Archives de catégorie : Blog-Notes

LE DANUBE A GALATI

photo de Carmen Andrei

Magnifique et généreux Danube qui coule comme une encre magique à Galati en Roumanie. La bille incandescente du soleil vient éclairer la croix orthodoxe de cette église, telle l’oriflamme de la foi. Les bergers et les paysans des steppes et des prairies rassemblent leurs troupeaux de moutons. Quant aux vaches, elles vont éteindre les lumières du plafonnier de l’étable. Le fleuve est une icône de couleurs qui chante la romance de cette poésie s’écoulant langoureusement jusqu’à son delta. 

J’aime cet instant qui précède la nuit.  L’obscurité et sa couleur noire se préparent sur la grande palette du Magicien devenu orpailleur.

Au loin, une bougie s’allume comme une luciole. C’est juste un bateau, tel un pérégrin qui chemine jusqu’à la Mer noire devenue une manière de Santiago de Compostelle. 

Chaque marin du Danube devient pèlerin.

J’aime la sérénité de l’instant où Dieu pose quelques miettes d’éternité dans le fleuve.

Le temps et son inexorable circulation s’arrêtent devant ce feu rouge…

© Laurent BAYART

                                                                                      14 mai 2023

NOUS SOMMES DEJA SI LOIN…

photo de Némorin, alias Erik Vacquier

          Les yeux scotchés par les connexions satellitaires, perdus dans les espaces d’un impalpable cloud, nous nous trouvons si loin des instants perdus sur ce banc des attentes improbables. Regarder l’absolu des partances sans deviner l’autre pourtant si près. Le téléphone portable est devenu aujourd’hui une boite à outils capable de faire de vous des hommes-orchestre… mais aussi de vous plonger dans l’absolu de l’absence. Dialogue virtuel où nous nous trouvons en fuite dans les limbes de la communication. Et lorsque nous habitons enfin le présent, nous ne sommes plus qu’en présentiel…

Qui donc offrira cette poignée de mains tend désirée, ce baiser volé aux secondes inexorablement gâchées, ce balbutiement fécond qui transcende nos vies ? car nous n’avons pas été capables de nous voir, de nous regarder, d’habiter la tendresse d’une échappée d’amour…

Un coup de fil résonne. Personne pour prendre l’appel…d’air.

Le silence sur le répondeur se fixe comme une voix sans larynx.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                        25 avril 2023

L’AMI, L’ARPEGE DU CŒUR QUI BAT AU RYTHME DE SE VOIR…

photo prise chez un ami…

          Nous nous sommes trouvé des connivences depuis si longtemps que nous avons perdu la trace de notre rencontre sur l’agenda. Était-ce durant cette vie ou bien une existence antérieure ? Cela fait si loin que le temps a oublié de poser un caillou sur l’éphéméride. Jalons qui posent leurs sillons bienveillants en poignées de mains. Ami, quel mot magique qui nous transcende et nous porte toujours vers cette bourrade sur l’épaule, joie et fraternité des retrouvailles et de cette trouvaille de se voir et revoir comme si nous ne nous étions jamais quittés. Miracle de ces divines accointances qui rendent les destinées plus douces. 

Ami est celui avec lequel on refait le monde, même si tout cela s’avère bien utopique et illusoire. Nous sommes des pions toujours debout sur l’échiquier du (grand) jeu où des chaises et une table sont dressées pour nous retrouver dans l’aubade des paroles échangées.

S’arrêter ensemble, marcher, partager les épreuves, se moquer et rire comme si nous ne faisions qu’un.

L’ami, mot qui dérive tel un radeau syntaxique d’amare, aimer. 

Une minuscule dans la geste de l’amour, mais qui réchauffe ô combien le cœur et l’âme sans y mettre un trait d’union, ni la cédille d’une alliance. Juste cette fraternité qui joue son arpège sur les cordes de nos passions et de nos émotions.

Frère qui ne dit pas son nom mais le chuchote.

                                                 © Laurent BAYART

                                                                           23 avril 2023

IL FAUDRA BIEN QUE LE TEMPS PRENNE SON TEMPS…

Photo Némorin, alias Erik Vacquier

          Réinventer le temps au rythme de l’instant qui passe nonchalamment. S’asseoir et savourer chaque seconde comme si c’était la dernière. Regarder le sable fin s’écouler, en égrenant lentement sa dactylographie dans le sablier… L’éternité n’est pas pressée de nous voir déferler dans ses limbes et autres labyrinthes. Aimer jusqu’à plus soif et se rassasier du trille d’un oiseau persifleur. Observer un nuage qui se pavane dans le ciel, comme un ballon gonflable dont un enfant aurait lâché la ficelle. C’est peut-être ça la liberté…

Attendre et patienter à une station de bus en sachant qu’aujourd’hui aucune navette ne viendra à ce rendez-vous impromptu, hors horaire et nomenclature.

Et doucement, glisser dans cette sérénité qui fait de vous un arpenteur de bonheur et un orpailleur de sérénité.

Pendant ce temps, il est justement passé, sans se faire remarquer…

En laissant sur le sol une carte de visite vierge.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                            20 avril 2023

LA JONQUILLE, L’ALLEGRESSE JAUNE DES PRES…

          C’est une ivresse de fleurs jaunes d’or qui pâturent allégrement dans la félicité verte des prés. Jubilation de cette cueillette champêtre sous le tournesol du soleil qui enchante ce tableau bucolique. Les enfants sont lâchés en quête de bouquets en poignées de main. Classe et chasse buissonnières où chacun devient l’élève ce cette maîtresse bienveillante qu’est Dame nature. Les vaches ont pris la poudre d’escampette, alors profitez-en, les petits, pour investir leur domaine en vous faufilant sous les herses électrifiées…Gare aux coups de jus ! Les gommettes en conques couleur citron égayent cette journée passée à la maraude à ras des pâquerettes. Dans cette étendue verte, on entend sonner le tocsin de cette trompette de Jéricho ocre qui annonce la venue du printemps !

Bonheur de ces instants précieux…Les jonquilles vont bientôt quitter la conque des mains pour aller tremper leurs pieds en fines tiges, qui dans un verre, qui dans un mazagran, qui dans un vase en forme de flûte…

Voilà que la cuisine et le salon de la maison du Val d’Ajol vont se transformer en succursales des prés.

Pendant ce temps-là, les reines des champs et autres montbéliardes ont repris leur royaume…De la traite du soir à la ferme du Girmont, sortira un lait dont la blancheur aura pris une petite jaunisse.

Pis de jonquille et saveur de printemps !

                                                               © Laurent BAYART

                                                                        13 avril 2023

LIVRE / UNE PETITE PEPITE DE LA LITTERATURE CHINOISE OU «COMMENT J’AI APPRIVOISé MA MERE».

          Il y a parfois (et même souvent) des découvertes fertiles et les couvertures des Éditions Picquier sont, à l’instar de celles de vieux vinyles, de petits trésors esthétiques qui vous chatouillent les mains en vous donnant envie de les prendre !

Huang Beijia est une auteure chinoise, née en 1955, diplômée de l’Université de Pékin, elle occupe un poste au Bureau des Affaires Étrangères de la province du Jiangsu. Elle a – jusqu’à présent – publié trois ouvrages dont cet opus qui attire irrésistiblement l’attention « Comment j’ai apprivoisé ma mère ».  Il raconte les péripéties d’un petit garçon (Didi) qui, par suite du décès de son père, vient vivre chez sa mère (Mei) dont il était séparé depuis belle lurette. Elle n’était pour lui qu’une photo, voilà que cette animatrice de radio (connue sous le nom de Xin Ping) sort du cadre pour prendre vie et forme pour s’en aller cohabiter à Nankin. La grand-mère, connaissant bien sa fille qui a déserté le foyer conjugal, savait que Mei ne pourrait pas être une bonne mère, elle avait abandonné son mari et son fils pour sa carrière. Le petit garçon va mener l’enquête autour de cette mère qui anime une emblématique émission de radio en pleine nuit, très prisée. La narration file comme un long fleuve, chacun se réappropriant sa part de tendresse en essayant de rattraper le temps perdu : – Alors pourquoi tu l’as quitté ? Tu l’as quitté et tu m’as abandonné. Ma grand-mère disait que tu ne voulais pas de moi, que tu n’étais pas heureuse d’avoir un enfant. 

Voici un livre tendre sur un improbable rapport fils/mère où le temps perdu se regagne par la confiance retrouvée, et puis l’amour aussi…C’est ce qu’on appelle  doucement « s’apprivoiser ».

                                                                              Laurent BAYART

  • Comment j’ai apprivoisé ma mère de Huang Beijia, Éditions Picquier, 2008.

IL NOUS FAUDRA UN JOUR NOUS POSER DANS LA LUMIERE…

photo de Némorin, alias Erik Vacquier

          La lumière était en nous, il y a très longtemps. Dans le monde d’avant la naissance, nous étions des lucioles déambulant dans la voie lactée d’un voile placentaire. Puis un jour, nous avons été happés par un jet de lumière et avons accosté dans un « nouveau monde ». Une étoile posée dans une salle d’accouchement aux draps tout blancs… Nous sommes ainsi morts à l’envers. La lumière s’est lentement retirée de notre corps de bébé, à la peau fripée comme du papier froissée. Nous sommes partis ainsi à l’aventure de l’instant. Mais il restait toujours un peu de clarté en nous, comme un souvenir de luminosité. Une porte ouverte sur le cosmos. Le temps passe et file, on appelle ça tout simplement la vie. Jusqu’au jour où la lumière viendra nous rappeler à elle et nous emmener dans ses circonvolutions. Alors, le seul bagage qu’il nous conviendra d’emmener sera notre âme. Un puits de lumière qui s’installera dans les limbes du soleil. Pour toujours. On appelle cela l’éternité.

Et là, la lumière habillera et habitera notre silhouette. 

Le temps n’existera plus, il suffira de psalmodier une prière comme on allume une bougie dans la nuit.

                                                               © Laurent BAYART

                                                                        5 avril 2023

LIVRE/ LA YOURTE, EN MODE CHAMANIQUE, D’UN ECRIVAIN QUI VIENT DES STEPPES DE MONGOLIE.

          Les voix, sous forme de littérature, nous provenant de Mongolie sont rares. Galsan Tschinag est l’une d’elle, totalement atypique, cet écrivain a passé de nombreuses années à écumer le vaste monde avant de revenir vers son peuple de nomades du Haut-Altaï ; les Touvas. Séjournant aussi en Allemagne, il a commencé à écrire dans la langue de Goethe ! Et voilà que je tombe sur un de ses ouvrages simplement intitulé « Chaman » qui résume peut-être son singulier parcours initié par les voies de l’invisible et ses rêves (souvent) prémonitoires. L’auteur nous confie que chaque être humain est le rêve d’un être supérieur. Il suffit que celui-ci se réveille, là-bas, pour qu’une vie humaine s’achève ici. Plus loin, prenant exemple de l’eau qui gèle et de ses cristaux, Tschinag affirme : la goutte ronde reparaît. La mort n’est qu’un état transitoire. L’emblématique yourte photographiée en couverture constitue le cosmos de cet univers de pérégrins : Ce que les chameaux transportent, c’est notre logis, notre yourte, sans doute inspirée des nids que construisent les oiseaux. D’ailleurs, il écrit un peu plus loin que les chameaux comptent parmi les animaux au souffle froid ? Et ne peut donc faire l’objet d’un cadeau ! 

Nous traversons ce livre, dense et rempli de souvenirs et de récits, comme sa première rencontre avec le Dalaï-Lama ou sa scolarité durant les années staliniennes avant de reprendre le mode de vie traditionnel nomade.

Beauté de ces paysages en caravanes itinérantes, tout au long de cet infini des steppes où même le plus rapide des chevaux ne peut rattraper un mot prononcé !

                                                                             Laurent BAYART

  • Chaman de Galsan Tschinag, éditions Métailié, 2012.

MES «CALCULS AMOUREUX» QUI AFFOLENT LE COMPTEUR…

                                                                                         A Véronique, en guise d’anniversaire…

         Ce n’était pas un jour comme les autres, un serment sur un banc, place de la République à Strasbourg, devant la préfecture où je faisais mes premières armes à l’époque. C’était il y a très longtemps…Un bisou qui a mis le feu à nos vies. Blancheur de l’infirmière qui a posé de doux remèdes sur mes maux ou plutôt sur mes mots…Un stéthoscope et un stylo comme des talismans ! Jeune écrivain échevelé, j’allais signer là le livre de notre destinée. Quarante-deux ans plus tard, autant d’années de mariage à « convoler en justes noces » comme on dit…

Nous avons posé de petits cailloux sur notre sente dans l’ivresse de ces rendez-vous quotidiens. Danser la gigue sur les traverses et esquisser des pas de bossa nova dans les flammes et les chemins qui jetaient leurs chardons et leurs orties sur notre épiderme. Mais, nous sommes toujours et encore debout ! A l’instar de ce poème écrit sur notre carte de mariage en 1981 : Une rose dans tes mains ne se fanera jamais, rose sans épines qui témoignera à jamais de notre amour…

Un et un font toujours toi.  

Comme un sanctuaire en bois, ce banc de tous les serments et de toutes les promesses existe toujours. Il faudrait y graver un cœur avec une flèche, comme on grave des dates et des noms sur une stèle.

Nous étions jeunes et le sommes encore, par la grâce de nos enfants et petits enfants qui sont nos cantiques de lumière. Ils ont jeté aujourd’hui une nappe en velours sur ce banc reposoir où nous nous sommes dit oui sans savoir que c’était comme parapher un livre d’Or.

Chaque jour est un nouveau rendez-vous.

Je t’aime toujours et encore comme un et un font toi.

                                                                    © Laurent BAYART

                                                                            27 mars 2023

LES CIGOGNES ANNONCENT LE PRINTEMPS…

photo Rémi Picand

         Non, détrompez-vous, ce ne sont pas les hirondelles, comme on le clame à cor et à cri, qui annoncent la venue du printemps mais bel et bien les cigognes qui viennent craqueter sur les toits en fête des maisons. Les magnolias proposent leurs couleurs de kermesse, rose et blanche, sur leur porte-manteau éphémère, vasque en forme d’arbre qui s’évase vers le ciel que les nuages remplissent de leur eau…baptismale.

L’oiseau, grand échassier, se tient comme un point d’exclamation sur les faitières et semblent observer, goguenard, l’horizon.

Que vois-tu donc bien venir, sœur Anne, ma sœur Anne ?

Le printemps ? Mais aussi une bouffée d’espérance pour égayer le cœur des hommes. Qui sait ?

Proposera-t-elle le bretzel d’un peu de douceur et de tendresse ? Un nouveau-né dans leur besace ? Les tuiles devenant carrelage de nurserie?

Une hirondelle jalouse fait office de sage-femme. La cigogne, quant à elle, accouche du printemps…et dans la chambre de l’élue, un bouquet de magnolia annonce la naissance de cette saison si attendue, à l’image d’une (re) naissance…

                                                               © Laurent BAYART

                                                                        19 mars 2023