Tous les articles par Laurent Bayart

MICHEL MARTINE OU LE THEATRE COMME ETERNELLE JEUNESSE

      Béarnais d’origine, Michel Martine est devenu Strasbourgeois de cœur et d’âme. Dramaturge, metteur en scène, féru d’astrologie, plasticien, écrivain,  il est curieux de tout, dans la lignée des grands érudits et humanistes des siècles passés. C’est un homme prolixe et pluridisciplinaire – la silhouette élancée – svelte jeune homme à l’âge déjà bien avancé (mais il court trop vite, les années n’ont pas de prise sur lui !) qui continue à arpenter les planches théâtrales avec sa troupe Le Théâtre Populaire de la Petite France, existant depuis plus de 40 ans dans le paysage culturel alsacien. Rarissime ! Cette longévité du créateur et de son enfant (sa compagnie) est une marque de sérieux, d’un enthousiasme toujours débordant et d’un profond respect du public. Du reste, les salles sont souvent pleines et l’assistance composée de jeune public. La troupe anime des ateliers d’art dramatique et présente de nombreuses créations au fil des saisons. Patrice Lobel, comédien et metteur en scène, poursuit l’œuvre féconde du fondateur avec la même passion et talent. L’an dernier, la troupe a présenté « Christophe Colomb » de Michel Ghelderode et, en 2012, « Athalie » de Racine.

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En 2015, du 28 octobre au 5 novembre, elle proposera une adaptation décapante de « Drôle de tram » de Laurent Bayart qui s’intitulera pour l’occasion « Un tramway nommé délire ». Décidément pas le temps de s’ennuyer, entre les stations, avec un gaillard comme Michel Martine !

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE / A VELO, VITE ! OU VIVE LA CRISE !

Il est indéniable, crise économique oblige, que le vélo deviendra un enjeu incontournable dans la politique des transports urbains et périphériques. L’ouvrage de Véronique Michaud, secrétaire générale du club des villes et territoires cyclables, le rappelle. A vélo, vite ! constitue un petit bréviaire qui a le mérite de faire un point précis dans ce domaine. L’auteur se base sur de nombreuses études et sur la politique des déplacements quotidiens dans certaines villes, et des pays déjà à la pointe dans ce domaine. Ce livre fourmille de chiffres et d’indications précieuses. Une manière d’inciter les pouvoirs publics et les collectivités à se mettre la tête dans le guidon ! D’ailleurs, l’indemnité kilométrique ne vient-elle pas d’être votée ? Une incroyable avancée…

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Bénéfique en terme de santé publique, d’économie, de réduction de la pollution, le vélo relie au territoire et s’y adapte avec souplesse../..A vélo, on est en mode lecture du territoire. Les Français effectuent 87 km par an et par habitant contre 300 dans certains pays du nord. On apprend que Copenhague est la ville phare au niveau des déplacements en vélo, avec 38% de part modale et la réalisation d’une voie express. Strasbourg est également cité en référence, avec 8% de déplacements à vélo sur l’ensemble de l’agglomération et 14 % dans le centre-ville ! On y découvrira avec intérêt qu’il existe des vélos-écoles. Ces derniers forment environ 100.000 personnes par an…et que l’on estime la demande à 750.000 ! La pratique actuelle du vélo permet de réaliser 5,6 milliards d’économie sur les dépenses de santé, mais on pourrait atteindre les 15 milliards si la part modale du vélo s’élevait de 12 à 15%. Les chiffres, s’ils donnent le vertige et le tournis (n’allez pas consulter votre toubib pour autant !), parlent néanmoins d’eux-mêmes.

Reste le bonheur de la rencontre, du temps grappillé sur le tourbillon de la vitesse, des fraternités retrouvées, du bien-être du plaisir de croiser l’autre, des moments de convivialité et de chaleur réinventés, du stress évacué…Moments qui ne seront jamais quantifiés. Désir de renouer le fil perdu des instants d’échange et de partage. Et puis, comme l’indique fort justement, Véronique Michaud, le monde du numérique et du multimédia ont un dénominateur commun avec la petite reine. En effet l’ordinateur et la bicyclette sont affublés du même surnom : la bécane ! Et même parfois, il arrive que les deux rament…

                                                                                                                      Laurent BAYART

  • A vélo, vite ! de Véronique Michaud, Editions Fyp, 2014.

 

LIVRE / L’INCROYABLE PERIPLE SUR LES ROUTES ET PISTES DU BRESIL.

        Quand on connaît l’état des routes (ou des pistes) au Brésil, on se demande si l’entreprise de Laurent Salinier-Auricoste ne s’apparente pas à une tentative de suicide. En effet, relier Cayenne en Guyane à Rio de Janeiro au Brésil en vélo, c’est-à-dire se taper 6.982 km en chambre à air, à travers une partie de l’Amazonie, représente un pari fou et risqué, surtout lorsqu’on sait que les conducteurs de trucks ou d’automobiles font peu de cas de ces allumettes – que sont les hypothétiques cyclistes – qui tournent les jambes sur une miteuse moquette de goudron.

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Ce récit de 372 pages est celui d’un bourlingueur qui raconte « ce qu’il a vu et non ce qu’il aurait voulu voir ». Laurent Salinier-Auricoste est un incroyable baroudeur qui narre ses improbables aventures fourmillant de personnages baroques et fantasques rencontrés sur sa route (ou sente en latérite). Il démystifie un Brésil –éternelle grande puissance en devenir – dont l’immensité des terres se retrouve ceinturée par d’immenses fazendas où les villes sont jonchées d’immondices, du prurit d’une circulation convulsive et bourrées de favelas où errent les silhouettes de fantômes menaçants. Il traverse ainsi le nordeste et la pauvreté endémique des « sans terre » au son de la musique et de la danse du forro, des incantations des évangélistes, des matches de foot et des conseils éclairés d’autochtones  qui lui proposent  de s’égarer  plutôt que de rester sur le bon chemin…

On notera que ce voyageur discret (pas de portrait, ni de photos sur le cahier central) possède une connaissance sociologique, historique et géographique assez surprenante de ce pays qui s’apparente à un continent. Le cycliste décrit ses escapades gastronomiques et ses rencontres dans les auberges pousadas ou dans les bouis-bouis qui foisonnent le long des routes et dans lesquels il est toujours possible de se ravitailler. Des pétarades de motocyclistes, des coups nerveux de klaxons, un tumulte d’exclamations et de plaisanteries échangées de trottoir à trottoir : me voilà bien au Brésil. Notre explorateur à pédales se révèle être un fin humaniste et observateur du monde, mais surtout un passionné de ce pays qu’il adore.

 Et cet anti héros, arrivé à Copacabana, n’a rien prévu de mieux –pour sa promotion – que de demander à un baigneur d’immortaliser l’événement par une petite photo… Un vrai de vrai qui mérite d’être pris – lui et sa bicyclette – dans les bras du Corcovado (le Christ rédempteur) !

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Dans la poussière du Sertào – A vélo sur les routes du nordeste brésilien de Laurent Salinier-Auricoste, éditions de L’Harmattan, 2014.

LIVRE / UN VELO-HIPPOCAMPE DANS LE CIEL

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 Après plus de neuf millions de kilomètres, onze mille heures de vol, quinze mois de ma vie passée dans le ciel pour aboutir à ce constat : j’ai parcouru le monde sans le voir. Ainsi parle François Suchel, pilote de ligne à Air France qui s’est lancé un grand défi : rallier Canton (Guangzhou) à Paris en bicyclette…On peut vouloir partir, parce qu’on n’a jamais voyagé. Moi, j’ai décidé de voyager parce que je suis trop souvent parti.

Et voilà, cet écrivain-cycliste lancé dans ce projet fou de traverser l’Asie et l’Europe. « Sous les ailes de l’hippocampe » (L’hippocampe ailé est peint sur les moteurs des avions d’Air France – depuis sa création en 1933 -). On appréciera dans ce récit – mené sans temps mort – l’extrême connaissance, historique et géographique du sujet. Il fourmille de détails bien documentés. Ce baroudeur nous raconte sa longue errance et ses moments d’abattement, car son périple laisse sa femme et ses trois enfants sans père et privé d’époux pendant de longues semaines…C’est presque « J’irai dormir chez vous » sauf qu’en Chine, le bourlingueur rencontre l’indifférence des autochtones et la corruption des responsables locaux, un vaste empire en chantier dont la pollution est endémique (La plus désagréable étant sans aucun doute la cigarette !). Il frôlera la correctionnelle en étant arrêté par la police….Le cycliste préfèrera les steppes et les habitants du Kazakhstan, finalement bien plus accueillants…

Traversant la Russie, notre ami confiera –non sans humour – que ce pays est jonché de bris de verre ; de tessons de bouteille de vodka (le territoire est truffé d’alcooliques !) qui mettra à mal son foie et surtout sa chambre à air…Il rentrera de ce voyage heureux mais tout de même un zeste désabusé, désacralisant un peu le mythe de «L’usage du monde » de Nicolas Bouvier ou des chevaliers de l’aventure à tous crins…Au final, « l’hippocampe-cycliste » constatera, arrivé chez lui, qu’il est 16h05, la fin et le début d’un voyage. Le vrai commence au retour, non ?

François Suchel nous livre probablement un des meilleurs récits dans ce domaine.

                                                                                                                Laurent BAYART

 

* Sous les ailes de l’hippocampe, Canton-Paris à vélo, le défi d’un pilote de ligne de François Suchel (éditions Guérin, 2014).

 

LAURENT BAYART AU SALON DU LIVRE DE SOUFFELWEYERSHEIM LES 6 ET 7 DECEMBRE.

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Trêve hivernale oblige, Laurent BAYART délaissera son (inséparable) vélo pour aller se mettre à…table, à l’occasion de la nouvelle édition du Salon du Livre de Souffelweyersheim. Vous pourrez le rencontrer durant ces journées où il se fera un plaisir de dédicacer ses derniers ouvrages et d’aller à la rencontre de ses lecteurs-supporters.

 * Salon du Livre de Souffelweyersheim, le samedi 6 décembre de 14h à 18h et le dimanche 7 décembre, de 10h à 17h (Espace Sportif des 7 Arpents).

BILLET D’HUMEUR /ACTE 15/ LA SOCIETE DU MALAISE OU DEBOUT LES MACONS !

 Nos sociétés sont en crise. On s’en aperçoit tous les jours. Les médias ne cessent de relayer les agitations et autres « petites phrases » assassines des hommes politiques, égarés dans la nasse des émissions « people ». Il faut être vu pour vendre son livre et un peu moins, pour défendre ses idées. Le long glissement vers la boue et la guimauve se poursuit inexorablement. Les invectives et injures sont déversées régulièrement. Chaque jour, une nouvelle polémique – comme un jeu macabre – enfle en baudruche de crachats sur la place publique. Même les humoristes perdent leur sens….de l’humour et en vont de leur pauvre chamaille, eux aussi ! Une mise en examen en cache une autre. Des responsables politiques se comportent comme des margoulins, faisant la leçon aux laborieux quidams pour finalement se faire prendre la main dans la cuvette…D’autres font les gros titres des journaux, déjà condamnés pour finalement être innocentés… bien plus tard. Mais cette « new » ne fait l’objet – dans la presse – que d’un maigre entrefilet. Personne ne le lit et ne s’en intéresse ! Le mal est fait. Le mensonge a pris la mesure de la parole. On ne croit plus à l’engagement politique. Et, quelques « sans culotte» ou « sans dent » livreraient bien cette racaille en cols blancs à la machine du père Guillotin ! Pour peu qu’elle existât encore…

Le cloaque inonde l’espace public. Comment croire encore en des idéaux ? En des personnes qui ne profaneront pas le temple ? En l’intégrité des gens et de leurs actions ? Comment espérer en des lendemains qui chantent ? Les indicateurs économiques en chute libre, le taux de chômage toujours en hausse. Même l’Europe est fustigée, avec ses fonctionnaires et son incapacité à fédérer les énergies. Elle ne fait plus rêver. Au-delà des frontières, la soldatesque en profite pour faire résonner leurs bruits de bottes. L’histoire est un film – en éternel recommencement- qui ne connaît jamais le générique du mot fin…Eternelle boucle de la pellicule.

Septième Art ? Les êtres humains sont devenus spectateurs de leur propre décrépitude. Devant l’écran blanc, c’est leur histoire qui est racontée. Comment reprendre « la main » sur tout ce fatras ? Comment redevenir acteurs au milieu de ces décors qui –chaque jour – s’effondrent un peu plus…

Inventer un monde nouveau et surtout meilleur, avant que les ruines ne prennent le dessus. Il sera toujours tant de reconstruire. Pour peu qu’il reste encore des maçons, il conviendra alors de les extirper des longues files d’attente et des guichets de Pôle Emploi ! La seule bâtisse restée encore debout en ces temps de crise…

                                                                                                                      Laurent BAYART

LIVRE/ L’AVENTURE SAUVAGE DE SARAH MARQUIS.

 

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          Indéniablement, la couverture m’a attiré : un marcheur (de profil) gros sac à dos tirant une « charrette » sur un fond de steppe désertique. Il s’agit de Sarah Marquis, élue aventurière 2013 Europe et nominée par le « National Géographic ». Son livre « Sauvage par nature » raconte son ahurissant périple « de Sibérie en Australie, 3 ans de marche extrême en solitaire ». Cette femme, dans la lignée de ses ainées, Ella Maillart et d’Alexandra David-Néel, est partie défier les ruades des cavaliers mongols et les trafiquants de drogue, sans compter les petites et grosses bêtes rencontrées sur sa route ou près de sa tente de fortune : serpents, buffles et parfois imposants crocodiles…mais la créature la plus dangereuse restant – sans conteste – l’être humain !

S’ils sont souvent passionnants, ce type de récits des baroudeurs du globe sont rédigés dans un langage sommaire où les notes s’emmêlent. Là nous avons affaire à une écriture déjà bien affinée et cohérente. L’originalité de cet ouvrage de 300 pages réside dans le fait qu’elle nous raconte la médaille mais aussi son revers et ce qui se trame derrière le (pudique) rideau…Ainsi, mi-amusée, mi agacée, elle se demande pourquoi certains mâles mongols s’arrêtent pour pisser juste devant elle ? Elle n’obtiendra jamais de réponse. Notre guerrière des confins de l’Asie devra fréquemment poser son bivouac à l’abri des regards et des convoitises…Sarah Marquis nous rappelle que : les déserts éloignent les gens qui ne savent pas regarder, ceux qui ont besoin de divertissement et d’agitation. Plus loin, elle rajoute : La nature laisse des traces derrière elle, il suffit de les « décoder » pour la comprendre et survivre.

Cette Suissesse d’une quarantaine d’années (la Suisse est le pays qui recense le taux le plus important d’aventuriers sur son territoire !) termine par une judicieuse définition de l’aventure : Toute entreprise où le risque est considérable et dont la réussite est douteuse ». Mais, dans le fond, la vie ne s’apparente-t-elle pas à une improbable aventure ?

                                                                                                                      Laurent BAYART

* Sauvage par nature de Sarah Marquis, Editions Michel Lafon, 2014.

THEATRE / CREATION DE « LA CAMPAGNE » DE LA COMPAGNIE LE TALON ROUGE OU LA BARBARIE DU JEU « PAPIER CISEAU CAILLOU»

 

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                 Faut-il le rappeler ? Le théâtre est lieu de l’essentiel. Il raconte cette ligne de fracture/ partage des eaux des destinées humaines. Catherine Javaloyès (voir articles précédents sur le site), metteur en scène et responsable de la compagnie alsacienne Le Talon rouge, nous le remémore avec justesse. Elle vient de présenter « La campagne » de l’auteur anglais Martin Crimp. Un palpitant moment de théâtre où la prouesse du trio de comédiens nous offre le frisson des moments rares.

L’histoire de Corinne et de son époux Richard, médecin généraliste, pourrait ressembler à une feuille de papier musique où les trous entreraient tout « naturellement » dans le système d’un orgue de barbarie (ô la bien nommée !), s’il n’y avait de jolies paires de ciseaux (en couleur) pour taillader la belle harmonie. Un soir, le mari ramène au logis familial une (belle et sensuelle) rescapée d’un naufrage…Et voilà que l’eau du robinet n’a plus le même goût et l’agencement des meubles se trouve tourneboulé. La si douce terre campagnarde devient une zone sismique qui fissure le beau miroir des apparences et autres convenances. Le jeu devient celui du massacre et les ciseaux, tronçonneuses…

Outre l’incroyable densité du texte, la rythmique du jeu, le décor dépouillé, la chorégraphie des lumières, on appréciera – peut-être avant tout – la prouesse des comédiens : Nancy Guyon, François Kergoulay et Catherine Javaloyès. Duos au tac au tac, ricochets, dialogues en enfilades/estafilades, ahurissants face à face qui font l’indéniable réussite de cette pièce. Epoustouflante dramaturgie où les « culs-de-sac et autres évitements » mènent à cette frénétique partie de ciseaux-frénie… Là où une grosse pierre s’installe à l’endroit du cœur et de l’amour.

                                                                                                                      Laurent BAYART

 « La campagne » de Martin Crimp de la compagnie Le Talon rouge, mise en scène de Catherine Javaloyès. Taps Laiterie à Strasbourg, représentation jusqu’à dimanche 9 novembre à 17h.

Contacts / talonrouge@free.fr

NE VOUS LAISSEZ PAS METTRE EN BOITE (AUX LETTRES) PAR VOS COURRIELS ! BILLET D’HUMEUR / ACTE 14

            Incontournables aujourd’hui dans le monde du travail, les messages électroniques viennent bourrer votre boîte aux lettres de leurs petites enveloppes virtuelles. Plus moyen d’y échapper ! Le salarié moderne – qui plus est au bureau – est submergé par ces messages insistants qui finalement participent au stress de la vie dite moderne. Les neurochirurgiens sont formels : ils seraient responsables d’une perte de 10 à 15% de la productivité…/…car la majorité d’entre nous n’est pas faite pour traiter deux informations à la fois. Nous voilà prévenus. L’homo erectus ne peut pas courir après deux dinosaures en même temps !

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En plus, on lui colle des réunions qui représentent des instants remplis de vacuité où les paroles défilent, souvent truffées d’enflures verbales et d’incompréhensibles superlatifs mais sans beaucoup de sens (pratique). Ainsi, 88 % des personnes considèrent y perdre leur temps ! Ben voyons… Quel scoop ! La pression exercée, les tâches multiples et souvent le non-remplacement des personnes parties à la retraite font que nos contemporains se retrouvent complètement peroxydés…Au bord de l’incendie interne ! Le plus comique –si l’on peut dire – est que, d’après des études, être débordé reste perçu comme un signe d’importance ! Curieux ces bureaucrates qui abhorrent les messages électroniques mais reconnaissent dans ces petites enveloppes le grisant pouvoir d’être surbookés, nourrissant aux grains nobles les vautours du stress. Bref, comme dirait la pub : il n’y a que mail qui m’aille…

                                                                                                                  Laurent BAYART

 

  • DNA, mercredi 24 septembre 2014 « Le grand stress des « hyperconnectés ».

UNE ETOILE DANS LA NUIT / LE JOURNAL D’HELENE BERR.


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       Préfacé par le récent prix Nobel de littérature Patrick Modiano, le journal d’Hélène Berr se présente comme un intense et vibrant témoignage d’une des périodes les plus sombres de notre histoire. Ce journal-récit s’échelonne de 1942 jusqu’au début de l’année 1944. Hélène, juive issue d’une famille aisée (le père est industriel), raconte sa soif de vivre, ses sorties culturelles dans un Paris occupé où elle sent – d’une manière étrangement prémonitoire – la tragédie qui se prépare. Elle exulte d’amour et de passion, ode à la vie et à la beauté des éléments, à contretemps du poids d’une actualité qui écrase les destinées. Elle doit déjà jongler, sinon faire du gymkhana, entre les rafles plus ou moins annoncées. Elle éclate littéralement d’amour pour un jeune homme Jean Morawiecki : « Je lui avais trouvé l’air slave, l’air d’un prince slave ». Il s’engagera dans la résistance pendant que, peu à peu, disparaissent les silhouettes « étoilées » dans la ville lumière étranglée par la peste nazie : «  Il y a du beau mêlé au tragique. Une espèce de resserrement de la beauté au cœur de la laideur »

Outre une indéniable qualité d’écriture, on est impressionné par cette femme romantique qui ose encore s’émouvoir et aimer au milieu d’un chaos qui creuse son effroyable fosse. Ce journal, devenu « texte mythique » qui a été offert au Mémorial de la Shoah, est d’une troublante modernité. Il y décrit cette inexorable montée de l’horreur, les camps d’internement, le « Vel d’hiv’ », les trains à bestiaux, l’humiliation quotidienne de cette étoile cousue aux manteaux : « Ce soir, tout a changé à nouveau : je trouve que c’est une lâcheté de ne pas le faire (la mettre), vis-à-vis de ceux qui le feront ». Ce destin hors du commun nous ouvre la voie et nous exhorte à ne jamais renoncer…Les flammes d’hier n’ont pas encore fait taire leurs braises. D’autres incendies tels des fœtus dorment dans le ventre des dictateurs fous.

                                                                                                                      Laurent BAYART

 * Hélène Berr, journal, préface de Patrick Modiano, Points, éditions Tallandier, 2008