Archives de catégorie : Blog-Notes

SUR L’ECRITOIRE DES NUAGES

Époustouflante oraison de nuages dans le ciel. Ils jouent de l’arpège sur la toile tendue de l’azur. Je voudrais me perdre un instant dans cette chevelure gazeuse, m’imaginer épervier ou échassier à jouer du piano avec la tablature et les partitions des vents. Mais le calme règne, tout semble figé au-dessus de nos têtes. Les gouttelettes de pluie restent dans leur casemate de cumulus. Je voudrais être une hirondelle afin de rédiger un poème sur ce feuillet volage. Les mots accrochés à ma plume, mais on n’écrit plus guère sur ce genre de véhicule calligraphique. Les plumes d’oie ont disparu. On fait -désormais- de la gastronomie avec le foie de ces animaux…C’était le temps où les missives prenaient des jours et des jours pour parvenir à leurs destinataires, au rythme d’une malle-poste. Jadis, les êtres humains n’étaient pas pressés, mais aujourd’hui, les messages électroniques filent et fusent à la vitesse de la lumière. Il nous faut répondre instantanément, comme un flash sur la queue d’un orage.

Les nuages, qui font du surplace sur le cahier à spirales des nuée, laissent mes mots muets.

Ils cherchent un point final, mais la casse du Grand Typographe Timonier ne contient pas la bulle de champagne de cette terminaison.

Alors, je continue à rêver en regardant le ciel…

                                                                        © Laurent BAYART

                                                                            3 juillet 2022

LIVRE / LE DISCOURS, C’EST TOUT UN ART OU LES PLUMES DU POUVOIR.

         Le discours demeure, depuis la nuit des temps, une joute oratoire et un exercice d’éloquence pour convaincre et marquer les esprits, l’ouvrage de Michaël Moreau démontre également qu’il s’apparente à un pensum littéraire et historique, parfois périlleux…où de grandes plumes ont ainsi joué les « nègres » ou plutôt les « prête plumes » et autres sous-traitants !

« Le discours, c’est le moment où tout se joue, où le Président s’engage » affirme, un orfèvre en la matière, Henri Guaino, plume de Nicolas Sarkozy. « Le discours, c’est la messe des hommes politiques » rajoute Emmanuelle Mignon, l’ancienne directrice du cabinet du même homme politique. Ainsi, les archives de l’Elysée nous offrent des chiffres intéressants sur la « prolixité » de certains ténors. Ainsi, on recense 677 discours de Charles de Gaulle, 298 de Georges Pompidou, 956 de Valéry Giscard d’Estaing, 2.313 de François Mitterrand, 778 de Nicolas Sarkozy et 1.126 de François Hollande…Revenant sur Charles de Gaulle, André Passeron nous apprend que l’homme de Colombey écrivait lui-même ses interventions et avait pris des cours de théâtre avec le comédien, sociétaire de la Comédie Française Jean Yonnel. On découvre également, qu’avant chaque déplacement à l’étranger, Charles de Gaulle apprenait par cœur quelques phrases dans la langue du pays visité. Quant à son fameux « Vive le Québec libre ! » qui fit scandale sur le balcon de l’Hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967, on nous révèle que cette phrase, qui suscita de belles vagues au Canada, n’était pas du tout improvisée…

Giscard d’Estaing (alors, ministre) resta aussi dans la postérité, en octobre 1964, avec un discours de trois heures et demie, prononcé sans aucun papier…Un discours avec des centaines de chiffres ! 

L’écrivain Erik Orsenna, grande plume de l’ombre, se définissait ainsi comme le nègre principal des discours subalternes. 

Proche des littérateurs et des poètes, Dominique de Villepin, inspiré par Arthur Rimbaud, trouve l’adjectif « abracadabrantesque », une prouesse linguistique ! On se rappelle aussi la grande diatribe verbale orchestrée le 8 novembre 2002, dans le cadre onusien, où cet artiste du verbe fustigea les Etats-Unis et Colin Powell qui exhibait de fausses preuves, en sortant de son chapeau une fiole censée détenir de l’anthrax fabriqué par le régime de Saddam Hussein. 

Et pour conclure, l’auteur de déplorer : Regardez aussi l’évolution aux Etats-Unis, de Kennedy à Trump…Il y a une indiscutable régression de l’éloquence. Ah que reviennent les stradivarius du verbe !

                                                                            © Laurent BAYART

  • Les plumes du pouvoir, tous les discours ont une histoire, de Michaël Moreau, Editions Plon, 2020.

LES PEREGRINS DE L’ABSOLU.

photo Rémi Picand

                                             A Brigitte et Rémi Picand,

         Les chemins verticaux, qui vont vers l’absolu, passent souvent par les sentes horizontales qui vous font pérégriner et psalmodier le cantique de cette marche fraternelle qui nous emmène au-delà de nous-mêmes, à la rencontre du chuchotement de Dieu. Il parle dans la conque de nos oreilles. Prière d’un instant de grâce. J’aime me rassasier et savourer le paysage qui déroule sa verte romance et ses dénivelés devant moi. La route est belle quand elle fait chanter mes souliers. Les ampoules aux pieds constituent des lumières de tabernacle, lucioles catadioptes, mais cette croix sur le dos est comme le talisman d’un coquillage enchanté. Celui de Compostelle. Qu’importe le chemin, pourvu qu’il mène à un autel…disait un personnage de film indien. Me reviennent les paroles de la chanson de Jean Humenry : 

LA ROUTE EST COURTE,
CE S’RAIT DOMMAGE
DE SE CROISER
SANS S’REGARDER
LA ROUTE EST COURTE,
CE S’RAIT DOMMAGE
DE SE CROISER
SANS S’RENCONTRER.

Moi, j’aime m’égarer dans la rencontre de l’autre. Un sourire échangé, une parole et le monde devient plus beau.

Marcher ensemble, dans la même direction, et avoir le goût de l’essentiel dans l’âme, c’est vivre dans l’intensité et la jubilation d’avancer. 

Et cette femme, au loin, sur la nef du dôme de cette église ou cathédrale, est-ce la Vierge venant à la rencontre du pèlerin ? 

Chaque pas est un miracle sur le chemin.

                                                 © Laurent BAYART

                                                                            23 juin 2022                                                    

LIVRE / LA PAPETERIE TSUBAKI ET REPUBLIQUE DU BONHEUR D’OGAWA ITO.

          Ce sont de petites merveilles de lecture asiatique que constituent les ouvrages d’Ogawa Ito, une référence de la littérature japonaise.  La papeterie Tsubaki nous emmène au cœur de la ville de Kamakura, dans une petite papeterie que la grand-mère d’Hatoko lui a léguée. Ecrivain public et orfèvre de l’écriture journalière et des formules épistolaires, elle se retrouve sollicitée pour la rédaction de missives tous azimuts et cela revient à réaliser un exercice de style et un art de la calligraphie remarquable ! L’art vient mettre ainsi son grain de sable sur la feuille de papier qui devient magique et enchantée. Etre écrivain public, c’est agir dans l’ombre, comme les doublures des grands d’autrefois. Mais notre travail participe au bonheur des gens et ils nous en sont reconnaissants…Faire-part de divorce, lettre de rupture, courrier venu d’un mort, message d’embauche ou lettre d’excuse…Les mots font de la chorégraphie parce qu’une lettre, c’est comme l’incarnation d’une personne et l’auteure de rajouter : Une belle écriture ne tient pas à une graphie régulière, mais à la chaleur, la lumière, la quiétude ou la sérénité qui en émanent.

Ogawa Ito nous régale aussi avec ses références culinaires qui mettent nos papilles à rude épreuve, même si elle se délecte à poser sa langue sur le dos des timbres : les produits utilisés au dos sont de l’acétate de vinyle et de l’alcool polyvinyliques, des substances inoffensives. Quand j’étais enfant, moi aussi j’adorais lécher les timbres. Et de nous rappeler que c’est l’Angleterre qui a inventé le premier service postal à port payé du monde. En effet, jusqu’à alors, c’était le destinataire qui réglait à réception de la lettre…Dont acte. 

Ces deux ouvrages nous ravissent par une plongée dans un monde de lettres et du partage avec les autres, théâtre de réconciliations inattendues où la calligraphie devient beauté et œuvre d’art à part entière.

                                                                                 Copyright : Laurent BAYART 

  • La papeterie Tsubaki, Editions Philippe Picquier, 2018.
  • La république du bonheur, Editions Philippe Picquier, 2020 de Ogawa Ito.

LE PETIT GARCON QUI PARLAIT A SON CHIEN.

photo Marie Bayart

                                                                         A Alphonse,

         Dans l’exubérance verte d’un pâturage chante le cantique de la liberté et l’ivresse de vagabonder avec toi, mon compagnon à quatre pattes. J’aime ces voyages de l’instant où les nuages et le bleuté du ciel se confondent et  se mélangent avec les herbes folles et les fleurs des prés. J’adore m’enivrer en ta compagnie, étrange et secrète connivence qui fait qu’un petit garçon parle à son chien ! Nous sommes sur la même longueur d’onde, au diapason du monde et de ce partage de tendresse que l’on se donne. On se comprend dans le langage du non-dit. Tu aboies de joie et moi, je m’esclaffe devant tes cabrioles de bonheur.

Plus loin, le porte-plume d’un oiseau m’offre la possibilité d’écrire ces moments de jubilation et de les laisser à la discrétion du temps. Plus tard, je serai écrivain pour dire l’inimaginable amour entre les êtres vivants.

Un jour, le monde sera si beau que l’on ne pourra plus se séparer.

Et nous resterons dans ce paysage comme dans une photo ou une peinture.

On appelle ça l’éternité, sauf qu’il y aura des étoiles à nos rendez-vous.

                                                                                   19 juin 2022

© Laurent BAYART                                                              

UNE TABLE RONDE ET DEUX CHAISES PLIANTES.

         C’est un rendez-vous et une incitation à se poser dans l’instant sacrifié à la fuite du temps. Des chaises installées sur le carrelage de la terrasse en quête de rencontres. Se retrouver enfin ! Cela faisait si longtemps. Une éternité… Le décor est planté pour nos retrouvailles. Il manque quelques verres et une bouteille. Nos existences sont en quête de cette ivresse des échanges. L’heure tourne avec le soleil. Nos ombres attendent nos corps. Un invisible serveur propose une bière. Mais où sont donc passés les personnages de cette photo ? Des gens déambulent et tournent autour de nous, mais nous ne sommes pas encore dans le moment présent. Les chaises attendent impatiemment notre venue.

Nous ne nous trouvons pas là. Certainement, ailleurs et nulle part.

Probablement attablé à un autre endroit.

Le monde est si vaste que nous ne savons plus sur quelles chaises nous nous sommes abandonnés…

Et nos existences se cherchent sur la ligne tendue d’un méridien.

Mais où donc ?

                                                                          ©  Laurent BAYART

                                                                                   14 juin 2022

LIVRE / UNE PASSIONNANTE INTRIGUE DANS LE MARSEILLE DU MOYEN-AGE.

Jean d’Aillon vit à Aix-en-Provence et rédige des romans policiers autour de l’histoire de France, et c’est –tout simplement – passionnant d’érudition. Cet auteur atypique a réalisé une grande partie de sa carrière à l’université en tant qu’enseignant en histoire économique et en macroéconomie. Il a démissionné de l’administration des finances afin de se consacrer à l’écriture. Jean d’Aillon, probablement un pseudonyme, est l’auteur d ‘une vingtaine de romans historiques qui s’articulent autour d’intrigues criminelles, avec une saga qui concerne « les aventures de Guilhem d’Ussel » dont cet ouvrage que je tiens entre les mains : Marseille, 1198, Enquêtes et complots au cœur du Moyen Age.

 Enlevé par des inconnus, Roncelin, vicomte de Marseille, a disparu. Surgit une galerie de personnages, anciens croisés, chevaliers, troubadours, princes, soudards, intriguants et autres archers avec ce fameux Guilhem d’Ussel, joueur de vielle et ménestrel. Les descriptions de ce Marseille médiéval sont magistralement bien campées : En cette fin de siècle, on entendait toutes sortes de dialectes dans l’antique cité phocéenne, on y voyait des vêtements extravaguants, on rencontrait sur les quais et dans les auberges aussi bien des chevaliers et des troubadours que des pèlerins ou des religieux. Ils attendaient d’embarquer pour la Palestine, ou ils en revenaient. Ce livre est instructif et didactique, même si on entre souvent dans la barbarie de l’époque qui avait ses « spécialités » dont le cruel gang des « écorcheurs », pas vraiment sympathique pour passer, comme on dit, « l’arme à gauche » ! On voit aussi apparaître un Robin des Bois, appelé ici « Robin au Capuchon » qui ne serait  autre qu’un certain Locksley ! Ca trucide à vau l’eau, précipite les suppliciés dans le trou des remparts et viole à tire larigot. Cette seigneurie armurée a des mœurs bien délurées ! L’intrigue est menée avec maestria et il n’y a pas de temps morts. Et puis, l’on aperçoit –au fil de la narration – des gens célèbres et renommés comme un certain Ibn Rushd, plus connu en Occident sous le nom d’Averroès, médecin et philosophe. L’auteur nous précisant à la fin du livre la part d’imaginaire et celle réservée à l’histoire, rajoutant pour conclure : A part les églises et des noms de rue, il ne reste rien du Marseille du XIIème siècle.

Que dire, sinon que l’on a envie de découvrir les autres ouvrages de ce romancier qui mélange, avec justesse, l’histoire, la narration et l’intrigue policière.

© Laurent BAYART

Les aventures de Guilhem d’Ussel, chevalier troubadour, Marseille, 1198 de Jean d’Aillon, Editions J’ai lu, 2009

JOURS HEUREUX AU JARDIN OU L’HOMME QUI PARLE A SON ARROSOIR

Il y a l’ivresse de l’azur qui vous colorie les pupilles d’un bonheur de nuées, le jardin m’écrit chaque jour une ode à la sérénité de l’instant. Un merle vient me faire la conversation et me donne des nouvelles fraîches du ciel. Tel un complice, un ami, il semble rechercher quelques connivences potagères avec celui qui bêche, outil, stradivarius des besognes de la glèbe. J’aime la plénitude verte, cette harmonie qui pose sa symbiose avec la terre et le cosmos. Ecouter cet infini qui chante et la féconde luxuriance des pommiers, des pêchers et des pruniers où quelques plumes s’étalent, comme des croches de musique sur la grammaire des partitions. Respiration de la nature qui pulse dans les rendez-vous de l’ineffable. 

L’autre jour,  mon épouse a surpris une improbable conversation entre un papa, ou un grand-père, avec son fils, ou petit-fils, passant devant mon jardin: où il est le monsieur ? – C’est lui qui parle à son arrosoir ? Immensément touché et fier de ce « qualificatif », à mettre sur ma carte de visite ? Une feuille de cerisier…

Je suis simplement heureux. Un arrosoir suffit à rassasier la soif qui habite mon âme. Je fais ainsi partie –intrinsèquement – du monde végétal…

Miracle que m’offre mon jardin. Le bénitier d’une conque de feuille recueillant la sueur qui fait pleurer mon corps, de cette divine fatigue qu’on appelle le bonheur.

                                                                        ©  Laurent BAYART

                                                                              6 juin 2022

J’AI JUSTE ETEINT LA LUMIERE OU DIALOGUE AVEC MON ANGE GARDIEN…

          C’est un peu la « part de l’ange » que je laisse dans la connivence de l’instant et dans la complicité des échanges impromptus. Seul dans mon potager, je parle à haute voix comme si j’étais relié à un invisible mobile, et me confie à celui ou celle (ont-ils finalement un sexe, nos anges gardiens ?) qui m’accompagne de sa bienveillance et de son amour. Des passants me regardent en esquissant un grand point d’interrogation dans leurs pupilles. J’essaie d’éteindre la lumière et d’atteindre les voix qui parlent entre les trilles des merles et des tourterelles. Je suis un lumignon qui cherche la lumière et reste irrésistiblement attiré par le soleil qui se trouve, comme un Dieu, dans notre incommensurable cécité. Est-ce toi, tante Lumière, mon gardien ou plutôt ma gardienne… ? Ou cet ange-gardien qui nous piste –durant toute notre existence – jusqu’à ce que nous nous transformions, en changeant de peau et de condition ? Qui sait ce qui habite le mystère et nous pousse à regarder toujours vers le Haut ?

Mon ange-gardien comme une étoile qui tisse son ombre derrière moi, tel un voile de tulle.

J’aime te savoir près de moi, te deviner, t’imaginer ?

J’ai aussi besoin de cette tendresse venant de l’autre côté des apparences, nourrissant mon espérance et ma foi.

Le reste n’est que poussière d’or que grignote mon âme.

                                                      © Laurent BAYART

                                                              25 mai 2022

NOUS AVONS TOUS BESOIN DE SUPER HEROS OU POMPIER BON ŒIL !

photo de Jérémy Marques

                                                                           A Alphonse,

         Lorsqu’Alphonse se prend à visiter une caserne de pompiers, notre petit lutin se métamorphose en un super héros. Ah que cela fait du bien d’endosser la tenue des supermans du feu ! Même si l’uniforme en textile inflammable s’avère bien trop grand…Le monde a bien besoin d’enchantements et les enfants nous font rêver à nos…songes d’antan que nous avons remisés dans le grenier de l’oubli ! Les adultes renoncent, les enfants foncent… Car, nous voulions – nous aussi – être des chevaliers de l’impossible et des vengeurs à la Zorro, pour faire tourner en bourrique (ou plutôt en barrique !) tous les sergents Garcia et la soldatesque. Mais voilà, nous avons abandonné nos utopies pour l’attrait du raisonnement. Alors, si tous les enfants du monde se prenaient l’envie de devenir des mousquetaires, cette armée de petits lansquenets de la paix pourrait changer la destinée de la planète entière et enfin éteindre les incendies que nous avons –nous-mêmes- allumés…

Il est grand temps de poser des confettis sur l’algèbre et les calculs et d’y mettre la poésie de la fantaisie.

Sinon, il y aura vraiment le feu…

                                                                             Laurent BAYART

                                                                               10 mai 2022