Tous les articles par Laurent Bayart

LIVRE/ L’ŒUVRE MAGISTRALE DE LA COREENNE MIA YUN OU LES AMES DES ENFANTS ENDORMIS.

         Autre petite découverte (ça vaut le coup de faire des réserves de littérature (en période de confinement) sur sa table de chevet !) avec l’auteure coréenne Mia Yun qui vit aujourd’hui aux Etats-Unis en tant que traductrice, écrivain et journaliste.

Ce livre, joliment intitulé Les âmes des enfants endormis, est un mélange de souvenirs, de contes poétiques, de récits et d’envolées oniriques pleines de tendresse dans un monde fissuré par la guerre de Corée. Histoire d’une femme, délaissée par un mari absent, qui élève seule ses enfants au gré des vicissitudes de la vie et de ses multiples déménagements, allant même jusqu’à faire du porte-à-porte en proposant des gâteaux de riz…

Beauté d’une écriture coréenne qui mêle tradition et modernité où l’on apprend que les pénis des gamins sont nommés des piments. Souvenirs des enfants, et notamment de la jeune Kyung-A, confiés souvent en « gardiennage » à la grand-mère. Histoires de la femme-citrouille et de ce père, mort assez jeune, qui a attrapé la maladie de la colère et a commencé à boire, lui qui ne buvait jamais. 

Multiples pérégrinations qui nous amènent à Pusan, sur la côte Sud : le San Francisco de la Corée, un monde d’adultes, d’hommes seuls et de filles « vendant leur printemps »…où traine l’ombre menaçante des GI en déshérence ou celle de quelques espions venus du nord…On apprend aussi que les marmots étaient astreints à rédiger des « lettres de réconfort » à l’adresse des soldats qui défendaient la frontière, la fameuse « DMZ »…

Quant aux cours d’histoire, les élèves apprenaient que sur la carte de l’Asie du Sud-Est dont se servait notre instituteur, la Corée, en forme de lapin était bordée au nord par la Russie, à l’ouest par la Chine et à l’est par le Japon…

Une littérature narrative à découvrir par cette poésie et cet art de raconter que distille avec finesse Mia Yun, nous précisant que les esprits des enfants qui font la sieste partent en expédition sous la forme de papillons.

                                                             Copyright Laurent BAYART

Les âmes des enfants endormis de Mia Yun, Editions Denoël, 2017.

LIVRE / LE GENIE LITTERAIRE DE SU TONG

          On le connaît par ce petit chef d’œuvre qu’est Epouses et concubines adapté magistralement au cinéma, Su Tong est un écrivain chinois majeur. Il suffit de lire l’importante bibliographie d’un auteur né en 1963 pour s’en convaincre, son pseudonyme étant tiré de sa ville natale de Suzhou. Dont acte.

Je vous invite aussi à découvrir, entre autres, Le dit du loriot, qui nous emmène par le biais de trois adolescents, personnages phares d’une superbe narration où « la mante qui attrape une cigale oublie le loriot qui la guette ».  Baorun, garçon balourd, Liu Sheng, séducteur magouilleur et Princesse, pin-up, égérie de ces garçons. Leurs « vertes années » tourneront au vert de gris avec le viol de cette dernière et l’incarcération de Baorun (orfèvre et psychopathe des nœuds de cordes tous azimuts, qui ficèle le grand-père comme un saucisson) faussement accusé de ce crime sexuel…

Princesse, libellule charnelle, courtisée par les deux adolescents, improbables frères, Pourquoi tu veux à tout prix y aller à moto ? Elle lui avait fait une réponse mi-figue mi-raisin, à moto on peut mettre un casque, et j’ai envie d’en mettre un…Quant à cette tête-brûlée de Liu Sheng, il veut danser le xiaola avec la belle : Tu me prends pour une danseuse de bar ?  Tu as des microbes dans la tête ? Des cordes, comme des fantômes, des serpents qui ceinturent et enserrent la frénésie de vivre de ces personnages. 

Baorun, sa peine purgée, reviendra quérir ses dix années de prison, sa jeunesse consumée…Les cordes de nylon blanc arrivèrent les premières, suivies des vertes. Puis des cordes de chanvre, de raphia, des câbles d’acier…

Trois chapitres magistraux au nom de ces trois personnage faisant danser frénétiquement la narration qui se termine par Princesse, devenue mademoiselle Bai, qui enfanta un curieux bébé colère…, fruit d’une passade, d’un viol- cette fois-ci – sans effraction.

                                                           Copyright Laurent BAYART

Le dit du loriot de Su Tong, Editions du Seuil, 2016.

LIVRE / CHIYO UNO OU UNE SARAH BERNARDHT A LA MODE JAPONAISE.

Autre petite pépite dégotée, dans le domaine de la littérature asiatique, que je découvre. Il s’agit de cette auteur(e) sulfureuse qu’est Chiyo Uno. Née en 1897 (décédée à l’âge de 98 ans), elle est l’une des plus célèbres romancières japonaises. Chiyo Uno connut un succès retentissant avec ce livre que je tiens entre les mains aujourd’hui : Confession amoureuse.Outre la littérature, cette femme exceptionnelle a fondé un magazine de mode et lancé une marque de kimonos…Elle pose, à son époque, la question dérangeante, en précurseur, de la liberté et du rôle de la femme et vécut en mode « bohême », loin de la soumission imposée à ses congénères. D’ailleurs, n’a-t-elle pas déclaré : que l’essence de sa vie est de ne pas avoir suivi les règles de quelqu’un d’autre et d’en avoir fait à sa guise…

Affranchie et libérée à la manière de Colette ou d’une Sarah Bernhardt, un zeste délurée. Cette Confession amoureuse nous installe dans cette parenthèse sentimentale dans laquelle un artiste volage, en instances de divorce, papillonne – parfois dangereusement – avec plusieurs égéries dans ses filets. La narratrice, pour ce faire, enfile une silhouette masculine pour rédiger cette belle histoire. Yuasa Jôji s’éprend de plusieurs femmes dont Takao etTsuyuko. Dans l’esprit romantique, l’artiste tentera un suicide en duo qui tournera court…A signaler, cette scène décrite avec talent, telle une lente remontée vers les lumières de la vie. Moralité : les Don Juan ont aussi leurs ange-gardiens !

Un ouvrage qu’on lit comme un régal de littérature.

                                                             Copyright Laurent BAYART

Confession amoureuse de Chiyo Uno, éditions Denoël, 2019.

BILLET D’HUMEUR / ACTE 94 / UN MOIS D’AVRIL EN QUEUE DE POISSON…

Tristounet 1er avril ou une fête en queue de poisson…

En ce premier jour d’avril, propice aux blagues et aux (délirantes) fake news, le cœur n’est pas à la gaudriole et au calembour. De jour en jour, la planète se retrouve dans la dévastation et la stupeur face à ce virus qui sème l’effroi et la mort, au fil des pays. Le château de cartes s’effondre à vue d’œil. Passe-murailles et passe-frontières, le monde microbien du minuscule vient mettre l’omnipotent roi de la création, genoux au sol…Triste poisson d’avril, comme une arête fichée dans le gosier du bipède mastodonte qui semble dépité et (totalement) dépassé par les événements. Film catastrophe et apocalyptique dont le scénario semble se rédiger sous nos yeux globuleux de poisson rouge. Une sorte de fin du monde ou plutôt, celle d’un monde…Il semble qu’il n’y ait pas une personne de son entourage, de ses connaissances qui n’échappent à ce tsunami faisant tousser la planète, comme si l’air était irrémédiablement pollué par cette peste qui nous viendrait d’un marché chinois ? Et voilà que les ancestrales peurs ressurgissent, le Moyen-Age et son cortège de charrois nauséabonds. Et pourtant, ne nous trouvons-nous dans ce siècle, numéro vingt et un, si imbu de sa fine technologie, de l’orfèvrerie (fièvre ?) de son multimédia,  et de sa science si affinée ou plutôt raffinée ?

Pathétique 1eravril, un virus vicieux collé dans les alvéoles des poumons ou ailleurs, à la place d’un sympathique poisson dans le dos. 

On voudrait avoir la force d’en rire, sinon d’en sourire, mais quelques larmes salées, en version océane, nous échappent. Cette mer va-t-elle devenir à l’image de celle d’Aral ou à la façon de la Mer Noire ? L’actualité nous a flingué les zygomatiques.

Avril ne se découvrira pas d’un fil(et) de pêche…planté dans le dos d’un chalutier. Décidément, les sirènes contemporaines se révèlent être bien malicieuses…

                                                             Copyright Laurent BAYART

                                                                           1eravril 2020

BILLET (de mauvaise) D’HUMEUR / ACTE 93 / UN TOUR DE France CONFINé DANS VOTRE SALON !

Nous voilà devant une flopée et autre kyrielle d’annulations des grandes manifestations sportives suite à la pandémie due au coronavirus. Après les matches de foot, voici que ce sont les Jeux Olympiques dont les anneaux sont passés à la trappe avec leurs breloques. A la Flamme rouge ? Plus récemment de nombreuses classiques cyclistes ont été annulées, voire totalement « raccourcies »  à coups de ciseaux, comme le printanier Paris-Nice. Voilà maintenant qu’il est question de notre monument national qui a lieu tous les ans en juillet : le Tour de France.

En fait, notre sympathique ministre des Sports, Roxana Maracineanu, ancienne championne de natation, née à Bucarest, a évoqué (sans rire) la possibilité d’organiser laGrande Boucle à huis clos ! Alors là, franchement, les bras m’en tombent ou plutôt…je chute de ma selle ! Oups, mal aux muscles fessiers ! Est-ce le chlore des piscines qui lui a fait perdre la tête ? Franchement, vous voyez ça, vous ? un Tour de France sans personnes sur les bas-côtés de la route, dans les rues désertées des villes et dans les campagnes ? Quelques vaches, chiens errants et poules buissonnières comme supporters ? Cet événement populaire partagé par tout un chacun, ce Noël en juillet comme l’écrivait Louis Nucéra, qui serait uniquement retransmis à la télévision ? En fait, les aficionados du Tour, avec le mystique El Diablo, déplieraient leurs chaises, strapontins et autres tables sur le tapis du salon ! Avec canettes et litrons de vin, saucissons (cochonou ?) en goguette…Exit, les longues heures d’attente à n’en plus finir, à picrater un peu de vin et deviser avec son voisin, et à attendre (imp)patiemment la multicolore et tonitruante caravane publicitaire, long serpentin, du Tour de France…

D’autres parlent de raccourcir les trois (l’étroit) Grands tours et d’inclure les classiques entre…ou d’organiser un méga Tour d’Europe, via l’Italie, la France et l’Espagne ! Oups. 

On perd un peu les pédales devant toutes ces conjectures abracadabrantes. Pire, on déchante ou plutôt, on déjante… Le plus simple, ne serait-il pas, d’annuler purement et simplement ce Tour. Boucler la Grande Boucle,ce grand chahut et attendre des temps plus propices, sinon meilleurs ? Et tant pis pour le business ? Non ?

Car, faire passer le Tour de France dans votre salon, alors là…Faudrait vous mettre sur le bas-côté de votre canapé, en pantoufles sur la chaussée moelleuse de votre tapis et planquer votre chat dans la cuisine !

                                                             Copyright Laurent BAYART

                                                                                 29 mars 2020

LIVRE / LA PASSERELLE MAGIQUE DE WU MING-YI.

La couverture est tout simplement magique, voire envoûtante. Pensez, un zèbre qui déambule sur une passerelle…Voici un auteur taiwanais absolument remarquable qu’il convient de découvrir de toute urgence. Wu Ming-Yi nous régale, avec sa dizaine de récits qui prennent leur source sur la passerelle reliant deux bâtiments du grand marché de Chunghua à Taipei. Le narrateur, au début, un jeune garçon (vendeur de semelles) fait la rencontre d’un illusionniste qui viendra bouleverser sa vision du monde et des rapports humains…

Le magicien sur la passerelle est une chronique du marché des illusions comme il est justement spécifié dans la postface de l’ouvrage. C’est un lieu emblématique que l’auteur a investi d’un coup de baguette magique, celle de son écriture atypique : le marché de Chunghua est le lieu emblématique du développement économique capitaliste fleurissant dans les années 1970 : la signification du toponyme « Chunghua » suffit à évoquer l’historicité de son nom à la transformation de ce qui était autrefois un terrain vague…

Dialogue du prestidigitateur/shaman des lieux avec le petit garçon : P’tit gars, tu dois savoir que dans ce monde, il y a des choses que personne ne saura jamais. Les choses qu’on voit avec les yeux ne sont pas les seules qui existent.  Et plus loin de rajouter : Parce que quelquefois ce dont tu te souviens toute une vie, tes yeux ne l’ont jamais vu. Il y a du Petit Prince de Saint-Ex dans ce dialogue. Plus loin, à l’enfant désirant devenir magicien, celui-ci lui rétorque : Tu ne ferais pas un bon magicien. Parce qu’un magicien a beaucoup de secrets, et quelqu’un qui a beaucoup de secrets ne vit pas heureux. 

Je vous invite à entrer dans ces récits qui sont somptueux et illuminent magistralement cette passerelle où avec un zest d’imagination, on pourra apercevoir – au pied de l’escalier – un zèbre vous signifier tout simplement que l’impossible est possible. Il suffit simplement d’y croire !

                                                             Copyright Laurent BAYART

Le magicien sur la passerelle de Wu Ming-Yi, Editions l’Asiathèque, 2017.

AUJOURD’HUI, C’EST TON ANNIVERSAIRE, MON AMOUR…

Eh oui, ma Véronique, quelle idée que ce jour anniversaire en pareils moments et circonstances ! Confinés comme des huitres dans nos coquilles en pierre. Pendant que tu dors encore, je voulais t’écrire ce petit message d’amour, une façon de cadeau qui viendrait du magasin de mon imaginaire et de mon inspiration. 

Nous, mon amour, on a dépassé la quarantaine, en terme d’années, depuis que l’on se connaît ! Confinés les deux par cette alliance et par les serments prononcés un jour dans notre Val d’Ajol, poumons de nos existences et repos vert de nos coeurs. Le temps passe et nous chahute, nous bouscule et nous malmène, mais nous sommes encore – par la grâce de Dieu et de nos anges-gardiens – restés confinés ensemble et unis. Nos enfants et petits enfants comme des papillons nous remplissent le cœur et l’âme de ce bonheur qui nous émerveille au quotidien. 

Mon bélier, ma haute-saônoise, les années filent et passent mais ne nous lassent jamais. Etre avec toi, chaque jour, c’est apprendre à vivre et rester heureux, un mot majuscule dans notre monde plein de turbulences.

Ce petit texte à ton réveil devant un café fumant et un monde à ré-enchanter avec toi. Poème-croissant à croquer. Demain, restons ensemble, à conjuguer nos vies à tous les temps du verbe aimer. Et glissons, doucement vers demain, avec la tendresse des jours comme des rendez-vous qui passent lentement, à savourer l’instant, à l’image d’un soleil posé – tel un marque-page – entre les feuillets de nos existences. Confinés, certes mais en duo qui nous permet de rester encore debout, à nous enlacer tendrement.

L’amour, le véritable, c’est de prononcer encore les mêmes mots, les mêmes serments, après plus de quarante ans, notre quarantaine à nous, à se connaître et se découvrir,  encore et toujours…passionnément amoureux.

Tu t’en souviens, c’était hier : Je t’aime comme un et un font toi !

                                                                                Copyright  Laurent BAYART 

                                                                                    27 mars 2020    

LIVRE / LES ARCANES (TORDUES) DU MONDE DE L’EDITION AVEC JEAN-FRANCOIS MERLE COMME APPARITEUR.

Cet ouvrage est une joyeuse surprise, d’un auteur, Jean-François Merle, que je ne connaissais pas et qui a officié dans le monde de l’édition. Justement, ça tombe bien, il en parle comme s’il se trouvait en terrain conquis !

Histoire d’un auteur, plutôt tâcheron, plutôt en mode laborieux qui bute lamentablement sur la première phrase :J’en possédais un stock, de premières phrases, affriolantes et bichonnées, prêtes à l’usage, consignées dans une chemise à soufflet… » Et le voilà qu’il se trouve en pleine angoisse de la page blanche. Plus de suite. Plouf. Et son éditrice Dolorès qui l’attend au tournant. Elle lui avait versé un solide à-valoir…qu’il a grillé en alcool. Gloup. Le piège se referme…

Pour le sortir de l’impasse, on lui propose un deal qui consistera à faire le nègre, pardon, le « prête-plume » pour l’auteur « phare » de la maison : André Maillecourt. Le voilà parti à la chasse au « grand écrivain » qui n’est finalement qu’un immense leurre, voire une tromperie éditoriale. L’écrivaillon deviendra – à son corps défendant – un véritable limier…chargé de rédiger ses mémoires à sa place ! Trois jours, donc, trois épuisantes journées durant lesquelles je m’échinai vainement à tirer les vers du nez du plus grand écrivain vivant pour percer les mystères de son génie…Si Maillencourt est un imposteur, qui a écrit ces trois livres ?  

Voilà un ouvrage à rebondissements et à facettes, finalement palpitant, sorte de huis-clos où Dolorès, l’éditrice, Solveig, la secrétaire (mais pas que…), Maillencourt, l’oncle mystérieux, clés du mystère et le narrateur constituent la passionnante dramaturgie du récit.

Ce livre est un véritable plaisir et une manière pertinente d’entrer dans les arcanes du monde de l’édition. Question : est-ce véritablement une fiction ou bien, une réalité dans le genre « toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. » ? That is the (lancinante) question !

                                                             Copyright Laurent BAYART

Le grand écrivain de Jean-François Merle, éditions Arléa, 2018.

UN RENDEZ-VOUS QUOTIDIEN SUR FACEBOOK AVEC HENRI DES OU LE MAGICIEN DE LA TENDRESSE

          J’ai chaque jour rendez-vous avec l’auteur-compositeur emblématique, le magicien-enchanteur des chansons pour enfants, qu’est Henri Dès qui me plonge dans le bonheur d’un monde un peu passé et désuet, lorsque nous étions jeunes parents à écouter ses merveilleuses comptines jouées à la guitare de sa voix si chaleureuse. Nous l’avions même vu en concert dans la salle (vintage) de la Marseillaiseà Strasbourg… Trésor de poésie et de tendresse avec ses tubs que nous chantions à tue-tête à l’époque : Les bêtises, Y’a tout qui va pas, les crocodiles, la petite charlotte…Ah, je vous entends sourire ! Tout cela est bien puéril. C’est pourtant les larmes aux yeux que je l’écoute et le revois aujourd’hui. 

         Et, merveille du temps qui se mord un peu la queue, voilà que nos enfants, devenus adultes et jeunes parents, entonnent ses chansonnettes avec leurs propres enfants, le temps d’un rendez-vous quotidien sur Facebook.  Ca m’a fait un choc de revoir ce jeune homme de (presque) quatre-vingt ans nous envoyer des tonnes d’énergie positive en « live » dans son salon, avec par moments son chien qui vient l’interrompre et sa compagne qui pousse la chansonnette, elle aussi ! Un bonheur de revoir cet artiste atypique qui sait parler (intelligemment) aux enfants avec grâce, douceur et poésie.  De son vrai nom, Henri Destraz, citoyen helvète né en 1940, a quitté l’école sans diplôme (apprentissage de dessinateur-architecte) et exerça les métiers de « vendeur de savonnette et de concasseur de camions ». Puis, autodidacte, se mit à la guitare comme certains entrent dans les ordres. Il chante d’abord des chansons pour adultes. Sa bio nous apprend qu’il fut classé (tout de même) 4èmeau concours Eurovision de la chanson en 1970, ex aequo avec un certain Julio Iglesias…Mais rapidement, découvert par le chanteur Adamo, il se lance dans ce qu’il allait devenir son karma de chanteur dit pour enfants (mais pas que…) avec une multitude d’albums, des disques d’or, d’innombrables récompenses et une kyrielle de tournées et de concerts…

On apprend aussi que cet enchanteur du verbe qui donne la parole aux enfants avait perdu le sien, au bout de cinq jours…Mais la vie lui offrit deux autres enfants qui furent ses complices Pierrick, alias Mouloud Rochat (devenu musicien) et Camille (directrice de théâtre) et de sa  première femme Marie-Jo…

Et puis, sa vie bascule récemment. En effet, cet éternel jeune homme est victime, le 27 novembre dernier, d’un infarctus  et sera sauvé, in-extremis par sa compagne Nathaly Karleen, avant que les secours n’arrivent. Son égérie lui brisera deux côtes et le sternum mais sauvera ce prophète de la bonne humeur qui – paraît-il – en pleine convalescence à l’hôpital se fit la belle pour rentrer chez lui avant l’heure ! Les deux toubibs qui le soignaient étaient en larmes : marmots, ils étaient fans de ses chansons…

Alors, avoir avec mes enfants et petits enfants, ce rendez-vous quotidien avec Henri Dès constitue un moment de joie et de bonheur, une belle échappée vers un monde de tendresse et de lumière. Une bénédiction en ces temps de tsunami viral et de dévastation planétaire…

Henri Dès nous offre le meilleur de l’homme, en passant par le monde si naïf de l’enfance. Un sourire positif qui vaut aujourd’hui son pesant d’or. On pourrait même lui décerner un Nobel à ce chanteur vaudois, non ?

                                                                            copyright Laurent BAYART

                                                                                  25 mars 2020

BILLET D’HUMEUR / ACTE 92 / ASSIGNES A RESIDENCE OU LA (SOMBRE) VICTOIRE DU SEDENTAIRE.

@ photo de Némorin, alias Erik Vacquier

Situation inédite, extra-ordinaire comme dans un film catastrophe, sauf que…Nous voilà assignés à résidence, domicilié chez nous, confinés et réduits à un huis-clos où tous les événements, rendez-vous, manifestations, rencontres, visites…se retrouvent en mode annulations et reportées aux calendes… grecques ! Il ne se passe par une journée sans que l’actualité nous étouffe de ses oxydantes et anxiogènes nouvelles. Et ce chiffre effroyable des décès en Italie…Comme une guerre qui ne dit pas son nom, un conflit dans l’infinitésimal du monde microbien. Et pourtant, le printemps est là, trompeur à souhait pour nous inviter à faire la fiesta, à sortir et aller donner de grandes bourrades sur les épaules des amis et des passants ! Que nenni, le virus vous mordra illico presto ! Et vous fera tousser, la mort dans l’âme.

Confiner, le Petit Robert nous le précise bien :Toucher aux confins, aux limites d’un pays…Nous voilà donc chez nous, dans notre territoire sacré, dans l’herbe folle du jardin ou sur le tapis persan (super, une évocation au voyage !) ou le cuir « vachement » confortable du salon en mode pause (qui dure). Voilà que nous sommes invités à rester sagement derrière notre paillasson. Barbelés à ras du sol de la frontière.

Voici venu le temps béni pour les sédentaires invétérés. Plus besoin de justifier son refus lorsqu’on leur propose un voyage ! Chez moi c’est un pays buissonnier, confins dont je ne connais pas encore toutes les routes et sentes…

Le monde est à notre porte. Il suffit simplement de l’ouvrir de l’intérieur.

                                                                           copyright Laurent BAYART

                                                                                22 mars 2020