derrière elle trois pneus et un sac sur le dos de 15 kilos…Liv nous confie également   :

qu’au fil de mon voyage, je suis de plus en plus en contact avec mon intuition, à moins que ce ne soit simplement avec moi-même. L’intuition est une formidable propriété que nous possédons et que nous ignorons sans doute un peu trop dans notre quotidien bousculé. Journal de bord parfois drôle où durant son périple, elle sera obsédée par le lancinant air de la Lambada ! A t-elle aperçu des pingouins la danser ? Elle rajoute : Ce dont nous nous souvenons comme de bonheur, ce sont souvent des situations qui contiennent aussi de la tension.. /..Pour aller plus loin, il nous faut supporter un peu d’angoisse. Le livre se termine par un hommage aux « modèles du passé », ces intrépides explorateurs que sont Nansen, Nordensköld, Scott, Shackleton et Amundsen.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

* Les filles bien ne vont pas au Pôle Sud, récit de la première femme à avoir atteint le Pôle Sud, éditions Interfolio, 2017.

LIVRE/  LA POESIE DE L’ENTRE-DEUX.

Olivier Larizza, écrivain prolixe et pluridisciplinaire, s’il se trouve en quarantaine, c’est bien d’années dont il s’agit car cet auteur-professeur de langue et de littérature anglaises né à Thionville est un nomade habitué des marges qu’il affectionne particulièrement. Lui qui est comme suspendu à un fil entre deux continents, partageant son existence entre l’Alsace et la Martinique, entre 2003 et 2015. L’écriture poétique, sous forme de journal intime, s’imposa à lui comme une évidence : En somme, je n’ai jamais voulu écrire de la poésie : elle s’est imposée à moi, elle s’est emparée de moi en raison de la vie que je menais…Ecriture sensuelle, fulgurance d’images en échappée belle d’esprit et de sentiment, Larizza navigue sous le soleil des Caraïbes, lutinant et butinant avec délectation les joyeusetés locales, comme un personnage romantique de littérature libertine, écoutant Hôtel Californian (californique ?)avouant que mon siècle n’est pas le mien je me répands en lui mais ne l’aime point…Ecriture rythmée et cadensée par le son des vuvuzelas et exempte de pollution en mode virgules ou autres ponctuations. L’épicurien, chantre des tropiques, adoptant des codes typographiques qui confèrent à ses poésies des allures de musicalité originales. Fraîcheur de ce deuxième opus qui annonce un troisième tome à paraître dans la foulée.

Avec Olivier Larizza, la poésie est une manière de bourlinguer et de poser ses valises, l’espace d’un instant, dans l’entre-deux d’une salle d’attente imaginaire, avant de repartir pour d’autres aventures, histoire de faire tourner pages et plages dans l’ivresse des rencontres.

                                                                                                              @ Laurent BAYART

 * L’Entre-deux, collection Confidences, d’olivier Larizza, Andersen,  2017.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 58/ LIMACES SALACES QUI ME FONT LA GRIMACE…

         On ne dit rien ou presque de la sourde invasion des limaces salaces qui font, à mes salades, des inconvenantes grimaces. Ces donzelles mollasses qui rampent comme des militaires en treillis sur la terre de mon potager, à ras les godasses, n’ont de cesse de poinçonner les feuilles des laitues et des frisées. Las elles pendouillent même gaillardement sur le basilic, la ciboulette et j’en ai même surprise une en train de mâchouiller une tomate, laissant derrière elle un trou béant dans le ventre rondelet de ma Marmande…Quant aux palmes de mes courgettes, ces gluantes morphalettes font des alvéoles dans leurs panneaux solaires naturels. Ainsi, chaque matin, à « la fraîche », je découvre ces gastéropodes faire le ménage dans mon jardin en laissant la trace de leur mucus en symphonie de trainée blanche. Impossible de leur laisser la vie sauve sinon elles trucideraient, sans pitié, l’exubérance végétale de mon havre de paradis. Alors, je n’ai d’autres choix que de les écrabouiller avec mes bottes en caoutchouc. Ah, ce douloureux craquement de coquilles d’escargot sous ma semelle de bourreau. Salace contorsion du destructeur. Je joue au sérial killer de jardinet mais je n’ai guère le choix ! Si je veux encore concocter un assaisonnement pour une délicieuse salade verte, il me faut les éliminer sans coup férir. Ecraser l’impie sur mon territoire sacré. Sinon, ce sera un désert de feuilles perforées, rognées, déformées par les pointillés de leurs minuscules mandibules.

Incroyable armée de limaçons à fringales mouvantes qui bouffent ainsi, chaque jour, sans vergogne le fruit de mon labeur. Aussi, à regarder la paix et la sérénité d’un jardin, on est à mille lieues d’imaginer l’effroyable guerre larvée qui se déroule à hauteur de semelles. Effroyable boucherie verte et extermination dans les tranchées gluantes de ma terre, avec les baïonnettes de leurs antennes, elles vont à hue et à dia sur les oreilles de mes batavias.

Mais une autre menace pointe déjà sur mon territoire, un plant de pommes de terre vient de détecter la présence d’une famille de doryphores en villégiature gastronomique. Alerte générale dans le potager. Les aubergines et les haricots, transformés en sirènes, hululent sourdement…

Le jardinier est sur le pied de guerre.

                                                                               @ Laurent BAYART, 19 juin 2018

BILLET D’HUMEUR/ ACTE 57/ UN TOUR EN ACCORDEON OU YVETTE S’EST ECHAPEE…

(dessin de Bruno Cortot, extrait de l’ouvrage « Un amour de Bicyclette » de Laurent Bayart)

Ah, cette fois-ci, le Tour de France est bel et bien mort avec Yvette qui a pris (la bonne ?) échappée à l’âge de 95 ans. Elle faisait partie d’une manière de légende de la Grande boucle, lorsqu’une certaine forme de poésie régnait sur les routes de France au son du flonflon de l’accordéon, des podiums enjoués et d’une caravane publicitaire qui défilait en accordéon. Même la voiture balai avait des airs de guinguette ! C’était au temps héroïque où les « géants de la route » posaient leur vélo pour aller faire un brin de causette et vider une « mousse » ou un ballon de rouge avec des spectateurs sur les abords de la chaussée. Nous avions affaire alors à des héros romantiques, des chantres du maillot en laine, des esthètes qui faisaient chanter les dérailleurs sur le goudron de leur épopée, les maillots emblématiques n’étaient pas encore vintage et les tenues profilées des cosmonautes de l’asphalte n’étaient pas encore disponibles dans les penderies du grand cirque en chambre à air.

Aujourd’hui, fi de tout cela. Voilà que fusent les apothicaires de la performance, les tailleurs du compteur, minces comme des allumettes sentant le soufre, les muscles irradiés par les vitamines de l’effort et l’alchimie sulfureuse de poudre de perlimpinpin distillée par une armada de toubibs. A l’époque, les bicyclettes ne fonctionnaient pas encore au moulinet électrique…El Diablo arrivait encore à suivre les coureurs s’arrachant de la selle dans les cols…Las, aujourd’hui, il se crame les mollets à les suivre.

Bye bye Yvette. Voilà que tu as franchi enfin la ligne d’arrivée. Echappée belle. Entrée dans la légende cycliste, musicienne en goguette, tu avais enchanté les routes du Tour et même fait enfiler des bretelles aux coureurs cyclistes !

Ah que reviennent les temps héroïques des brasseurs de légendes pour nous faire à nouveau rêver. Car, aujourd’hui, nous sommes vraiment en manque d’épopées. N’est-ce pas Yvette ?

                                                                                   @ Laurent Bayart, 11 juin 2018

 

 

 

LIVRE/ CETTE « PIERRE DE PATIENCE », CHEF D’ŒUVRE ABSOLU QU’ON PEUT VOIR ET LIRE…

J’avais découvert ce film somptueux lors d’une édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, réalisé par l’auteur du livre éponyme d’Atiq Rahimi qui obtint le Prix Goncourt en 2008.

Je viens de dévorer son ouvrage, tout aussi magistral. En effet, rares sont les adaptations réussies, celles qui se calquent avec maestria sur la version papier originelle. Et là, c’est un petit bijou où l’on y retrouve l’atmosphère des images, une seule chose étant modifiée, le dénouement…Rappel : ce huis clos raconte le face à face d’une épouse afghane avec son mari, qui gît inconscient, après avoir pris une balle dans la nuque lors d’une bagarre. Syngué sabour est cette pierre de patience magique que l’on pose devant soi pour déverser sur elle ses malheurs…La pierre écoute jusqu’à ce qu’un jour elle éclate. Ce livre est un brûlot fustigeant cette société patriarcale qui écrase les femmes : Le mollah ne viendra pas aujourd’hui, dit-elle avec un certain soulagement. Il est aussi lâche que tes frères…Et plus loin, dénonçant cette abjecte hypocrisie : en baisant une pute, vous ne dominez plus son corps. Vous êtes dans l’échange. Vous lui donnez de l’argent, elle vous donne du plaisir…/…Mais voler la virginité d’une fille, violer l’honneur d’une femme ! Voilà votre crédo ! Et voici que cette femme déverse le trop-plein de ses humiliations sur cet homme qui n’est plus qu’un confetti de mari. Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t’écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu’à ce qu’un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes.L’auteur la compare à cette Pierre Noire autour de laquelle tournent des millions de pèlerins durant la grande fête de l’Aïd et qui se trouve à La Mecque.

La patience, Al-Sabour,le dernier nom de Dieu, comme une confession que l’on chuchote devant le sanctuaire de la vie qui file et défile…

                                                                                                              @ Laurent BAYART

 

* Syngué sabour, Pierre de patience d’Atiq Rahimi, éditions P.O.L. 2008

LIVRES / TEULE SUR TOLLE OU LA LITTERATURE QUI DECAPE !


 
Oui, j’avais été subjugué par « Entrez dans la danse ! » de Jean Teulé, puis magistralement consterné par « Mangez-le si vous voulez ! » où l’histoire vraie d’un crime collectif commis par une foule prise de délire et par la haine du teuton. Incommensurable calvaire enduré par Alain de Monéys, un après-midi du 16 août 1870 dans la commune périgourdine de Hautefaye. Le notable se rendant à la foire du bourg pour connaître un incompréhensible supplice dans une extrême barbarie.  Et pourtant, tout le monde l’appréciait dans la commune ! On a parlé « d’hystérie collective ». Il y a dans ce parcours, en chemin de croix, des manières de « Dupont la joie » et un zest de « L’étranger » de Camus lorsque le malaise vire au cauchemar.  A lire aussi, cette « Fleur de tonnerre », récit également tiré de l’histoire criminelle avec cette tueuse en série, empoisonneuse bretonne, Hélène Jégado, genre de grande faucheuse de l’assiette…

Et récemment, je viens de faire un tour dans « Le magasin des Suicides », toujours du même auteur, le prolixe et déconcertant Jean Teulé nous offre cette fois-ci une narration imaginaire mais d’un humour noir décapant, voire revigorant dans lequel il est question d’un magasin « où l’on veut depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider ». C’est une farce drôlatique et…finalement pleine d’entrain où les personnages portent de singuliers patronymes (de suicidés célèbres !) comme Marilyn, Mishima, Alan (Turing, inventeur de l’ordinateur d’où viendrait la pomme Apple) qui a trempé une pomme dans une solution de cyanure et l’a croquée (d’où le célèbre logo…). Boutique où l’on ne dit jamais au revoir ! Aux clients…Magasin où les gérants mangent même du gigot d’agneau qui s’est jeté de la falaise. O conscience professionnelle quand tu nous tiens…Quant à la porte de la machiavélique officine, elle est dotée d’un squelette qui tintinnabule lorsqu’on entre….Et parlant du slogan, il est merveilleux de logique : Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort !

 Décapant également ce Charly 9, un zest iconoclaste de ce Charles IX qui a 22 ans commandita (sous le joug de sa mère, Catherine de Médicis) le massacre de la Saint-Barthélemy. Il devint fou et sua du sang…Le monarque sanguinaire (dans tous les sens du terme) confiera : Sans doute que j’aurais pu devenir un grand roi. Lui qui sera jeté, non pas à Saint-Denis mais dans une fosse commune.

Enfin, paillard et coquin à souhait, Héloïse, ouille ! est une farce historique charnelle et sensuelle, mais également une puissante et incroyable histoire d’amour qui reste gravée au fil des siècles. Teulé la sublime avec élégance et trivialité, mais :  Une amour (on employait le féminin à l’époque !) de cette ampleur escalade le ciel !

 Oui, j’aime les ouvrages de Teulé qui rappellent à l’être humain que vivre et mourir ne sont…finalement pas de tout repos…et qu’entre les deux,  ma foi, il se passe bien des choses !

                                                                                                               @Laurent BAYART

  • Entrez dans la danse ! éditions Julliard,
  • Fleur de tonnerre, éditions Julliard
  • Mangez le si vous voulez ! éditions Julliard
  • Le magasin des suicides, éditions Julliard.
  • Charly 9, éditions Julliard.
  • Héloïse, ouille !, éditions Julliard.